Dure Ardenne
de Arsène Soreil

critiqué par Catinus, le 5 mars 2021
(Liège - 73 ans)


La note:  étoiles
Un précieux document !
Arsène Soreil, blessé au cours d’une bataille de la première guerre mondiale, écrivit, lors de sa convalescence dans un hôpital militaire, quelques notes de souvenirs destinés aux siens. Il publia ce document, à peine romancé, en 1933. Il y raconte donc quelques scènes de la (très) dure vie des Ardennais. De nos jours, on a peine à concevoir que de pareilles vies ont existé alors qu’à peine un siècle nous en sépare. Le mieux est d’en épingler quelques extraits.

Extraits :

- Chez nous entre l’Ourthe et l’Aisne, nous avions, pour nous orienter, la plus parlante des roses des vents : Liège, là-haut, avec sa foire souvent promise, moins souvent accordée, incomparable stimulant ; sur la droite, le Lierneux des fous, à toutes fins utiles ; vers le bas de la carte, dans l’axe même du paradis liégeois, Saint-Hubert au pénitencier, promis aux têtes dures, aux maraudeurs, aux fainéants.

- J’étais né pour servir, comme mon père et ma mère, comme leurs pères et leurs mères.

- La où les gens vivent comme des bêtes, quel peut être le sort des bêtes elles-mêmes ?

- Monsieur, m’a-t-elle dit, c’est péché de pleurer les bêtes, mais, que le Bon Dieu me pardonne, ç’a été plus fort que moi. On ne m’enlèvera pas de la tête que mon pauvre âne est mort de chagrin.

- Savez-vous, monsieur, savez-vous quand nous avons été sauvés ? Quand nous avons eu notre première vache. Dans un ménage ardennais d’il y a cinquante ans et même trente ans, c’était comme qui dirait une promotion. Cette bête-là, ç’a été notre nourrice. Une binamée bête ! qui se laissait traire comme on voulait. Et maline ! Je ne vous dis que ça. Il y a des bêtes que c’est comme les gens : on s’y attache.