Silex and the city, Tome 9 : La dérive des confinements
de Jul

critiqué par Lucien3433, le 22 février 2021
( - 28 ans)


La note:  étoiles
Silex and the city opus 9 : Une nouvelle pépite
Fidèle à sa volonté de coller à l’actualité, « la dérive des confinements », nouvelle aventure de la famille dotcom aux temps préhistoriques, est un véritable bijou. Drôle, décapant, il revisite la courte histoire du Covid 19 dans le sens d’une dérision qui nous fait du bien.

« J’ai depuis toujours voulu mélanger l’humour des dessins de presse avec de vrais récits de Bande dessinée », explique Jul, qui a fait de cette approche hybride, depuis le lancement du premier opus chez Dargaud, sa marque de fabrique.
Rappelons brièvement le postulat de départ : une petite famille du paléolithique, les dotcom, vit dans une vallée qui refuse obstinément (les entêtés !) de se plier à la loi de l’évolution. Sur ce thème, le dessinateur -qui travaille aussi pour la presse- déroule une saga sur tous les thèmes contemporains, transposés de manière drolatique au temps de Cro-Magnon.
Comme chez Goscinny, les décalages de chronologie et les distorsions de titres provoquent le même effet comique. Le temps de l’écriture est encore lointain mais la famille Dotcom lit sans hésiter Le Nouvel Obscurantiste, Le Poing, L'Humain Dimanche et Le Monde Diplodocus.

UNE TRANSPOSITION HILARANTE DE LA CRISE SANITAIRE

On attendait donc avec impatience la transposition de l’actualité la plus brûlante par Jul, et notamment celle de la crise sanitaire. C’est désormais chose faite avec ce neuvième opus. Et l’album démarre fort. Devant la caverne, au cours d’un dîner, la mère déclare à sa fille, qui a un petit appétit pour le menu du jour : « T’est bête, c’est hyperbon, c’est du pangolin ! ». La mécanique est lancée.
Car ce qui frappe dans le scénario de Jul, c’est la justesse. On n’est pas dans une caricature sociale, mais bel et bien dans l’humour décapant et drôle sans effet boursouflé. Il est vrai que l’auteur est porté par un dessin remarquablement adapté au propos : simple, expressif, efficace. On voit là l’impact du dessin de presse sur le trait de Jul et dés lors sur ses albums.
Mais reprenons l’histoire résumée de cette version d’une des bande dessinées les plus populaires et mieux vendues des éditions Dargaud. L’épidémie commence chez l’homme de Pékin. Les Dotcom vont devoir tout faire pour échapper au nouveau virus, le Lascauvid-19, aussi dangereux que la Grippe Arboricole de -40 018 ! Mais quand les autorités de la vallée décrètent un confinement général, c'est tout le Paléolithique qui vit une syncope ! Les parents peinent à donner des cours de chasse et de préhistoire-géo à distance, les chamans essaient de contenir l'épidémie, les primates se mettent à confectionner des masques à partir de peaux de bananes, et Url et Web décident de trouver un remède à la maladie !

UNE BANDE DESSINEE QUI RECONCILIE LES GENERATIONS

« Un petit peu comme tout le monde, j’étais enfermé chez moi avec les enfants. Il fallait que je fasse quelque chose, j’avais fini Lucky Luke. Il fallait que j’occupe mes loisirs créatifs. On était tellement dans l’absurde, dans l’irrationnel. Je n’ai pas pu m’empêcher de transposer ce qui se passait pour Silex and the City. Il faut toujours trouver un bouc-émissaire, j’ai choisi l’homme de Pékin. Et puis il y avait aussi le côté un peu minable, les dénonciations. La famille dotcom est dénoncée parce qu’elle héberge un couple de chauve-souris… J’ai saupoudré de petits éléments. Il y a des superstars par exemple, le professeur Oraoultang avec sa bananosilexidrine miraculeuse ».
« Il faut une générosité dans un album comme celui-ci », insiste l’auteur. « On n’a pas besoin de tout comprendre. Cela s’adresse à tout le monde. Les enfants offrent Silex and the City à leurs parents, et inversement. La bande dessinée vise à créer un lien dans la famille », souligne-t-il. « La Bd vise à réunir les gens, à aller au-delà des dissensions, nés de ces moments d’épreuve. Et c’est en cela que la culture est fondamentale. Mes personnages souffrent du manque d’accès à la culture à cause du confinement. Mais le rire est essentiel pour s’affranchir. On s’émancipe d’une certaine pesanteur. On reprend une individualité, un esprit critique ».
Comment rire, enfin, du Covid ? La dérive des confinements est clairement la réponse. Sans aucun doute, un album destiné à devenir culte.

Lucien PETIT-FELICI