Station Metropolis, Direction Corsucant - Ville, Science-Fiction et Sciences Sociales
de Alain Musset

critiqué par Jipiconvivio, le 20 février 2021
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Mettez-moi de l'ordre dans ce bordel !
Cet ultimatum du Général de Gaulle survolant dans les années soixante en hélicoptère une région Parisienne en pleine urbanisation n'était-il pas pratiquement dès son origine sans devenir ?
Ovide ne supportant plus Rome condamnait déjà sans le savoir la future conception de Nanterre que la virtuelle Coruscant allait réduire en son temps au rang d'atome par son gigantisme.
La cité des 4000 puissance 1000.
Georges Sand, Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre tiraient déjà la sonnette d'alarme en valorisant les attraits d'une existence paisible loin de la promiscuité.
Une campagne calme et odorante sauvant Newton de l'invasion urbaine de la peste.
Mary Shelley mentionne que les attraits de la bourgade et de son clocher représentent le seul véritable bonheur que l'on est en droit d'espérer au contact d'un espace que l'on peut fréquenter tout en acceptant ses turbulences naturelles.
Il faut choisir entre Léon Menard (pas si bête) bon paysan aimant sa terre qu'il soit dans les champs, sur sa charrette, ou dans sa ferme ou faire partie des trois mille milliards d'habitants de Coruscant, de Tau Ceti Central ou de Dandale.
Survivre avec difficulté à Babylone sur Houston et ses escaliers, croulant sous la charge de survivants cramoisis se nourrissant sans le savoir de chair humaine, dans des rues bondés d'immondices ou s'imprégner de la générosité d'un paysage absent de tout relief, autre que ses collines et ses vallées que les Ewoks protègent de l'importun cachés au sommet de leurs arbres gigantesques.
Ou bien alors se rendre dans une forêt à condition qu'il en reste encore une ou l'on prend conscience de sa véritable place, dans le monde loin de Mégapoles galactiques verticales, étouffantes et démentielles, déployées sur chacune de leur planète qu'Anakin et Padmé survolent en comparant leur tracé à des Mandalas Tibétains tournés vers les étoiles.
De grands ensembles futuristes insérant d'imposants hologrammes publicitaires gratifiant par leurs luminosités artificielles les prestations d'entités virtuelles modulables à souhait.
Freder Fredersen explorant les bas fonds, découvrant au milieu des gaz, des flammes et de la fumée des visages amaigris cloitrés et corvéables envers une machine grotesque ne mentionnant même pas succinctement à quoi elle sert.
Un troupeau sans vie exécutant des taches répétitives, sécurisant la continuité d'un jardin à ciel ouvert où des nantis éloignés de profondes et interminables transpirations souterraines se défoulent dans des jeux égoïstes et insouciants.
Des bureaux à l'image de la démesure de leurs occupants contemplant à travers de larges baies vitrées la vision d'une architecture urbaine étalant sa récurrence à perte de vue.
Un réquisitoire glacial sur l'extinction d'une véritable sensibilité, remplacée par l'isolement et son luxe protecteur n'offrant qu'ironie et solitude à un produit de son époque compressé dans sa bulle d'indifférence.
L'étalage de longues théories maussades et désabusées débitées dans un isoloir ambulant transportant vers le chaos un ange déchu ayant épuré tous ses concepts moraux religieux et politiques dont les seuls repères sont la résignation et la fête effrénée.
Le tout menant vers l'aliénation un peuple sans modèle sain n'ayant plus que les ressentis de son temps pour se réaliser.
Et les villes des nations tombèrent, et Dieu se souvint de Babylone la Grande, pour lui donner la coupe de vin de son ardente colère.
Trantor cité iceberg et sans ascenseurs dont la partie visible ne révèle que le microcosme de son immensité souterraine.
Korben Dallas survolant les grattes ciels New-yorkais dans un taxi jaune délabré.
Johannesburg et ses crevettes de l'espace à l'image du pire des cauchemars de Lovecraft ou de Kafka.
Tout est sale, repoussant, l'humain dans le pire des états est un tyran, les traits creusés, le visage blême s'éteignant lentement sur des sites nauséabonds submergés par le câblage et les processeurs informatiques obsolètes.
Territoire quotidien d'une créature de l'espace rudoyée, parquée, pestiférée réduite au trafic engloutissant de la bouffe à chats, en faisant les poubelles, tout en espérant retourner chez elle.
On ne rêve plus que par la force de l'ordonnancement et la puissance des quatre opérations dans une cité de verre ou chaque geste environnant n'est plus que le sien.
Un univers inquiétant ou seuls les plus riches peuvent espérer s'en sortir en passant entre les gouttes d'une logistique de la peur, partant de bidonvilles insalubres ne s'évanouissant lentement qu'à l'approche de beaux quartiers hyper protégés.
Ce n'est plus New-York Londres ou Paris qui attirent les plus grands cataclysmes virtuels mais Shanghai ou Delhi nouvelles manne d'une industrie catastrophe se servant de la réalité de son monde pour nourrir sa fiction.
Mexico et ses trente millions d'habitants prévus dans les années quatre vingt (objectif non atteint à ce jour mais pour combien de temps?)
Sao Paulo visionné de la terrasse de l'edificio Italia et son ballet d'hélicoptères au service de notables stressés ou apeurés, survolant les artères d'une ville dangereuse perpétuellement encombrée qu'ils ne veulent plus côtoyer de près.
Dark City remodelée chaque nuit par des extra terrestres se divertissant d'humains obligés de se reconstituer de nouveaux repères.
La guerre des mondes de H.G Wells et son vicaire comparant les ravages Martiens à la destruction de Sodome et Gomorrhe.
Havena capitale de l'oeil noir capitonnée de tous ses instantanés.
Postez-vous sur une route d'Aventurie et demandez aux passants ce que le nom de Havéna évoque pour eux. Vous recevrez beaucoup de réponses différentes. Un trou de province vous répliquera le courtisan, aucun savoir vivre'. le repaire du péché vous dira le petit prêtre de Guérimm originaire des Monts Kosch, les entrailles du vice et de la corruption. le gros entrepreneur vous répondra qu'il s'agit d'un bon endroit pour les affaires.
Ce n'est plus Antoine Martin 12 Avenue des peupliers à Montargis ou Châteauroux mais DG503 Niveau 132, mégabloc 17, bloc 5, sous-bloc 12.
Le culte de la verticalité.
L'horrible beauté des gratte-ciels dans d'immenses villes radieuses, alimentant leur démence futuriste dans des immeubles de plusieurs kilomètres de hauteur semblable à des fusées refusant obstinément de décoller.
Libria, qui malgré ses formes élancées et ses galbes audacieux délivre un sentiment de vertige et d’écœurement une fois sa première impression de fascination dissipée.
The world inside. Logements, bureaux, hôtels, centres commerciaux, concerts et salles de sports en milieu clos nourrissant une population soumise à un internat perpétuel acheminant malgré ses attraits une quantité non négligeable de reclus privés de parcs et de jardins vers le saut de l'ange.
Croissez et multipliez. Principessa outil d'apaisement temporaire, propriété partageable et consentante appartenant de jour comme de nuit à tous les hommes de son étage.
Reykjavik, Prague et Varsovie pour les prolétaires au ras du sol. Louisville aux portes du ciel pour les plus nantis.
Que ce soit les cinq cent cinquante mètres en flammes de la tour infernale, Kong abattu sans pitié sur les cimes de l'empire state building ou l'atterrissage laborieux du snake sur l'une des twin towers tout n'est que soudainetés, sentences et incertitudes.
Le grand Krach d'une grosse pomme aliénée par son propre système occasionnant les comportements les plus décalés de la part de dirigeants aussi originaux qu'imprévisibles, élevés au dollar dans des bureaux gigantesques, à deux doigts d'un ciel qu'ils ne remarquent plus.
Avec toujours le même challenge pour chacun, progresser tel un algorithme de Gollatz, atteindre un pic, péricliter, s'effondrer avant d'en finir en se jetant dans un vide libérateur.
Lemmy Caution dans le labyrinthe futuriste d'Alphaville, nouveau contexte Parisien incorporant son futur dans son présent constitué de paysages nocturnes administrés par un ordinateur luminescent ou Aomame changeant de monde tout en restant dans le sien à l'écoute de la Sinfonieta de Leoš Janáček.
Il faut que tout change pour que rien ne change.
Tous à Zanzibar, serré comme des saucisses manquant d'eau et de matières premières qu'il faut acheminer à grands frais dans des mégapoles à la démographie sans cesse galopante.
Un citoyen devenu clochard ou consommateur permanent formaté par la faim, les cours de l'immobilier, le spot publicitaire, le centre commercial et les chaines câblées de plus en plus loin éloigné d'un pôle de décision sain autre que la survie ou l'accumulation des biens.
Days, le royaume du code barre. Je dépense donc je suis.
De nos jours, le cycle constant de la consommation détermine les rapports sociaux du capitalisme.
La pauvreté et la pénurie bien plus nécessaire à résorber que l'accumulation de billets de banque ne suffisant pas à emmagasiner en temps et en heures, l'air et l'eau nécessaires à la vie.
Une nouvelle carrure sensorielle de plus en plus puissante se nourrissant de son déterminisme n’étant plus que le nôtre, nouvelle église de toutes nos surabondances délirantes grignotant lentement une religion pesante et sans miracles n'arrivant plus à colmater les envies d'ailleurs de fidèles lassés de prier.
Après tout, pourquoi se culpabiliser, à quoi ça sert d'être riche si l'on ne peut pas s'étendre spatialement ni s'exhiber dans ses plus belles parures dont le camouflage s'avère inutile tant la sécurité est au top dans ces bunkers luxueux hyper cadenassés.
Et comme le dit don Salluste Les riches sont faits pour être très riches et les pauvres très pauvres.
Notre monde ne peut se réaliser qu'à travers ses différences sociales.
Le dénuement et le paraitre sur une même surface.
La climatisation pour les uns, la canicule pour les autres ceci pour l'éternité avec comme pierre angulaire de plus en plus de murs de béton séparant leurs antagonismes.
Alors pilule rouge ou pilule bleue ? Alice dans les villes du futur ou au fond du terrier ?