Bérénice
de Jean Racine

critiqué par Cléliadeldongo, le 25 août 2004
( - 36 ans)


La note:  étoiles
Racine fidèle à Racine!!!
Titus, Empereur de Rome, et Bérénice, Reine de Palestine, s’aiment. C’est pourquoi ils décident tout naturellement de concrétiser leur amour en se mariant incessamment. Mais Rome ne voit pas leur union imminente d’un très bon œil car « Rome, par une loi qui ne se peut changer/ N’admet avec son sang aucun sang étranger ». Titus se retrouve alors devant un choix «cornélien»: son Empire ou l’Amour.
De son côté, Antiochus, Roi de Comagènes et meilleur ami de Titus, est amoureux de Bérénice en secret. Sachant qu’elle ne l’aimera jamais, il décide tout de même de lui avouer ses sentiments avant de s’en retourner chez lui.
Cette tragédie est révoltante et déchirante. On trouve injuste que Titus ne puisse épouser celle qu’il aime parce qu’elle est étrangère. Et malgré tout, même s’il s’agit de son propre Empire, Titus n’en reste pas moins prisonnier des ses lois et de son peuple impétueux. Quant à Bérénice, femme forte et fragile à la fois, elle ne comprend pas bien l’hésitation de son Titus et nous inspire la plus grande compassion. Enfin, le pauvre Antiochus est de loin le plus touchant des personnages car on ne peut rester de marbre devant un homme brûlant d’Amour pour une femme qui n’éprouve que de l’amitié à son égard.
Une tragédie donc bien classique, avec de jolies tirades d’un français plus compréhensible que « Phèdre » par exemple (ou peut-être est-ce une impression?!) et qui bien qu’étant moins réputée et connue que « Phèdre » ou « Andromaque », reste tout de même une des œuvres majeures de Messire Jean Racine.
Intrigue mince magnifiée par la poésie 9 étoiles

Bérénice est l’une des 3 protagonistes principaux de la pièce de théâtre du même nom, créé par Jean Racine, en 1670. Les 2 autres sont Titus et Antiochus. Cela se passe à l’époque romaine, en une seule journée qui touchera au destin d’eux tous. Bérénice est reine de Palestine et amante de Titus, qui vient d’être intronisé empereur de Rome à la mort de son père Vespasien. Ces deux-là s’aiment et attendent depuis 5 ans de pouvoir se marier car Titus lui a promis le mariage quand il pourra être empereur. Et quand enfin, ils peuvent en avoir la possibilité, Titus doit se soumettre à la raison d’État. Voilà toute l’histoire, en résumé, en en omettant délibérément la fin pour ne pas spoiler. Autant dire que là-dedans, Antiochus, qui est roi de Comagene, et 3ème personnage principal, ne sert que de faire-valoir et fait un peu pièce rapportée, le pauvre, lui qui aime en secret et sans espoir Bérénice.

Eux trois et leurs confidents (ils en tous un, attachés comme une ombre à leurs personnes, et qui font souvent office de voix de la raison, quand celles de leur maître ou maîtresse se dérèglent dans les douleurs de l’amour, pour les ramener au sens des réalités, Paulin pour Titus, Arsace pour Antiochus et Phénice pour Bérénice), sont les seuls, presque, à discourir dans tous les 5 actes de la pièce. Je ne sais pas ce que ça donne en les voyant sur scène, mais à la lecture, cela me les fit voir agir et parler dans un cadre austère, un peu froid, un peu vide, dans lequel résonne doublement exalté par un effet de contraste la beauté des vers déclamés.

Car la violence des passions causées par la douleur de la trahison de leurs amours respectifs, sont superbement retranscrites dans les alexandrins pleins de flammes, de sentiments outrés et de griefs inexorables qu’ils se jettent les uns aux autres. Racine en la matière est véritablement un maître.

Exemples trop courts au hasard, alors que ce serait toute la pièce qu’il faudrait citer :

Où pourrai-je trouver ce prince trop fidèle ?
Ciel, conduisez mes pas et secondez mon zèle,
Faites qu’en ce moment, je lui puisse annoncer
Un bonheur où peut-être il n’ose plus penser.

Ou

N’accablez point, Madame, un Prince malheureux :
Il ne faut point ici nous attendrir tous deux.
Un trouble assez cruel m’agite et me dévore,
Sans que des pleurs si chers me déchirent encore.

La musicalité des vers nous enchante et pour cela seule, cette pièce mérite d’être lue. Mais l’intrigue dont ces vers superbes font un emballage rutilant, est vraiment très mince. Et même s’il faut saluer le tour de force de Racine d’en avoir réussi à faire toute une pièce en 5 actes, force est de constater que nombre de passages sont des redites d’une scène à l’autre, même nouvellement mises en forme à chaque fois. Ce qui donne à force une impression trop prononcée que la pièce n’est pas assez habillée, pas assez consistante, un peu trop nue, si j’ose m’exprimer ainsi. Antiochus, à cet égard, en est un peu symbolique, lui qui ne sert à rien ou presque et qu’on aurait pu évincer facilement de la pièce sans qu’elle en soit dénaturée.

Mais enfin, la poésie passe tout, magnifie tout. Jolie pièce que Bérénice, tout de même.

Cédelor - Paris - 52 ans - 18 novembre 2024


Titus et Bérénice ou l'amour impossible 9 étoiles

J'avais déjà lu cette pièce il y a quelques années, et je fus surpris par l'intérêt que je portais à ce texte. Je ne me doutais pas qu'une pièce de théâtre pouvait m'intéresser à ce point.
Je l'ai relu il y a quelques jours, et ce fut toujours la même sensation.
Le théâtre classique m'impressionne.
La belle langue, les vers en alexandrin, les rimes nous rapprochent de la poésie.
Des personnages, en l’occurrence Titus et Bérénice, qui s'aiment mais qui sont empêchés de vivre leur amour du fait des coutumes impériales.
Vraiment un texte magnifique.

Vladivostok - - 38 ans - 2 avril 2013


Un choix cornélien 7 étoiles

Du classique, rien de plus, rien de moins. J'avais aimé cette histoire d'amour et ce dilemme insolvable. En pièce de théâtre, et avec Kristine Scott Thomas dans le rôle titre, c'est encore mieux ;-)

Thorpedo - - 45 ans - 3 février 2010


Une intrigue mince mais crédible 8 étoiles

Racine arrive à créer une pièce de théâtre avec une histoire simple et banale pouvant se résumer en deux lignes. Pour cela il mérite le respect.
Et il faut avouer qu'il a atteint son objectif en proposant une intrigue mince mais qui au moins possède la crédibilité de pouvoir se passer sur une journée, avec des personnages intéressants et dotés de personnalités qui les rendent tous dignes d'attachement et de compassion.
En effet on arrive facilement (et c'est là le pourquoi de cette tragédie) à être déçu pour eux au gré des changements de leur situation, que ce soit Antiochus, Titus ou Bérénice.
Je vais spoiler un peu mais ici nul besoin de mort, de suicide... tout le tragique repose sur les sentiments des personnages, la fatalité de la loi romaine qui condamne les espérances des uns et des autres.

La tragédie est donc finalement bien là mais personnellement j'ai regretté que certaines tirades soient exagérément longues et surtout répètent un message similaire, procédé qui s'avère un peu inutile au final.

Mis à part ça il n'y a rien à redire sur cette œuvre de qualité.

Ngc111 - - 38 ans - 16 janvier 2010


De l'absurde des lois humaines 10 étoiles

Les lois constitutionnelles de deux Etats empêchent leurs souverains respectifs de s'épouser, alors qu'ils s'aiment éperduement. En tant que publiciste - pas publicitaire, publiciste, spécialiste de droit public - , j'ai été particulièrement sensible à cette critique larvée du système matrimonial des monarchies.
Sinon, Racine est superbement fidèle à lui-même. Comment tant de rebondissements peuvent-ils survenir en une seule journée ?
Tempête dans un livre de poche.

Veneziano - Paris - 46 ans - 26 mai 2005


merveilleux 10 étoiles

Je le conseille cependant aux gens qui lisent régulièrement. En dehors de cela, cette tragédie qui se déroule sur une après midi est très touchante et forte en émotions. A lire absolument en tenant compte de la beauté des rimes, des alexandrins et des mots.

Vraiment très sublime

Plum01 - Lyon - 36 ans - 30 août 2004