Le sanctuaire
de Laurine Roux

critiqué par Hamilcar, le 8 février 2021
(PARIS - 68 ans)


La note:  étoiles
Pour sortir des limites
Les oiseaux sont un danger. Ils contaminent les êtres humains, les cadavres s’amoncellent au-delà des limites de leur sanctuaire. C’est le père qui ose transgresser cette frontière, car il faut bien aller glaner l’essentiel pour sa femme et ses deux filles.
Ça vous rappelle quelques chose ? Certes, le livre a été écrit avant la crise actuelle du coronavirus, il s’inspire de grippes aviaires mais reste le fruit d’une imagination. Heureusement ! Mais la réalité finit par rattraper l’autrice, les lecteurs redoutent la collapsologie prémonitoire, tout ça est un vilain cauchemar. L’empathie pour la famille réfugiée découle logiquement de notre propre angoisse.
Et on se laisse porter par l’écriture fluide du roman, on va très facilement vers les personnages, on s’inquiète pour eux.
Gemma est née au sein du sanctuaire. Elles ne connaît de l’extérieur que ce que les souvenirs de sa sœur June lui enseignent, Alexandra, la mère, raconte un peu, mais Gemma comprend vite que ces souvenirs là ne sont que regrets. Alors elle s’échappe de temps en temps, pour chasser, car elle manie l’arc et les flèches avec dextérité.
J’ai cru un moment ce livre sombrer dans le déjà vu, entre littérature pour adolescents et fresque apocalyptique. Il nous rappelle Jean Hegland et son roman « Dans la forêt ». Mais la comparaison s’estompe au fur et à mesure que l’écriture nous porte. Toute de sensibilité, elle véhicule l’espoir et le doute par des mots choisis qui finissent par conforter ; on se trouve bien dans un roman différent, aux prismes divers, aux facettes nuancées.
Et quoi de mieux qu’une certaine symbolique pour faire de cet ouvrage sans prétention une œuvre bien plus intéressante que le paraître. Si Gemma finit par s’ouvrir sur un monde supposé moins restreint, c’est que le message provient d’une double rencontre. Celle d’un vieil homme, rustre et vulgaire, mais néanmoins d’expérience (la menace qu’il fait s’avérera de bonne intention) et surtout celle de son aigle, Digne des effigies qu’il inspire, il est de force et de beauté, il est le messager d’au delà les limites, il perce les moindres secrets de sa vue acérée, il transmet.
Et le roman s’impose avec une force littéraire indéniable.
Un très bon livre pour passer des limites bien souvent rigoureuses, pour s’échapper de zones qui ne sont pas toujours de confort.
Une fiction pouvant devenir réalité 8 étoiles

« Le Sanctuaire »
roman de Laurine Roux
147 pages
juin 2020
Editions du Sonneur



Voici l'un des premiers romans écrits durant la pandémie .
La famille dont l'auteure raconte l'histoire face à une pandémie, s'est réfugiée dans la montagne, loin de tout et loin des gens.
Le père qui dirige d'une main de fer sa femme et ses deux filles prétend que plus personne ne vit . Ils sont les seuls rescapés ou parmi les seuls rescapés.
Ce sont les oiseaux qui auraient contaminé les hommes.
Voici là un homme qui règne en maître et punit implacablement celle, femme ou l'une des filles, qui se risque à ne pas obéir ou à quitter la maison sans autorisation.

Ils sont dans un sanctuaire, il faut qu'ils y restent, les seules sorties, encadrées, conduisent les filles à chasser et le père à aller chercher du sel dans une mine abandonnée.

Que valent les interdits devant la curiosité et la nécessité pour Gemma, la plus jeune des filles, d'en savoir un peu plus ?
Curieuse, elle s'éloigne pour tomber dans les mains d'un vieux bizarre, oiseleur.
Elle devient prisonnière, repart chez elle et revient.
C'est une fascination que cette petite fille bonne chasseuse voue à cet aigle, compagnon du vieil homme.
« Peu importe, seul l'aigle compte. Lui et moi employons la journée à nous apprivoiser. »

S'agit-il d'une amitié ou d'une attirance ?
C'est aussi un interdit, celui se s'approcher des oiseaux qui transportent et communiquent le mal.

D'une réflexion sur les risques que l'homme fait porter à la Terre sur leur avenir réciproque, le lecteur passe à un suspense bien construit et à rebondissements.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 31 juillet 2022