Le tendre narrateur : Discours du Nobel et autres textes
de Olga Tokarczuk

critiqué par Septularisen, le 1 février 2021
( - - ans)


La note:  étoiles
DISCOURS DE RÉCEPTION DU PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE.
Très curieusement et pour d’obscures raisons de dissensions interne aux membres de l’Académie Suédoise, le Prix Nobel de Littérature 2018 ne fut remis qu’en… 2019! Soit exactement cent ans après que la suédoise Selma LAGERLÖF (1858 – 1940) devint la première écrivaine à obtenir cette récompense. Le monde découvrait par la même occasion, une immense écrivaine dont l’œuvre était restée jusque-là très confidentielle: La polonaise Olga TOKARCZUK (*1962), qui devint à cette occasion la 15ème écrivaine à recevoir cette récompense.

Comme de coutume le lauréat est invité à écrire un discours à cette occasion. C’est ce discours qui est repris dans ce petit livre et qui permet au lecteur de découvrir la pensée et l’œuvre d'Olga TOKARCZUK. Dans son discours de réception, la romancière polonaise fait entendre une parole à la fois terriblement lucide, engagée et porteuse d'espérance sur le monde d’aujourd’hui.

Il m’est malheureusement impossible de parler de façon explicite de toutes les idées développées, dans une si courte recension, mais voici la plus intéressante: Nous vivons dans un monde saturé d’informations contradictoires», la littérature «pose des questions auxquelles il est impossible de donner une réponse à l’aide de Wikipédia», puisque la littérature «exige une certaine compétence intellectuelle, mais surtout de l’attention et de la concentration, qualités de plus en plus rares dans le monde actuel, où l’éparpillement des esprits est poussé à outrance ».
Voilà qui exige, selon Olga TOKARCZUK, «de nouvelles manières de raconter le monde». Et si pour le moment c’est plutôt le triomphe des séries télé, l’écrivaine polonaise est certaine que la littérature n’a pas dit son dernier mot, pour autant qu’elle se libère du «vieux moi-narrateur et invente de nouvelles manières de raconter le monde». Mme. TOKARCZUK rêve, elle, d’une «Narration nouvelle, d’une mythologie pour aujourd’hui, capable de tout englober, le passé, le présent et l’avenir»… «Dans son Docteur Faustus, Thomas MANN parle d’un compositeur qui imagina un genre de musique totale, capable de transformer la pensée humaine». C’est très exactement ce qu’elle fait: «Je me félicite, de ce que la littérature ait magnifiquement conservé son droit aux bizarreries, aux fantasmagories, aux provocations, au grotesque ou à la folie»…

Ce livre compte aussi deux textes inédits : «Les Travaux d'Hermès, ou comment chaque jour, les traducteurs sauvent le monde», et «La Fenêtre».

«Les Travaux d'Hermès, ou comment chaque jour, les traducteurs sauvent le monde», est une réflexion, en forme de remerciement sur le rôle et l’importance des traducteurs dans le monde et dans la diffusion des écrits! C’est «ce qui lui permet d’exister dans d’autres cultures». Elle se félicite que «les traducteurs nous libèrent, nous auteurs, de la profonde solitude propre à notre métier…» et de «Ne plus avoir à affronter seule le critique littéraire furieux, les yeux dans les yeux, ou le journaliste privé de tout goût littéraire, la rédactrice susceptible ou le modérateur sûr de lui et arrogant»…

«La Fenêtre» est une longue méditation à propos du premier confinement de 2020. Elle écrit que : «Depuis longtemps déjà, le monde était dans le trop. Excès de choses, excès de choses, excès de bruit… ». Elle écrit que : «Le virus nous a rappelé ce que nous refoulions avec tant d’ardeur, le fait que nous étions des êtres fragiles, constitués de la plus délicate des matières. Que nous mourons. Que nous sommes mortels». Et surtout que: «Le virus nous a fait prendre conscience que, aussi vulnérables et démunis que nous nous sentions face à la menace, il y a des gens autour de nous qui sont encore plus faibles et qu’il faut aider».

En conclusion je dirais que c’est un très bon livre pour partir à la découverte de l’œuvre de l’écrivaine polonaise.