Manières d'être vivant: Enquêtes sur la vie à travers nous
de Baptiste Morizot

critiqué par Frunny, le 26 décembre 2020
(PARIS - 58 ans)


La note:  étoiles
Réinscrire l'humain dans le vivant !
Baptiste Morizot (1983- ) est un enseignant-chercheur en philosophie français, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille. Ses recherches portent principalement sur les relations entre l'humain et le reste du vivant.
"Manières d'être vivant : enquêtes sur la vie à travers nous" est édité par Actes Sud en 2020.

A travers cet essai exigeant, Baptiste Morizot explicite la difficile cohabitation entre l'humain et le règne animal (et le vivant d'une manière générale)
Un recueil de 6 textes, des nouvelles philosophiques "à la Jim Harrison".
L'humain est un "primate social obnubilé par ses congénères, aveugle au monde des vivants qui l'entoure, auquel il appartient et dont il dépend.
Nous nous sommes progressivement déconnectés du vivant, capables de reconnaître au 1er coup d'oeil les logos des marques de grandes entreprises mais incapables d’identifier plus de 3 espèces de plantes de nos régions (... )
Nous avons perdu notre "animalité humaine" .
Un essai entrecoupé d'expériences "de terrain". Des traques, du pistage de loups en cours de réintroduction dans le sud Vercors. Le loup, animal mythique qui nous donne l'impression d'avoir 20 ans ET des millions d'années.
Des expériences de pistage pour éclaircir, comprendre et traduire le mystère animal.
"Nous avons tous, nous vivants, un corps épais de temps, fait de millions d'années, tissé d'aliens familiers et bruissant d'ancestralités disponibles. "
L'humain est-il tellement plus performant qu'une plante capable de pratiquer la photosynthèse ?
Baptiste Moizot aborde le problème de la domestication comme un anéantissement de l'espèce qui perd sa puissance d'adaptation sauvage.
De nombreuses digressions philosophiques rendent parfois le récit un peu rébarbatif mais semblent indispensables pour éclairer les explications de l'auteur.
En résumé, il convient de réinventer les relations entre les animaux, les végétaux et les milieux.
Un traité de "Cosmopolitesse", intelligent, brillant, même si sa lecteur est parfois exigeante.
Une oeuvre postfacée par Alain Damasio dont j'ai extrait cette incroyable citation :
"Précipiter la fin du moi pour activer la fin de l'immonde. Et d'ouvrir ainsi une faim du monde ! "
Le loup dans la bergerie 10 étoiles

Ecologie, éthologie, biologie de l’évolution, aventure, exaltation, mystère, éthique, poésie et philosophie se conjuguent avec l’écriture profonde et sensible de Baptiste Morizot(1). Ses pistages de vie débutent dans le Vercors hivernal, à la poursuite de la meute de loups bien ancrée dans cet écosystème partagé avec les autres espèces.
Ses observations ultérieures dans le cadre du projet CanOvis(2) sont l’occasion de créer le concept de « diplomatie inter-espèces des interdépendances ». Sa réflexion philosophique vise les besoins fondamentaux des organismes ayant évolué depuis l’origine, en pointant les relations qui les font coexister au sein d’un même environnement.
Le rejet du dualisme gréco-judéo-chrétien propre à Spinoza nourrit l’importance à donner aux relations entre des camps antagonistes. Plutôt que de prendre aveuglement parti pour l’un ou pour l’autre des adversaires en présence ou être sinon accusé de trahison, la politique consistant à renforcer leurs interdépendances offre le cadre pour s’extraire d’une modernité toxique.
(1) Réservé aux abonnés ou à ceux qui acceptent les cookies : https://philomag.com/articles/…
(2) Site et vidéos sur le projet CanOvis : https://ipra-landry.com/nos-projets-de-recherche/…

Colen8 - - 82 ans - 26 février 2023