Les Tuniques Bleues, Tome 65 : L'envoyé spécial
de Béka (Scénario), José Luis Munuera (Scénario et dessin)

critiqué par Mimi62, le 3 février 2021
(Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans)


La note:  étoiles
Mitigé. Du plus dans le scénario, un graphisme moins adapté
Cet épisode marque un changement, un bouleversement même, en changeant de scénariste et de dessinateurs.
Pour les scénaristes, la série en a connu plusieurs, avec plus ou moins de bonheur. A la lecture de cet opus, il est à espérer que cette collaboration dure. Le scénario a retrouvé de la vigueur avec quelques pointes d'humour de temps à autre, tout cela ancré dans une certaine réalité historique. Certes, à l'écriture, quelques libertés se glissent mais nous ne sommes pas dans une BD historique en tant que document de référence.
Un réel plus par rapport aux épisodes précédents.

Pour le graphisme je suis beaucoup plus réservé.
La couverture laisse augurer d'une évolution mais pas de révolution. Après lecture, j'en viens à me demander si cette couverture est bien de Munuera.
Les décors sont plus travaillés sans que cela apporte à l'esprit de la BD. J'ai eu un sentiment de dessins trop surchargés, trop colorés, comme un fard outrancier. (p 30, 31). On se trouve plutôt face à un peintre qu'à un illustrateur de BD.
Les pages 38, 40 et 41 sont à la limite de l'indigeste.
Le dessinateur cède aussi à cette tendance cinématographique du cadrage hyper serré qui donne plutôt le tournis qu'autre chose. N'est pas Sergio Léone qui veut.(p 41, 45, 49 )
Vu cette recherche, le lecteur n'en sera que plus exigeant en ce qui concerne la cohérence avec les réalités de l'époque.
Pour Blutch, on constate qu'il ne s'agit pas du même dessinateur mais on conçoit l'évolution, on reconnaît le personnage.
Pour Chesterrfield, ça se gâte. Le personnage à l'origine plutôt rabelais, est devenu un personnage grand, dépassant tout le monde d'une tête, svelte, faisant de lui presque une sorte de top modèle !
Son air Lou Ravi par moment est difficilement compréhensible (p 17).

D'autres portraits tirent vers la caricature, donnant aux personnages davantage une trogne qu'un visage.(le capitaine p47, le journaliste).

Enfin, il ressort du tout un ensemble sombre bien à l'opposé de la clarté globale du dessinateur précédent. On assiste là aussi à une évolution de la BD qui, pour ma part, la fait quitter son côté imaginaire pour tendre vers plus de réalisme.
Ce n'est pas ce que je cherche dans ce type de BD.

Mon ressenti global est donc mitigé. Je pense que le dessinateur va évoluer et finira par trouver davantage de cohérence dans le dessin, notamment de Chersterfield. Pour le reste, on finira par s'habituer, la qualité du scénario permettant de compenser ces regrets graphiques.
Bizarre... 4 étoiles

L'arrêt de la série par Raoul Cauvin avait contraint les éditions Dupuis à recruter une nouvelle équipe d'auteurs pour faire aboutir un album qui, c'est le moins qu'on puisse dire, tranche avec le reste de la série. Béka (deux auteurs) au scenario et Munuera au scenario et au dessin tentent ici de reprendre un univers solidement établi dans le paysage de la bande dessinée franco-belge. Si les Tuniques bleues, notamment à cause de scenarii indigents ronronnait depuis trop longtemps, je ne peux pas dire que j'ai été enchanté par la transition brutale de cet album vers de nouveaux horizons (le dernier album du duo Cauvin-Lambil paraîtra une année plus tard sous le numéro 64, de façon rétroactive et Cauvin ne verra donc pas sa sortie).
Le dessin de Munuera est assez bon je trouve: traits nerveux et dynamiques... on est loin du style de Lambil, fidèle au genre "gros nez" depuis le début... Munuera ne cherche pas à faire du Lambil mais impose plutôt ses standards et sa vision des personnages. On aime ou pas.. .pour ma part, objectivement, je pense que l'ensemble rend assez bien mais il faut accepter une transition violente dans le genre du dessin humoristique: parfois Munuera tire un peu trop vers la caricature dans ses représentations, parfois ses personnages sont trop "réalistes" quand Lambil parvient à un équilibre plus prononcé dans ses planches.
La transition est encore plus sensible dans le scenario: on peut dire que la rupture est ici totale et assumée: si l'histoire principale (celle du correspondant du Times) est assez en ligne avec les habituelles ficelles de Cauvin (antimilitarisme, sketches plus ou moins drôles...), les scénaristes optent pour calquer de façon assez artificielle et facile certains thèmes de la société d'aujourd'hui à l'univers traité de façon humoristique de la Guerre de Sécession (mariages mixtes, status des femmes etc.). Cet aspect scénaristique m'a largement gâché la lecture de cet album dont l'idée principale était pourtant séduisante (le regard impartial d'un journaliste sur la guerre civile américaine). J'attends avec impatience le prochain, le 66 scénarisé par Kriss... un vrai nouveau départ après cet intermède?

Vince92 - Zürich - 47 ans - 19 juillet 2022