Fascisme français
de Serge Berstein, Michel Winock

critiqué par Vince92, le 22 novembre 2022
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Pour en finir avec Zeev Sternhel
En 1983 paraissait Ni droite, ni gauche, brûlot de l'historien israélien Zeev Sternhell dans lequel ce dernier faisait remonter l'origine du fascisme, non pas dans l'Italie des années 20 mais plutôt dans le développement d'une doctrine née au sein de la Droite révolutionnaire française, et ce dès le milieu du XIXe s. voire dès après la Révolution de 1789-98.
Ce livre (Fascisme français) constitue une riposte à la théorie de Sternhell.... et elle est terrible. Dirigé par Serge Bernstein et Michel Winock qu'on aurait du mal à taxer de réactionnaires, Fascisme français pointe les erreurs méthodologiques, voire les malhonnêtetés intellectuelles d'un historien qui pour parvenir à démontrer sa thèse, a sciemment escamoté des sources ou tronqué des phrases de discours par exemple. Les différents auteurs qui se succèdent à la barre de l'accusation ne sont pas des inconnus et tous sont des spécialistes reconnus de l'histoire des idées et du fascisme en particulier. Si au cours de l'ouvrage, il est reconnu à Sternhell un apport considérable concernant l'établissement d'une droite révolutionnaire, battant en brèche la théorie des trois droites (Légitimiste, orléaniste, bonapartiste) de René Rémond et faisant coexister à côté de ces mouvements bien identifiés, les idées de Valois par exemple identifiées comme "révolutionnaires".
Allant plus loin, en 1983 donc, Sternhell posait que cette droite révolutionnaire allait donner naissance au fascisme. Un argument qui à mon avis est déterminant est que le fascisme est consubstantiel de la Première Guerre Mondiale. Cela est rappelé dans l'un des textes recueilli dans cet ouvrage collectif... ignorant cela, Sternhell fait feu de tout bois, et regroupe dans cette appellation "fasciste" un éventail de personnes et de mouvements qui n'ont rien à voir les uns avec les autres... Barrès, Valois, le Cercle Proudhon, La Roque et ses Croix-de-Feu (puis PSF), la revue Esprit d'Emmanuel Mounier... tout et tout le monde y passe...
Chacun des auteurs pointe les inconsistances de Sternhell et de ses relais au sein de l’intelligentsia française, on notera notamment les tentatives pour disculper le colonel de La Roque qui le 6 février 1934 aurait pu mettre à bas la IIIème République et qui n'en a rien fait car légitimiste. La Roque sera d'ailleurs résistant dans la France occupée et même déporté à ce titre. Pourquoi donc Sternell convoque-t-il La Roque au tribunal du fascisme? Le PSF représentait le seul parti de masse d'une droite contestataire. Contestataire ne signifie pas nécessairement fasciste... tout comme antisémite ne signifie pas fasciste. Bref, Sternell prend beaucoup de liberté avec les définitions et, afin de parvenir à la démonstration qu'il poursuit sans cesse, tord les faits, interprète et prend des raccourcis. Ce livre contribue à le faire tomber de sa chaire.