Le catholicisme autrement ?
de Ghislain Lafont

critiqué par Shelton, le 11 décembre 2020
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Et s'il fallait changer le Catholicisme ?
J’étais très heureux à la perspective d’interviewer le frère Ghislain Lafont dans le cadre du cinquième salon du livre chrétien organisé par RCF en Bourgogne. En effet, j’avais déjà été touché par son ouvrage « Imaginer l’Eglise catholique », il y a plus de 25 ans et son dernier ouvrage, « Le catholicisme autrement ?» m’a semblé ouvrir des pistes d’avenir dans la dynamique du Pape François. Seulement voilà, le frère est hospitalisé et il n’est pas en état de répondre à nos questions…

Fallait-il pour autant oublier son ouvrage et ne pas parler de son livre. Ce serait une erreur et il m’est revenu à la fois l’honneur et le plaisir de vous livrer quelques mots sur ce très beau livre…

Tout d’abord, rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un énorme opus, d’une somme de milliers de pages, mais tout simplement d’un petit livre, au format poche, de 180 pages. De plus, le vocabulaire est compréhensible, il ne faut pas être un expert pour voyager dans la réflexion de Ghislain Lafont…

Alors, si vous le voulez bien, ouvrons ce « Catholicisme autrement » et comprenons de quoi il s’agit…

Depuis que le catholicisme s’est structuré, organisé, hiérarchisé, cléricalisé… on parle de sa réforme. En effet, on n’a pas attendu Luther ou Calvin pour trouver que le catholicisme perdait de son évangélisme et qu’il était urgent de revenir aux sources, de retourner à Jésus lui-même…

Cette fois, Ghislain Lafont semble nous dire qu’il n’est plus temps de réformer le Catholicisme ou de le faire évoluer. Il faut le révolutionner ! Pas pour le rendre plus acceptable, plus tendance ou à la mode. Non, il faut changer de référentiel, de paradigme parce que nous avons découvert que Dieu est avant toute chose « Amour »… Or, si Dieu est « Amour », alors notre Eglise se doit être l’Eglise d’un Dieu Amour. Mais si l’expression ne semble pas si nouvelle, pas si révolutionnaire que cela, pour Ghislain Lafont, nous n’en avons pas encore tiré toutes les leçons…

Les quatre points de départ de son raisonnement sont les suivants :

- D’une part il faut arrêter de prendre le « sacrifice » pour un élément lié au mal, au péché, à la souffrance, à la mort… Le sacrifice n’existe que par l’amour. Le sacrifice éternel du Seigneur ressuscité est un acte d’amour et cela doit donner un autre sens au sacrifice dans la vie chrétienne…
- L’Eucharistie de l’Eglise en est du coup la mémoire active. Elle est basée sur l’Amour et cela n’implique pas nécessairement toute la ritualité à laquelle nous avons été habitués. L’Amour peut se libérer de la ritualité, doit se libérer…
- Comme l’Amour est fondement de tout, le ministère est unifié et même si Vatican II l’a affirmé, ce n’est pas encore compris. Je cite Ghislain Lafont : « Ma conviction est que les difficultés du présent – désertion (les vocations se font rares) et cléricalisme (les clercs se conduisent parfois comme s’ils étaient d’une autre essence) – viennent de cette résistance » à une partie de Vatican II et de la conception même du ministère.
- Enfin, il explique que le nom de Dieu que nous devons comprendre, accepter, utiliser, sur lequel il faut construire l’Eglise de demain est « Amour en excès » ou « Miséricorde »… Et ce n’est pas rien !

Là, reconnaissons que Ghislain Lafont est parfaitement dans la ligne du Pape François, mais en théologien il veut aller au bout du concept, en tirer toutes les conséquences, sans avoir peur…

Après avoir posé ses bases, Ghislain Lafont va passer en revue « La pratique de l’Eglise » et je ne vais pas, volontairement, vous en faire la liste exhaustive. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce serait trop facile de prendre juste un point et construire un jugement sur l’homme, son travail théologique, sa foi, sa vie… Ghislain mérite beaucoup mieux, il faut le lire, suivre son raisonnement. Par contre, je vous l’affirme, son texte est courageux et concret. Il parle de l’Eucharistie, du prêtre, de l’ordination des femmes, du salut, des sacrements, de l’infaillibilité pontificale, de Marie, du célibat des prêtres… Bref, il parle de tous les sujets qui peuvent fâcher ou des sujets qu’il faudrait traiter en partant de Dieu Amour… Il fait tout cela en toute liberté, la liberté des enfants d’un Dieu Amour…

D’ailleurs, il cite une phrase du cardinal Martini, un homme que j’ai aussi beaucoup lu et qui disait : « Je n’ai pas peur des gens qui ne croient pas ; j’ai peur des gens qui ne pensent pas ». Tout un programme, n’est-ce pas !

Voilà, alors, pour penser, il faut être guidé, aidé, aiguillé et je n’ai pas dit « conditionné et enfermé dans un corpus dogmatique ». Pour ouvrir notre pensée, pour nous aider à participer à la construction de l’Eglise de demain, pour remettre au centre de nos vies, intérieures et privées ou vie de l’Eglise, le Dieu Amour, ou plus exactement en excès d’Amour, il me semble utile de lire ce texte fondateur et exploratoire du théologien Ghislain Lafont, « Le catholicisme autrement ? »…

Je terminerai par une pensée profonde et amicale pour Ghislain Lafont dans son hôpital et je suis heureux d’avoir cheminé avec lui à travers son livre à défaut d’avoir pu dialoguer avec lui… C’est ce cheminement auquel je vous invite aussi… Bonne lecture !