Correspondance
de Søren Kierkegaard

critiqué par Sahkti, le 18 août 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Apprivoiser Kierkegaard
La correspondance du mystérieux Sören Kierkegaard enfin traduite en français, après un long travail minutieux de Anne-Christine Habbard, qui a épluché la correspondance danoise (celle-ci s’étend de 1829 à 1855), l’a traduite et l’a annotée.
Un riche volume qui conforte mon impression de charme et d’élégance chez Kierkegaard, penseur tourmenté qui plaçait un soin très particulier dans ses lettres et ses écrits, très attentif à son interlocuteur et à la manière dont ce dernier pouvait percevoir son message. Si cette façon d’agir enlève une certaine parcelle de naturel aux écrits, elle ajoute une qualité d’écriture bienvenue et intéressante.

A travers ces notes et ces lettres, c’est toute l’œuvre de Sören Kierkegaard qui refait surface avec un éclairage neuf, avec un doigt pointé sur cette compréhension de la solitude et de la liberté. Sa théorie, Kierkegaard ne l’a pas énoncée d’une traite, comme un concept métaphysique issu d’une soudaine inspiration ou d’une profonde réflexion. Ses concepts du destin ou de l’existence, il les décrit en les vivant au quotidien, c’était sa vie, son expérience. Passer du concret au général, de l’expérience à la théorie.
Correspondance indispensable pour comprendre Kierkegaard, le redécouvrir, se défaire de cette étiquette de chrétien convaincu ou de précurseur de l’existentialisme. Kierkegaard, c’est certes tout cela, mais c’est bien plus encore.
Kierkegaard y apparaît tantôt fantasque (si si !) tantôt tourmenté, tour à tour plongé dans de longues réflexions ou flânant dans les rues berlinoises, écrivant de la poésie ou apprivoisant Copenhague. Un homme aux multiples facettes que personne ne peut se vanter de connaître sur le bout des doigts tant il est étrange et discret, tant il entoure sa vie et certains de ses actes de mystère (combien d’ouvrages rédigés en hâte pendant la nuit par Sören Kierkegaard et qui paraissent sous divers pseudonymes…)

Cette correspondance me semble essentielle, non pas pour comprendre les textes de Kierkegaard, mais pour cerner différemment le personnage, pour se débarrasser de préjugés hâtifs ou négatifs, pour ouvrir d’autres pistes à la compréhension de textes que des critiques ont décrit comme angoissés ou noirs alors qu’ils sont le reflet d’une philosophie de vie qui consiste à expérimenter la vérité, à la tester avant de la prouver, à vivre selon sa personnalité, à placer l’expérience avant la théorie. L’existence doit se vivre avant d’être pensée. Toutes ces lettres ne nous disent pas autre chose.