Troisième (dans l’ordre d’écriture) de la série de romans écrits par Cecil Scott Forester sur les aventures maritimes du Capitaine Horatio Hornblower, publié en 1938, ce volume se distingue des deux précédents qui racontaient des faits survenus, essentiellement, sur les navires que commandaient notre héros, du côté du Nicaragua dans L’heureux Retour et en Méditerranée dans Un Vaisseau de ligne. Précisément, Pavillon haut s’inscrit directement dans la continuité du volume précédent. Après avoir accompli de nombreux exploits contre les vaisseaux français de Napoléon, Hornblower, cerné par l’ennemi, fut contraint de faire reddition et d’abandonner son navire, le Sutherland, aux Français. Fait prisonnier par ceux-ci, il doit être convoyé depuis les rives de la Méditerranée jusqu’à Vincennes où son sort est d’avance scellé : il y sera jugé, condamné et exécuté !
Les trois quarts de Pavillon haut n’ont donc pour cadre ni l’océan ni la mer, mais la terre ferme et les cours d’eau français. Avec Hornblower sont acheminés deux autres prisonniers, deux de ses compagnons, Bush (blessé et amputé d’une de ses jambes) et Brown. Le chemin est long pour aller à Vincennes et l’on imagine bien que les trois prisonniers ne demandent qu’à profiter d’une occasion propice pour s’évader. Avec cependant cette inquiétude supplémentaire pour Hornblower : étant donné qu’il a abandonné son navire aux Français, il craint fort, s’il parvient à regagner Londres, de devoir être traduit devant une cour martiale (elles n’ont pas pour réputation d’être portées à l’indulgence). D’autre part, Hornblower est hanté par le souvenir des deux femmes de sa vie : son épouse légitime qui est enceinte et Lady Barbara, celle pour qui il éprouve un amour apparemment sans issue. Toutes deux le croient probablement déjà mort.
Plus introspectif que les volumes précédents, mais non moins captivant, le récit ne se prive pas cependant de quelques coups de théâtre et de quelques exploits bien amenés. Dans leur périple, une fois évadés (on se doute bien, dès le début, que ce sera le cas), Hornblower et ses deux compagnons profiteront de la Loire, tout en devant en subir les caprices et les dangers, et seront heureusement secourus par le comte de Graçay et son épouse (dont le charme ne sera pas indifférent à notre héros !). Passionnant d’un bout à l’autre, même s’il n’y est question d’exploits maritimes qu’à la fin, Pavillon haut excelle tout particulièrement à décrire de fines analyses de situation. Ainsi du rapport entre Hornblower et ses deux compagnons, Bush et Brown, ou comment préserver les convenances de la hiérarchie, même quand on doit partager l’espace réduit d’une embarcation dérivant sur la Loire ! Un excellent cru, quoi qu’il en soit, que ce roman, avec son attachant héros, si imaginatif quand il s’agit de mettre en échec les soldats de ce scélérat de Napoléon !
Poet75 - Paris - 68 ans - 7 mai 2022 |