Celui qui regardait le ciel
de Frédéric Bleumalt

critiqué par GabrielKevlec, le 17 novembre 2020
( - 40 ans)


La note:  étoiles
Lire et devenir
Je lis. Beaucoup. Énormément. J’ai su lire avant de savoir parler. Je cherchais dans les pages d’abord les mots, l’évasion et puis, bien plus tard, les réponses aux questions que je n’osais pas formuler.
Je suis tombé sur le livre Celui qui Regardait le Ciel par hasard. Au détour d’un clic, je suis tombé dans le bleu de la couverture et de son auteur. Une intuition. Et j’ai lu. Beaucoup de livres m’ont ému, quelques-uns m’ont parlé, mais peu de livres m’ont laissé avec la sensation étrange que c’était eux qui m’avaient lu. Celui qui regardait le Ciel fait partie de ceux-là.

C’est l’histoire d’une naissance. D’une incarnation. D’une traversée. C’est l’histoire de Florent, de Calliste, et puis c’est aussi mon histoire, la vôtre aussi peut-être, et celle de tous les enfants bleus.
C’est une histoire qui a été écrite avec les cinq sens. On tourne les pages, et les mots ont une odeur, une saveur, ils brillent et caressent et chantent… L’auteur réussit ici un tour de maître, celui de décrire un voyage intérieur, une évolution, une révolution aussi, sans doute, sans jamais se perdre. Ce n’est jamais trop long, ou trop court. C’est magnifiquement, somptueusement écrit. Chaque mot choisi, chaque phrase, est d’une précision folle, d’une magnifique justesse. Le chemin initiatique du personnage est pavé de références, d’images et de musiques qui nous transportent, et de toutes les nuances de bleu. Avec Florent, on découvre, on se perd, on croit, on espère, on aime éperdument, on souffre à s’en faire des bleus à l’âme, et quand le dernier chapitre arrive, imperceptiblement, on ralentit notre vitesse de lecture, parce qu’on sait qu’il sera difficile de laisser partir cet univers, et ces personnages. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est que cet univers ne nous quittera jamais vraiment. Il y a des livres qui façonnent, qui élèvent, et cette oeuvre en fait partie. Il y a une expression anglaise qui dit « You made my day ». Pour ces lignes-là, je dirais plutôt « You made each and every day to come ».

Ce livre est de ces histoires qu’on lit, et qui nous déchiffrent en même temps, et nous laissent nu, et un peu perdu, un peu orphelin quand la dernière ligne monte finalement au ciel.
Il est de ces histoires qui font le réel paraître un peu trop serré, comme un vieux T shirt, pour autant de lumière.

Ce livre, présomptueusement, c’est comme un petit morceau de moi. Un fragment de chemin. Un tesson de sensation. Cette couleur, c’est la mienne depuis si longtemps, depuis que j’ai su la nommer et peut-être même avant cela, et j’ai découvert dans ces lignes aux allures de conte philosophique que je l’avais pas encore entièrement percée à jour. Cette histoire touche bien plus qu’une peau ne peut le faire. L’auteur ne s’adresse pas seulement à toi qui tient ce livre, mais aussi au toi que tu étais et qui y croyait encore, et surtout à celui que tu pourrais redevenir si tu laissais entrer un peu de bleu dans ta vie, si tu acceptais de descendre un moment du train pour prendre le temps de regarder le ciel.

Cette histoire, c’est ça. Des mots qui passent sous la peau et vont fouiller les hématomes du cœur, et puis de la lumière qui coule et rentre par la fissure laissée jusqu’à ce qu’on s’immerge.

Et quand on referme le livre, on prend une grande respiration, et on le voit, et on le sent.

Ça sent la fleur d’oranger et les petits matins devant la mer.

Alors merci.
Pour cette traversée.