On ne peut pas dire que les choses se soient améliorées chez les Sattouf. Le benjamin de la famille, Fadi, a été enlevé par le père qui est retourné en Syrie, et qui plus est, ce dernier donne très peu de nouvelles. Et pour ne rien arranger, Riad aborde la période difficile de l’adolescence. Timide et complexé, avec son allure voûtée et son « crâne d’œuf », il n’a plus grand-chose du jeune chérubin aux cheveux blonds de sa prime enfance.
Depuis l’enlèvement de son jeune frère évoqué dans le tome précédent, la narration, déjà passionnante depuis le début, est devenue littéralement captivante. On est réellement pris d’empathie pour la mère, qui, gagnée par une colère permanente, ne sait plus à quel saint se vouer (y compris ceux de Lourdes !) pour faire ramener son Fadi en France, car juridiquement parlant, les choses n’avancent pas vite… Et si par chance elle y parvenait, comment son enfant vivra-t-il ses moments loin de sa maman et de ses frères, dans un pays où les mœurs sont si différentes ? Le père, qui s’est découvert un regain de foi pour sa religion, l’Islam, dans ses aspects les plus rigoristes, et dont on doute que cela soit vraiment sincère, va-t-il, par vengeance peut-être, pratiquer sur son fiston une sorte de lavage de cerveau ? Va-t-il réussir à lui inculquer des valeurs rétrogrades et faire de lui un zélote ânonnant sans les comprendre les versets du Coran, dans un village syrien arriéré (celui-là même où Riad a passé les premières années de sa vie et n’en garde pas véritablement de très bons souvenirs) où la communication vers l’extérieur est plus que limitée ? Bref, des tas de questionnements auxquels toute la famille est confrontée, et le lecteur en même temps.
En parallèle, l’auteur nous narre sa préadolescence au collège, l’âge des premières amours — surtout fantasmée dans son cas — et des premières désillusions, sa découverte des maîtres de la BD, Moebius, Druillet et Bilal, et son intérêt pour le dessin qui ne faiblit pas, allié à des rêves de réussite dans le métier, ainsi que sa passion pour ce nouveau groupe prénommé Nirvana…
Rien de plus à ajouter sur la qualité intrinsèque du récit. Avec ce cinquième volet, on ne fait que se délecter des nombreuses anecdotes de l’auteur, et on est également impressionné par sa mémoire des détails, qu’il continue à relater à la fois avec tendresse et avec son humour bien à lui.
Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 14 août 2024 |