L'Europe et l'Islam: Quinze siècles d'histoire
de Henry Laurens, John Victor Tolan, Gilles Veinstein

critiqué par Colen8, le 3 novembre 2020
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Vaste fresque pédagogique
La fulgurante expansion arabo-musulmane après la disparition du Prophète finit par s’étendre de l’Atlantique à l’Indus convertissant au passage une partie seulement des populations locales chrétiennes, juives et païennes ayant appartenu aux empires romain et byzantin, puis soumises aux barbares vandales et goths venus du Nord. Plus tard des régions entières en Afrique subsaharienne, en Asie centrale jusqu’en Indonésie, en Europe du sud-est se rallieront par choix ou par contrainte à l’Islam jusqu’à la situation actuelle(1). Depuis le début l’histoire montre un enchevêtrement incessant d’antagonismes, d’affrontements, de massacres, d’esclavages certes, mais aussi de cohabitations pacifiques, d’intermariages, d’échanges culturels et commerciaux, d’alliances militaro-politiques résistant à toute tentative d’analyse manichéenne. Le temps long se révèle à l’opposé du « choc des civilisations » théorisé par l’américain Samuel Huntington (1996).
Arabes et Juifs revendiquent une ascendance commune aux deux fils d’Abraham, Ismaël pour les Arabes, Jacob pour les Juifs. La transcription posthume du Coran a été en partie l’œuvre des scribes juifs de la péninsule arabique inspirés par la Bible. La brillante civilisation des premiers siècles de l’empire arabe rayonnant depuis Bagdad en Orient, depuis Cordoue en Occident est celle qui a traduit et synthétisé tous les savoirs des héritages gréco-romains antiques, persans et indiens redécouverts beaucoup plus tard dans les monastères chrétiens du Moyen Âge. Afin de recouvrer la possession des Lieux Saints en même temps qu’attirés par la recherche de l’or les croisés « francs » régneront en Palestine et sur une partie des îles méditerranéennes pendant près de deux siècles tandis que les Normands s’installeront en Sicile.
Par une sorte de mouvement de balancier entre l’Ouest et l’Est la Reconquête espagnole d’Isabelle la Catholique verra simultanément l’Empire byzantin tomber (1453) sous les coups des Turcs fuyant eux-mêmes les Mongols. C’est ainsi que le prestigieux successeur de Rome abandonné par la papauté romaine et les royaumes chrétiens en même temps que déchiré par les conflits internes cédera la place à l’Empire ottoman. Le jeu des alliances se multipliera pendant les périodes suivantes à commencer par celle de François 1er et Soliman le Magnifique contre Charles-Quint. A finir par celle de l’Allemagne impériale avec l’Empire ottoman pendant la Grande Guerre aboutissant à la création d’une Turquie autonome, tandis que Français et Britanniques se partageront les territoires arabes restants en contradiction avec le principe des nationalités instauré par la Société des Nations.
L’humiliation ressentie à posteriori durant le dernier siècle de colonisation européenne a durablement alimenté l’esprit de revanche des factions arabo-musulmanes les plus fanatisées. Il n’empêche, autant de péripéties dans une aussi longue période, mieux qu’un scénario et à l’instar de l’illustration du siège de Vienne (1529) en couverture ne demanderaient qu’à être mises en image dans une longue série documentaire ou BD à caractère pédagogique.
(1) Nb : plus d’information sur la population musulmane en Europe :
https://blogs.mediapart.fr/sycophante/blog/…