L'Amant Fantasmatique
de Guy Bordin

critiqué par Homo.Libris, le 1 novembre 2020
(Paris - 58 ans)


La note:  étoiles
Paradis d'Hydromel
Juillet 1982, "Je" est embauché pendant ses vacances universitaires par son cousin Jean pour ficher, classer, répertorier des notes de lectures en vue de l'écriture d'un mémoire historique sur un aspect particulier de la vie en Nouvelle-France. Les deux jeunes gens s'isolent dans un chalet montagnard, assez incongrument posé dans un petit hameau (Kerbihan) désolé de la Lande bretonne des monts d'Arrée. Jean raconte à "Je" que les Inuits du grand nord canadien croient en l'existence de partenaires sexuels fantasmatiques, pendants virtuels d'un être aimé secrètement par un humain vivant. Les soirs suivants lors du coucher, "Je" profite visuellement de la plastique incroyable de Jean, peu avare de sa nudité. Les nuits de "Je" sont bientôt empreintes d'érotisme et de sexe. Au cours du séjour, "Je" fait la connaissance d'un jeune serveur en marinière, puis d'un gendarme appelé du contingent, qu'il attire successivement dans le bois en contrebas de la cabane pour s'adonner à des jeux sexuels de toutes sortes. Par la suite, il rencontre un séminariste qui ne semble pas farouche, lui non plus. Les nuits de "Je" se peuplent d'avatars de Jean en marinière, en uniforme, et en chasuble. Le séjour prend alors une tournure lubrique avec d'hallucinantes flambées de désir, de chair, et de plaisir. "Je" a-t-il trouvé son amant fantasmatique ?
Voici un roman original par son sujet et son style. Le récit oscille entre érotisme et onirisme, entrainant le lecteur dans une fantasmagorie libidineuse délectable, d'autant que l'auteur sait rester parfois suffisamment vague pour laisser libre cours à l'imagination de son lecteur. Le style est agréable, la construction maîtrisée, le vocabulaire riche, l'auteur n'hésitant jamais à être très cru quand cela est opportun. Le livre est construit comme un journal intime, "Je" étant le narrateur (on ne saura d'ailleurs jamais son prénom, même s'il y est fait allusion dans un passage du livre). L'absence de dialogue accentue le rythme journalistique du récit écrit seulement du point de vue du narrateur qui finit par perdre, avec lui, le lecteur entre réalité et imaginaire, pour son plus grand plaisir. Le décor granitique de basse Bretagne, terre de légendes, ajoute un grand plus à l'atmosphère fantasmagorique de l'histoire (un auteur qui cite Anatole le Braz, pensez !) La fin est assez surprenante, voire déroutante, mais chaque lecteur devrait en tirer sa propre conclusion !

PS : Livre édité à compte d'auteur, envoyé gracieusement par l'auteur que je ne connais pas. Je me sens donc très libre de publier cette recension écrite sans aucune contrainte ni parti-pris.