Les enfants de minuit
de Salman Rushdie

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 13 août 2004
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
J'abandonne
Cette critique est un constat d'échec car je n'ai pas pu terminé ce livre. Pourtant, cette oeuvre de Rushdie est considérée comme l'une des meilleures de la littérature contemporaine. D'ailleurs, elle a remporté le prestigieux prix Booker en 1981.

Il faut dire qu'il ne s'agit pas vraiment d'un récit, mais d'une biographie fictive d'un narrateur né au moment même où l'Inde accède à l'indépendance.

À travers les chroniques du quotidien de la famille du narrateur, on découvre les coutumes de l'Inde et l'histoire moderne de ce pays.

Pour ma part, l'absence d'une ligne directrice a rendu ma lecture très ardue. Et ce sentiment de dérive sans but a été accentué par le style littéraire de l'auteur. Un style très nerveux, décousu, parsemé de métaphores et de détails. En fait, on pourrait affirmer qu'il s'agit d'une approche peu orthodoxe qui bouscule la logique des mots.

Certains diront que la grande littérature se doit d'être austère et inaccesible. Ce n'est pas mon avis. Et je n'ai malheureusement pas la patience pour déchiffrer la magie de cette saga baroque qui possède assurément bien des qualités.
Un livre envoûtant, magique, poétique, amusant ... et plein d'autres adjectifs encore. 10 étoiles

Cela faisait des années que je souhaitais lire un roman de Salman Rushdie et pourtant je repoussais constamment cette découverte. J'ai finalement franchi le pas avec un infini plaisir. Quelle surprise ! Quel émerveillement ! Une langue travaillée, poétique, éblouissante et un rythme que seul un écrivain talentueux sait maîtriser à ce point. J'étais resté sur le scandale de la fatwa et je m'attendais à lire un simple roman engagé pour la liberté, ce roman est bien plus que cela.

Le narrateur, Saleem Sinai, raconte son histoire qui a commencé lorsque l'Histoire de l'Inde a pris un sacré un virage, en 1947, lorsque le pays devient indépendant. Il est né à minuit, heure symbolique, cette seconde qui se trouve en équilibre entre deux journées, en apesanteur, heure fatidique aussi pour les manifestations surnaturelles. C'est dont à minuit qu'il est né comme d'autres enfants. Ils sont 1001 à être nés à cette heure-là. Et l'on en vient à penser rapidement aux "Mille et Une Nuits" avec cette Shéhérazade qui ne cesse de raconter des histoires afin de se sauver, comme ce narrateur qui ne cesse de s'adresser à Padma et qui cherche toujours à la captiver pour ne pas l'ennuyer, cette servante qui se rapproche de plus en plus de son maître.
Saleem nous raconte le Pakistan, l'Inde, le Cachemire, les guerres, Ganghi, Indira Gandhi ... Tout ceci vu à travers le prisme de Saleem qui mêle monde émotionnel, histoire, merveilleux et humour. C'est aussi sa petite histoire qu'il raconte. La première phrase du roman donne le ton :" Il était une fois ... je naquis à Bombay." Le roman rappelle certains textes japonais ou sud-américains empreints de réalisme magique.

Le roman rappelle aussi l'univers des contes tout en évoquant parfois des tragédies. Le lecteur rit souvent grâce aux trouvailles langagières de l'auteur et grâce à certaines situations rocambolesques. Le lecteur ne possède sans doute pas toutes les clés pour tout décrypter. Certaines allusions ou clins d'oeil échappent peut-être à un lecteur occidental, mais l'on sent clairement que le roman est richissime et obéit à une structure qui n'est pas linéaire, mais qui transporte tout de même le lecteur grâce au talent de conteur de l'écrivain.

Un roman unique qui a remporté le Booker Prize en 1981 et a même été élu le meilleur roman parmi tous les couronnés de ce prix emblématique. Une belle langue, des images frappantes, de la poésie et une relecture de l'Histoire. Un très grand auteur !

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 1 mai 2014


Les Enfants de Minuit 6 étoiles

Je m'attendais à bien mieux que cela lorsque j'ai lu le résumé du livre. Je m'attendais à une critique plus acerbe des régimes politiques de l'Inde. L'auteur aurait peut être mieux fait de rester à une seule période de l'Inde plutôt qu'en prendre aussi large.

Le livre m'a fait penser par moment à Candide de Voltaire mais écrit d'une façon plus décousue. Je vois beaucoup de ressemblance entre Candide et Saleem mais Rushdie n'est pas aussi efficace que Voltaire.

En fait, pour moi ce livre souffre d'un gros problème. C'est celui d'avoir été lu après l'Équilibre du monde de Rohinton Mistry. Sans être mauvais, il n'est pas excellent non plus.

Exarkun1979 - Montréal - 45 ans - 3 février 2013


L'histoire cachée de l'Inde 7 étoiles

Les Enfants de minuit sont une saga familiale centrée autour du personnage de Saleem Sinai, né à minuit à l'instant précis de l’indépendance de l’Inde et qui, comme les 1001 enfants nés en Inde entre minuit et une heure, voit sa vie liée à l’histoire de son pays, ses espoirs comme ses drames.

Pour reprendre l’expression de Fee Carabine "l'histoire individuelle est une métaphore de l'histoire collective" du sous-continent indien, les plus grands événements étant comiquement réinterprétés et ramenés à la dimension personnelle du narrateur. C'est une histoire pleine d'humour et de magie, irrévérencieuse, comme tous les romans de Salman Rushdie. La méthode lui permet d’aborder tous les aspects, même les plus dramatiques, en restant relativement léger et distant (on est loin de l’Equilibre du monde de Mistry par exemple !). Mais pour apprécier et comprendre, il est donc fortement conseillé de se documenter un peu sur l'histoire de l'ex-empire des indes (Pakistan, Inde et Bangladesh) : la partition, les guerres entre ces 3 états, le régime despotique d'Indira Gandhi, etc.

On retrouve le style nerveux et légèrement heurté, imagé et imaginatif de Rushdie. Mais après la lecture du monument de fantaisie et de complexité que constitue Les versets sataniques, après une voyage impitoyable dans la société indienne à travers L’équilibre du monde, Les enfants de minuit m’ont paru un peu fade, comme après un plat trop épicé.

Romur - Viroflay - 51 ans - 28 septembre 2008


La lecture de Patryck Froissart 10 étoiles

Titre : Les enfants de minuit
Auteur : Salman Rushdie
Editions : Stock, 1983, 1987
Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau
Titre original : Midnight’s children
670 pages


On parle parfois de roman-fleuve.
Salman Rushdie n’a pas écrit un roman-fleuve.
Salman Rushdie a engendré un fleuve.
Dans ce roman, en vérité, la parole est un fleuve, un rapide, un torrent ; l’écriture de Rushdie traverse, bouscule, irrigue,inonde, dévale le cours du temps, et charrie, sauvage, impétueuse, trouble, ravageuse, dévastatrice, grondante, rugissante, les événements tragiques de l’histoire de l’Inde indépendante.
A la source du texte, de la vision, du fleuve, est Saleem, né à minuit, à la seconde même où, le 15 août 1947, était proclamée l’indépendance de l’Inde. C’est lui qui nous emporte, du jour de sa naissance à celui de sa mort, dans un voyage tragi-comique qui débute, en amont, au printemps de 1915 à la minute où son grand-père « officiel », Aadam Aziz heurte violemment du nez le sol gelé du Cachemire en faisant sa prière.
Il n’est bien sûr pas le seul à naître en même temps que l’Inde indépendante. Il se découvre brutalement, à l’occasion du choc provoqué par une chute de vélo, le réceptacle, et le « serveur » d’un réseau télépathique regroupant tous les autres, les Enfants de Minuit.
Il apprend à un autre moment que l’infirmière de la clinique où il a vu le jour l’a interchangé avec le fils adultérin que Vanita, la jolie femme d’un saltimbanque, Wee Willie Winkie, a d’un colon anglais, William Methwold…
Rien n’est simple chez Saleem, de la même façon que tout est dramatiquement complexe en Inde, et qu’est plaisamment compliquée la structure de ce monument romanesque baroque et flamboyant.
Par exemple le narrateur, Saleem Sinai, dit Morve-au-Nez, qui qualifie lui-même son appendice nasal de comcombresque, appelé successivement Bouille-Sale, Déplumé, Bouddha, et j’en passe, est un Je qui parfois se dédouble en Il, qui devient ailleurs le Nous des Enfants de Minuit (qui sont au nombre, naturellement, de mille et un), et est poursuivi par son double, son alter, Shiva, qui, suite à la manipulation de l’infirmière, vit son enfance du côté des pauvres, et tente, en passant par le cerveau de Saleem, de rassembler les Enfants dans un parti du mal, de la destruction.

Par exemple encore, Saleem est amoureux de sa sœur qui n’est pas sa sœur, et une partie de son histoire est marquée par l’obsession et l’horreur de l’inceste.

Par exemple encore, le narrateur Je-Il discute de sa narration, page après page, avec sa servante Padma (la Bouse), dont les commentaires et la critique morale s’intègrent dans le fil du récit. Il faut préciser que Padma, qui voudrait passer du statut de servante à celui de maîtresse, apprendra en même temps que le lecteur, au moment venu dans la chronologie des événements, que Saleem est castrat, depuis qu’il a subi, comme de nombreux mâles dans les années soixante-dix, la stérilisation programmée dans le cadre d’une campagne nationale de limitation des naissances, aggravée par une ablation totale des organes sexuels ordonnée par Shiva, devenu le commandant Shiva alors que Saleem plongeait dans la pauvreté, par la revanche du destin.

Les Enfants de Minuit : un long fleuve, en vérité, nullement tranquille, au contraire: une tempête, un ouragan, nommé Histoire, qui balaie les destins, qui meurtrit, viole, assassine, disperse, aliène, et passe.

Les Enfants de Minuit : un souffle, un geyser de génie.

Monsieur Salman Rushdie, aucune fatwa, aucune excommunication ne pourra jamais étouffer la lumière que vous allumez par ce livre grandiose.

Patryck Froissart, St Benoît (Réunion), le 16 septembre 2006

FROISSART - St Paul - 77 ans - 16 septembre 2006


les enfants de minuit 10 étoiles

quel livre délicieux, un conte, une histoire féerique.
il est vrai que j'ai tout de suite adhéré au style mais il est possible que cette forme d'écriture en dissuade plus d'un. mais passé ce cap, j'ai ri.
L'un des seuls auteurs à me faire rire car il est moqueur l'auteur, cynique parfois!!
La difficulté de ce livre, c'est un style non linéaire. L'auteur part dans son monde celui du rêve, celui de l' âme, du subconscient. Alors si vous n'aimez pas les histoires qui sortent du réel, si vous n'aimez pas Boulgakov, ne lisez pas Rushdie.
Mais sinon, quand l'Inde de par son côté irrationnel, tournée vers des Dieux, vous envoûte, vous fait rêver ; alors laissez vous porter par Rushdie!!!
Comment mieux comprendre l'histoire d'un pays qu'en adhérant à une histoire individuelle. ça reste un roman, pas un livre d'histoire. et pourtant ce livre explique tellement de choses.
Rushdie est né en Inde et il aime l'Inde mais il la voit d'une manière objective, avec un vision mi-indienne, mi-occidentale.
C'est ce qui crée tant de remous, il juge parfois son pays et les indiens n'aiment pas.

alors les rêveurs, les âmes d'enfants, n'hésitez pas!
mais une lecture peut-être pas conseillée aux adultes....

Annapurna - - 49 ans - 12 septembre 2005


Une histoire de l'Inde, sous le signe de la magie et de l'irrationnel 8 étoiles

C'est vrai que la lecture des "enfants de minuit" est assez ardue. J'avais aussi eu du mal à entrer dans cet univers baroque et foisonnant, mais je m'étais finalement laissée emporter par le mouvement de tourbillon qui anime ce roman.

"Les enfants de minuit" conte l'histoire récente de l'Inde à travers les destinées d'un narrateur, né à la minute même où ce pays accède à l'indépendance, et de sa famille, suivant en cela une approche assez semblable à celle de Gabriel Garcia Marquez dans "Cent ans de solitude": l'histoire individuelle comme métaphore de l'histoire collective. Une métaphore assez difficile à déchiffrer, il faut bien le reconnaître, pour le lecteur occidental qui se perd un peu dans les arcanes des tensions religieuses et des conflits indo-pakistanais. Il me semble d'ailleurs qu'on peut pousser le parallèle avec Garcia Marquez un peu plus loin et évoquer le réalisme magique à propos des "enfants de minuit", où le fantastique, la magie, l'irrationnel sont bien présents, ce qui ajoute à la difficulté de lecture tout en donnant beaucoup de charme au livre.

Quant au style, il est en effet très touffu. Salman Rushdie nous propose un véritable festival de couleurs, de sons, d'odeurs et de saveurs (je voudrais bien pouvoir goûter de ce fameux chutney de mangue verte ;-)), au point qu'on peut se sentir submergé sous un déluge d'impressions contradictoires. Mais en fin de compte, j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce gros roman baroque, après des débuts un peu pénibles il est vrai. J'ai ensuite retrouvé Salman Rushdie avec "La terre sous ses pieds", où il revisite le mythe d'Orphée et d'Eurydice. Et là, la magie n'a pas du tout opéré. J'ai eu beaucoup de mal à venir à bout de cet autre gros roman qui m'a paru creux et boursouflé...

Alors, pour conclure, j'ai vraiment apprécié "les enfants de minuit", mais de là à conseiller la lecture de Salman Rushdie, il y a un pas que je ne franchirai pas. A vous de voir, et de vous lancer dans l'aventure à vos risques et périls...

Fee carabine - - 50 ans - 14 août 2004