Deuxième des onze romans écrits par Cecil Scott Forester afin de conter les aventures maritimes de Horatio Hornblower, Un vaisseau de ligne, publié en 1938, se situe chronologiquement en sixième position de l’ensemble des ouvrages, l’auteur ayant entrepris, à partir de 1950, de remonter dans le temps pour raconter les débuts de la carrière et des aventures de son héros. Chaque lecteur peut donc choisir : soit de lire les romans dans l’ordre de leur parution (c’est ce que propose Folio), soit d’opter pour l’ordre chronologique.
Par rapport à L’heureux Retour, roman qui narrait un voyage au long cours jusqu’aux côtes du Nicaragua, Un vaisseau de ligne paraît plus sage, puisqu’il n’y est question, pourrait-on dire, que d’une virée jusqu’en Méditerranée, du côté du cap Creus. Mais ce n’est que faux-semblant, ce roman se révélant vite aussi captivant et tout aussi spectaculaire que le précédent. Il faut dire que l’action se situe en 1810 et qu’il s’agit, pour Hornblower et son équipage, d’escorter un convoi de la Compagnie des Indes jusqu’à Gibraltar, autrement sur des eaux contrôlées, en grande partie, soit par des pirates ou des corsaires, soit par les navires français de Napoléon.
Or, à Plymouth, avant son départ, Horatio Hornblower se trouve confronté à deux difficultés. L’une ne concerne pas directement les questions de navigation, notre héros étant en effet épris de Lady Barbara (avec qui le lecteur a fait connaissance dans le volume précédent) alors qu’il est dûment marié à Maria, une femme assez peu gracieuse qu’il s’efforce de servir du mieux qu’il peut, pour donner le change et ne rien laisser voir de ses sentiments véritables. L’autre difficulté, par contre, concerne bel et bien la navigation et elle est cruciale, puisqu’il s’agit des nombreux membres d’équipage qui lui font encore défaut. L’écueil est tel qu’en fin de compte, pour le pallier, il n’y a pas d’autre solution que d’engager des repris de justice.
Or, c’est avec cet équipage composite que Hornblower parvient non seulement à mener à bien la mission qui lui est confiée, mais surtout à combattre les forces navales et terrestres françaises qui occupent les côtes et rivages de Méditerranée, du côté du Cap Creus. Le roman abonde en exploits, en batailles, en ruses, chaque fois, il faut le dire, au détriment des Français qui en prennent pour leur grade ! Toutes ces scènes, racontées par Forester avec précision et avec brio, n’ont aucune peine à captiver le lecteur. Mais le roman doit aussi beaucoup à une multitude de détails intéressants à propos de la vie à bord du navire et de la personnalité même de Hornblower. On découvre ainsi que, s’il ne manque pas d’audace, le Capitaine n’en est pas moins sujet aux faiblesses bassement humaines : il éprouve la peur comme un chacun et, quand il reprend la mer après un long séjour sur terre, il est sujet au mal de mer. Pour gouverner son navire et maintenir la discipline, il lui arrive de faire fouetter des hommes. C’est nécessaire, pense-t-il, mais il convient de garder mesure : ni trop ni trop peu. Quant à l’Office religieux du dimanche, s’il le maintient, c’est parce que c’est important pour certains des membres d’équipage. Quant à lui, il ne veut surtout pas qu’il y ait un aumônier à bord du navire ! Il les déteste ! « La religion, selon Hornblower, était (en effet) la seule puissance qui pût s’attaquer aux chaînes de la discipline » !
Poet75 - Paris - 68 ans - 12 mars 2022 |