Autochtones
de Maria Galina

critiqué par Reginalda, le 25 octobre 2020
(lyon - 57 ans)


La note:  étoiles
Sous le voile du folklore
Dans une ville à la frontière entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, aujourd’hui envahie de touristes, débarque un étranger qui enquête sur un groupe artistique des années 1920, qui aurait créé un opéra, « La Mort de Pétrone », interdit après sa première représentation, car une crise de folie collective aurait précipité le public dans une orgie générale. À la suite de ce scandale, le groupe aurait été dissous et ses membres semblent s’être évanouis sans laisser de traces.
L’étranger tente de remonter leur piste, en interrogeant quelques vieux mémorialistes ou collectionneurs, tous ravis de lui prêter main forte. Un peu trop ravis, peut-être ? À mesure que son enquête avance, Christophorov remarque dans la ville une kyrielle de détails ou de phénomènes étranges. Et les autochtones qui s’intéressent de plus en plus près à ses recherches ne sont pas les moindres de ces étrangetés… Voilà pour le résumé, largement inspiré de la présentation de l’éditeur.
« L’Organisation » de la même auteure et paru chez le même éditeur en 2017 avait été un coup de cœur et, pour « Autochtones », il me faudrait le double d’étoiles. Bien sûr, ceux qui ouvriraient le livre en espérant chausser les charentaises confortables de la fantasy ou du fantastique de base seront vite désarçonnés. Il faut être attentif à tous les indices, à toutes les remarques, toutes les formulations (et peut-être qu’une relecture du livre ne sera pas superflue dans cette optique), mais on est récompensé par une immense joie, aussi bien intellectuelle que sensorielle, car Maria Galina entraîne le lecteur dans une quête exigeante où il sera confronté aux heures tragiques de l’Europe centrale, à la magie des théâtres, aux séductions trompeuses du folklore, au côté instable du verbe... Grâce à son intelligence pétillante, elle invite à la réflexion et à la méditation, étant aussi maîtresse dans la peinture des atmosphères hivernales et nocturnes : chacun de ses tableaux, chacune de ses scènes ouvrent sur des perspectives vertigineuses et font du fantastique un moyen de lire notre réalité. Chez Maria Galina, le tragique des tyrannies transparaît sous la politesse de l’humour. « Autochtones » est le livre d’une immense auteure !
Quelle découverte! 10 étoiles

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lisant la quatrième de couverture et des critiques ici et là, mais je me suis lancée sur le conseil de Reginalda. Et je ne suis pas déçue. Merci beaucoup à elle!
Oui, c'est une lecture qui se mérite et oui, je pourrais relire ce livre et y trouver des choses qui m'ont échappé, sans doute, mais : que de poésie, que d'intelligence chez cette auteure.
La quête de Christophorov dans cette ville d'Ukraine, pour comprendre ce qui s'est passé un soir de première d'opéra dans les années 1920 est le prétexte pour moquer les visions pittoresques et folkloriques du monde et montrer que derrière les apparences se tapit un univers inquiétant, menaçant et tout sauf drôle.

Missef - - 59 ans - 29 octobre 2020