Entre ici et là
de Amir Or, Sylvie Deparis (Dessin)

critiqué par Septularisen, le 25 octobre 2020
( - - ans)


La note:  étoiles
«Et écris en moi un nouveau poème sur la table de ton cœur».
«Ne demande pas»

La surface sous la page, appelle-la table.
Les mots, ne demande pas comment ils sont arrivés.
Regarde le monde des feuilles. Nomme-le arbre.
Sur la feuille du matin une goutte de rosée étincelle.
Ne demande pas comment, demande d’où.
La forme des choses est la forme de l’œil.

La «Couronne d’or» 2020 de la ville de Struga (Macédoine du Nord), considéré comme le plus important prix international de poésie, a révélé au monde un poète israélien quasi inconnu, mais pourtant digne du plus grand intérêt : Amir OR (*1956). Auteur d’une douzaine de recueils de poésie, ses poèmes sont traduits dans plus de quarante langues, dont celle de Molière, mais malheureusement seuls trois de ses livres sont disponibles en français.

C’est une poésie simple, mais jamais simpliste, pure ou plutôt épurée devrais-je dire, très sensible, parfois très sensuelle, mais jamais osée :

«Serpent»

Je suis le serpent de l’amour lové dans ta chair
dressé sur tes seins, je mords à ton ventre
montant sur tes rives comme une mer qui te creuse,
s’achève dans l’écume et se brise dans ton sang.
Je t’emmènerai la nuit avec moi vers l’Éden
pour renouveler notre amour dans le jardin de jadis.

Elle utilise des images simples, mais des métaphores très inventives, et est parfois très spirituelle, la dernière partie du livre s’intitule d’ailleurs «Poèmes-Prières» :

Merci pour le ciel du soir, merci pour les nuages,
et les cafés, les panneaux publicitaires, les poubelles, les bancs.
Merci pour les arbres, pour la lumière inquiète du matin,
pour la vie qui coule maintenant dans mes membres,
pour le mouvement et le repos,
pour les mots à dire
merci.

Avec des rimes, parfois classique, mais toujours avec l’amour du monde et de la vie :

«Lune »

L’animal entre mes jambes hurle
à l’animal entre tes jambes

La lune entre mes dents hurle
à la lune dans ton cœur

L’animal dans mon cœur a ton odeur

Amir OR nous parle de la nature, des arbres, de la lumière, de la poésie, des enfants, de l’amour. Il nous propose d’aller de par le monde, de prendre le temps d’observer attentivement d’où vient l’élan créateur et d’être soi. Par exemple l’aube qui permet de voir le monde s’éveiller lentement. Il utilise toujours de très belles images telle que : «Le ciel de ma fenêtre s’éveille» ; «Viens peindre mon monde à présent» ; «Tranche la somnolence des branches » ; «Apprends-moi à être // l’arbre que je suis», ou bien encore : «La main retient une plume, l’œil ce qu’il peut voir».

C’est sans nul doute une poésie destinée à être récitée et/ou à être lue à haute voix, ce sont des poèmes très courts, parfois seulement quelques lignes, ce qui n’est pas sans rappeler les haïkus japonais :

Sur mon lit,
cette nuit, l’odeur de ton corps
ne s’endort pas

Comme toujours, je m’efface maintenant et laisse la place au poète :

«Sur la berge de la nuit»

Sur la berge de la nuit nos corps sont étendus,
un ombreux ruisseau mugit à nos têtes.
Autour de nous des trous noirs aussi larges que des soupirs.
Nos cœurs plantés dans nos poitrines comme des roses,
nous continuons à respirer.