Intelligence artificielle: La nouvelle barbarie
de Marie David, Cédric Sauviat

critiqué par Colen8, le 4 octobre 2020
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Les limites du progrès technique au regard de l’humanisme
Un nième titre sur l’intelligence artificielle ? Celui-ci dénonce comme les autres l’absence de contrôle sur des applications par trop invasives, rendues volontairement addictives en dépit des affirmations bienveillantes des GAFAM et de leurs homologues opérant via les plates-formes de mise en relation. Une analyse historique des débuts laborieux de l’IA depuis les années 1950 montre l’immense part des crédits militaires en particulier américains durant la guerre froide dans les développements informatiques, ordinateurs personnels, interfaces homme-machine, internet des décennies suivantes. C’est surtout la très large diffusion du smartphone devenu l’objet indispensable de chaque instant, en tant que collecteur de données personnelles de masse qui a créé ce business model. Il y a certainement à redire sur les géants sans frontières de l’oligopole actuel :
- ils échappent pour l’instant à toute forme de régulation, sans autre légitimité que celle de leurs valorisations boursières astronomiques, empiètent sur les pouvoirs des démocraties occidentales par l’opacité de leurs algorithmes d’aide à la décision
- la soi-disant complémentarité homme-machine comme justification des développements du « deep learning » n’est qu’un leurre servant à masquer l’assujettissement de l’homme à la machine et non l’inverse
- en automatisant plus de tâches humaines à valeur ajoutée ils chamboulent les codes du travail des salariés, compromettent les carrières de nombreuses professions de diplômés, leur font perdre en compétences devenues inutiles au fil du temps
- leurs promesses de revenu universel à titre de compensation ne peuvent remplacer ni l’accomplissement de soi ni les relations sociales recherchés dans toute activité professionnelle
- seul un léger voile d’éthique somme toute peu contraignant sert de protection au pillage des données personnelles servant à piéger les populations les plus vulnérables.
Les auteurs s’étonnent que la philosophie se soit si peu emparée d’un sujet de société qui bouleverse à tel point le rapport au réel. Science et philosophie autrefois marchant de pair se sont séparées depuis le XIXe siècle. Les concepts de la logique remontent à Aristote, la « science sans conscience » est une citation de Rabelais, la machine à calculer fut une création de Pascal avant que la logique de Boole n’ouvre la voie à une branche mathématique. De fil en aiguille on en est arrivé à travers Alan Turing, John von Neumann et les autres aux circuits intégrés des puces de silicium bientôt prêts à émuler le cerveau avec les algorithmes de réseaux de neurones sur tout support qui s’y prêterait.