Le Rêve
de Émile Zola

critiqué par Banco, le 11 août 2004
(Cergy - 41 ans)


La note:  étoiles
Une Pause
Le rêve, livre dont on ne s'attendait pas de la part de Zola, est une pause presque heureuse dans le morbide destin de la race dégénérée des Rougon-Macquart.

Beaumont l'Eglise, écrasé par sa cathédrale, ne vit que par et pour l'évêché, protégeant ses paisibles et fervents habitants de l'entreprenant XIXe siècle lorsqu'un soir d'hiver jette sur le pavé Angélique, une orpheline de l'Assistance Publique. C'est un couple de brodeurs en mal d'enfant, les Huberts, qui recueille la fillette malgré sa naissance louche. Las, sa lourde hérédité ne tarde pas à réémerger à travers les crises et les rêveries d'Angélique devenue jeune fille ne pensant plus qu'au jeune homme blond, noble et riche qui viendra pour l'aimer et être aimée d'elle. Et le moins surprenant est que le jeune homme obéit, apparaît en la personne de Félicien VII de Hautecœur, fils de l'évêque de Beaumont, l'aime et est aimé et finit par triompher des résistances de son père qui le destine à une demoiselle des environs pour épouser l'orpheline Angélique. Angélique, qui, très simplement, très humblement, meurt heureuse dans les bras de Félicien au jour même de ses noces.

On n'attendait pas un tel livre de la part de Zola, aussi mièvrement romantique, aussi religieusement idyllique. On avait tort. Le Paradou de la faute de l'abbé Mouret, les dernières pages d' Au bonheur des dames annonçaient déjà que le maître de l'horreur naturalisé ne dédaignait pas les idylles très simples. Au reste, même par endroit mièvre et affecté, le rêve c'est du Zola. On y retrouve le même souci du plan, des effets et des détails, la même constance dans la description d'un milieu et d'un destin, la même fidélité au grand thème zolien, la conjuration de l'hérédité et du milieu contre l'homme. Ainsi si la mort finale d'Angélique est très simple et très juste, c'est qu'elle est l'aboutissement logique de son existence. La conjugaison de son hérédité néfaste qui fait de la fille abandonnée de Sidonie Rougon une rêveuse cyclothymique et névrosée et du milieu cloîtré dans la religion et hanté par la présence des Vierges Saintes et des mortes heureuses suffit à vouer Angélique au destin de morte heureuse. Zola rompt d'ailleurs ici avec ses peintures négatives du Catholicisme pour le figer en une sentimentalité béate et stupide qui exclut Beaumont du siècle qui avec la broderie forme la toile de fond de ce court roman. Rien dans le rêve n'en fait un livre indispensable, mais il demeure une pause agréable et nécessaire dans le cycle magistral et sublime des Rougon-Macquart.
Et si Le Rêve était un rêve ? 8 étoiles

Voici bien le plus curieux roman de la série.
Une petite fille de neuf ans passés dort dans la froideur d'une nuit triste, sous le porche de la cathédrale de Beaumont.
Au matin, elle ne sent plus ses membres, son être s’évanouit, comme si son cœur, devenu de glace, s’était arrêté. Une femme très belle l’emporte comme une chose, dents serrées, yeux fermés, dans l’atelier de son mari, chasublier.
Puis une vie merveilleuse commence, des parents adoptifs aimant.
Elle devient d'une adresse rare dans l'art de la broderie. Puis elle tombe en amour d'un ouvrier qui s'avère être le fils du fortuné évêque du diocèse.

On pourrait penser à un roman à l'eau de rose, tout y est merveilleux, mais la drôle de fin du texte m'a soudain fait penser que tout cela n’était peut-être qu'un rêve et ne s'est passé que dans l'esprit d'une petite fille mourante, ankylosée par le froid !!!

LES PERSONNAGES PRINCIPAUX

- ANGELIQUE MARIE
Fille non reconnue de Sidonie Rougon. Père inconnu. Elle est née à Paris, le 22 janvier 1851, quinze mois après la mort du mari de Sidonie. La sage-femme Foucart l’a déposée le 23 du même mois aux Enfants-Assistés de la Seine ; elle y a été inscrite sous le numéro matricule 1634 et, faute de nom, a reçu les prénoms d’Angélique Marie. Le 25 janvier, l’enfant a été confiée à la nourrice Françoise Hamelin, maman Nini, qui l’a emportée dans la Nièvre, où elle a grandi en pleine campagne, conduisant la Rousse aux prés, marchant pieds nus, sur la route plate de Soulanges. Au bout de neuf ans, le 20 juin 1860, comme il fallait lui apprendre un état, elle est passée aux mains d’une ouvrière fleuriste, Thérèse Franchomme, née Rabier, cousine par alliance de maman Nini. Thérèse est morte six mois après chez son frère, un tanneur établi à Beaumont, et Angélique Marie, affreusement traitée par les Rabier, s’est enfuie, une nuit de décembre, le lendemain de Noël, emportant comme un trésor, cachant avec un soin jaloux le seul bien qu’elle possédât, son livret d’enfant assisté !

- FELICIEN HAUTECOEUR
Fils de Jean XII de Hautecœur, depuis évêque de Beaumont, et de Paule de Valençay. il a perdu sa mère en naissant. Un oncle de celle-ci, un vieil abbé, l’a recueilli, son père ne voulant pas le voir, faisant tout pour oublier son existence. On l’a élevé dans l’ignorance de sa famille, durement, comme s’il avait été un enfant pauvre. Plus tard, le père a décidé d’en faire un prêtre, mais le vieil abbé n’a pas voulu, le petit manquant tout à fait de vocation. Et le fils de Paule de Valençay n’a su l a vérité que très tard, à dix-huit ans. Il a connu alors son ascendance illustre, ce long cortège de seigneurs dont les noms emplissent l’histoire et dont il est le dernier rejeton ; l’obscur neveu du vieil abbé est brusquement devenu Félicien VII de Hautecœur, et ce jeune homme qui, épris d’un art manuel, devait gagner sa vie dans les vitraux d’église, a vu toute une fortune s’écrouler sur lui.

- HUBERT
A recueilli Angélique Marie, fille non déclarée de Sidonie Rougon. Il possède à Beaumont une étroite maison à un seul étage, très ancienne, bâtie vers la fin du XVe siècle, et qui touche au transept nord de la cathédrale. La lignée des Hubert habite cette maison depuis quatre cents ans. L’Hubert actuel y brode des chasubles, comme tous ceux de sa race. À la vingtième année, il s’est épris d’une jeune fille de seize ans, Hubertine, et l’a aimée d’une telle passion que, sur le refus de la mère, il l’a enlevée, puis épousée. Mais ce mariage furtif a été frappé de stérilité, comme en punition de la faute originelle.

- HUBERTINE
Femme de Hubert. À seize ans, d’une beauté merveilleuse, elle a été aimée de lui et, comme sa mère veuve d’un magistrat, refusait de la donner, elle s’est laissé enlever. Huit mois plus tard, mariée et enceinte, elle est venue au lit de mort de sa mère, celle-ci l’a déshéritée et maudite, si bien que l’enfant, né avant terme le même soir, est mort. Et depuis, au cimetière, l’entêtée bourgeoise n’a pas pardonné, car le ménage n’a plus eu d’enfant, malgré son ardent désir. Après vingt-quatre années, les Hubert pleurent encore le fils qu’ils ont perdu, ils désespèrent maintenant de jamais fléchir la morte.

Hubertine, à quarante ans, est toujours très belle, c’est une brune forte, au calme visage. D’un tendre accord avec son mari, elle a recueilli Angélique âgée de neuf ans. Pour éviter les mauvaises fréquentations de l’école, elle se charge de compléter l’éducation de l’enfant, pratiquant d’ailleurs cette opinion ancienne qu’une femme en sait assez long quand elle met l’orthographe et qu’elle connaît les quatre règles. Peu à peu, elle prend de l’autorité sur Angélique, âme fantasque pleine de sursauts brusques, d’orgueilleuses colères suivies de repentirs exaltés. Hubertine est faite pour cette éducation, avec la bonhomie de son âme, son grand air fort et doux, son esprit droit, d’un parfait équilibre. À chaque révolte de l’enfant, en qui bouillonne l’ardeur héréditaire, elle lui apprend l’humilité. Raisonnable, elle condamne l’exagération, même dans les bonnes choses. Inquiète des vagues songeries d’Angélique, qui voudrait épouser un prince, elle s’est émue de la voir aimer le fils de monseigneur, elle lui montre l’irréalisable de sa chimère et lui conte, d’un souffle tremblant, la triste histoire de sa propre union, montrant qu’il ne faut rien mettre dans son existence dont ou puisse souffrir plus tard. Et pour enterrer le mariage impossible, elle sépare Angélique et Félicien par des mensonges ; devant cette vierge qui agonise, elle est pleine de douleur et, cependant, ne regrette rien, préférant l’enfant morte à l’enfant révoltée.


PERSONNAGES PAR ORDRE ALPHABETIQUE

Angélique Marie
Chouteau (Les)
Cornille (Abbé)
Foucart (Mme)
Franchomme (Louis)
Franchomme (Thérèse)
Gabet (La Mère)
Grandsire
Hamelin (Françoise)
Hautecœur (Félicien VII de)
Hautecœur( Les)
Hautecœur (Mgr de)
Hubert
Hubertine
Lemballeuse (Les)
Mascart (Le Père)
Rabier (Les)
Rougon (Sidonie)
Rousse (La)
Valençay (Paule de)
Voincourt (Claire de)
Voincourt (Comtesse de)

Monocle - tournai - 64 ans - 10 janvier 2022


Un Zola à contre courant 9 étoiles

Ce roman m'a semblé au départ assez difficile, il contient de nombreuses descriptions un peu ennuyeuses dans les premiers chapitres, je l'ai abandonné pour le reprendre plus tard, et j'en suis ravie. On prend plaisir à suivre Angélique, une jeune fille exaltée et innocente, dans ses luttes contre le mal. Sa naïveté ne m'a jamais parue ridicule, et Zola sait habilement nous présenter des objets ou des monuments comme les humains, la cathédrale devient une amie de l'héroïne. L'écriture est belle, c'est un roman qu'on a du mal à lâcher. Mais il vaut mieux le lire quand on est en forme.

Flo29 - - 51 ans - 27 décembre 2017


Un simple entracte ? 8 étoiles

Lorsque l’on parcourt la série des Rougon-Macquart dans l’ordre de leur parution, la blancheur éthérée du « Rêve » présente un contraste saisissant avec la profonde noirceur de « La Terre »
La montée céleste au royaume des Saints faisant suite à la descente aux enfers… La turpitude la plus ignoble vs la pureté la plus séraphique.

De quoi déconcerter le lecteur lambda et avoir d’ailleurs interpellé de nombreux exégètes de la littérature zolienne. L’auteur lui-même n’a-t-il pas écrit dans l’ «Ebauche » du « Rêve » : « Je voudrais faire un livre qu’on n’attende pas de moi ». Pari totalement réussi sur ce plan, on en conviendra !

Le grand Emile a-t-il simplement souhaité s’accorder ou nous offrir une pause salvatrice, comme il l’avait fait pour « Une page d’amour » après « L’Assommoir » ? Respirer un peu d’air pur, après avoir été submergé par tant de pourriture ?

Oui, sûrement. Mais, sa démarche ne se limite pas à ce simple souci d’alternance et « Le Rêve » n’est certes pas que le joli conte bleu, évoqué ici et là. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter sur Internet l’approche psychanalytique de la genèse de « La Faute de l’Abbé Mouret » et du « Rêve » effectuée par Antonia Fonyi le 23 janvier 2007. A méditer et, en la matière, ne surtout pas s'en tenir au premier degré d'interprétation !

Isis - Chaville - 79 ans - 5 novembre 2017


Etonnant 7 étoiles

J'ai passé du temps sur ce livre : j'ai décroché, puis l'ai repris et je ne le regrette pas. Certes l'histoire est très simple, candide, et parfois les descriptions (concernant la broderie, les vies de certaines saintes), bien que parfaitement écrites, sont longues.
C'est la finalité que j'ai préféré, quand Zola décrit la vie d'Angélique (le personnage principal) dans la globalité et avec un certain recul.
Ce n'est pas le meilleur de Zola, mais il vaut le détour.

Krys - France-Suisse - - ans - 23 mai 2017


Zola chez Harlequin 6 étoiles

Je pousse un peu le bouchon avec la formulation de ce titre. Mais... Banco, dans la sienne, ne parle-t-il pas de "mièvrement romantique". Il est vrai que l'on n'attend pas cela de la part de cet auteur, même si on peut en trouver çà et là des prémices dans son oeuvre. C'est joli, mignon, avec des tonalités suaves et une fin improbable qui en ravira peut-être quelques-uns. Je ne suis pas vraiment du nombre et ai peu apprécié ces discours lénifiants. Il ma paraît normal que, dans la série des Rougon-Macquart, il y ait un ou deux ratés.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 11 juin 2014


Une bien jolie lecture 7 étoiles

Emile Zola nous offre ici une pause dans sa série Rougon-Macquard, un épisode bien différent des autres. Un roman plein de grâce resserré autour de peu de protagonistes et autour d'un lieu: une cathédrale, personnage à part entière du roman et qui donne lieu à de remarquables lignes.Car aussi un roman où le travail d'écriture est fort pour parvenir à transmettre soit les ressentis et les ambiances liés au thème, soit les descriptions notamment celles du travail de brodeur, activité de l'héroïne et des ses parents adoptifs. Certes un roman qui véhicule une vision "angélique" à opposer aux drames décrits dans les autres volumes de la série, mais qui trouve sa place dans la description de l'époque: l'exaltation religieuse en fait partie intégrante.

Echo - Aquitaine - 45 ans - 5 décembre 2013


Songe ou conte ? 8 étoiles

C'est le Zola que l'on attendait pas. Un homme émerveillé de la pureté possible de l'âme humaine.

Toujours dans un mouvement ascendant. Il ouvre grand la porte au rêve chassant la barrière de l'incrédulité, de l'apriori, des schémas et des souffrances passées.
Par la foi en lui et en ses rêves, l'homme peut dépasser les mémoires de douleur ne lui appartenant pas. Et par là-même, ouvrir à d'autres possibles pour lui et les acteurs de ces mémoires, familiales ou sociales.
Le sens de sa vie ne pourra alors être bafoué, même par la mort !

"Le rêve" n'est pas une histoire. C'est un conte à sourires, à larmes. Bref, à vivre.
Partons rêver ... et vivre nos rêves.

Boudhakah - - 67 ans - 21 juin 2012


Un rêve angélique 6 étoiles

Angélique est une orpheline enfuie de l’assistance publique et de familles d’accueil douteuses… Elle se réfugie sous le porche de l’église de Beaumont, sous la statue de Sainte Agnès, la petite sainte vêtue de ses cheveux. Les Hubert, un couple de brodeurs en mal d’enfants, recueillent la pauvrette et l’élèvent dignement. La jeune fille grandit avec douceur dans la maison des Hubert et devient une brodeuse hors-pair. Elle n’a d’horizon que les contreforts de l’église de Beaumont, le jardin du prieuré et les fantaisies qu’elle nourrit grâce à sa lecture de La légende, un livre qui raconte les histoires des Saintes martyres et des mortes bienheureuses. Elle se construit un rêve de princesse et de miracle, de prince et de fortune, bercé par les miracles de La légende, Sainte Agnès et la finesse de la broderie…

C’est un livre étrange, quelque peu emphatique, parfois éthéré. Un livre paisible, loin des conflits sociaux et de la misère décrits dans les grands classiques de l’auteur. C’est admirablement bien écrit avec des descriptions de broderies, de tissus de grandes qualités. Un livre en hommage à cet art et pour cela, il vaut le coup d’être redécouvert. L’histoire cependant ne m’a pas passionnée. Agréable donc, mais sans plus.

Antinea - anefera@laposte.net - 45 ans - 12 février 2011