La grève des électeurs
de Octave Mirbeau

critiqué par Phil SMT, le 20 septembre 2020
( - 64 ans)


La note:  étoiles
Farce électorale
Délicieusement anarchistes, les propos d'Octave Mirbeau sont un redoutable plaidoyer contre la grande transhumance des élections. Ce brûlot corrosif se veut un éveil voire un réveil des consciences face à la grande manipulation de l'appel à l'urne. A chaque farce électorale, la léthargie démocratique et l'arnaque politique des puissants s'enchâssent confortablement dans une cérémonie citoyenne grégaire qui les légitimise pour se résumer à ce cynique constat : voter, c'est être un esclave qui choisit ses maîtres.

"Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines"