Les chats ne rient pas
de Kosuke Mukai

critiqué par Débézed, le 16 septembre 2020
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Un chat pour trois
Le chat qui venait du ciel (Takashi Hiraide), Nosaka aime les chats (Akiyuki Nosaka), Mes chats écrivent des haïkus (Minami Shimbô), pour ne citer que des livres que j’ai lus récemment, Ils sont nombreux les auteurs japonais à écrire sur, ou à propos, des chats. Le chat est une animal domestique qui occupe une place centrale dans les familles japonaises, il est normal qu’il perturbe souvent l’écrivain en gambadant sur ses pages ou sur son clavier. Kosuke Mukai raconte l’histoire de Son, un chat récupéré par Renko et le narrateur, Hayakawa, son ex-compagnon, quand ils vivaient encore en couple. Désormais, ils sont séparés et Renko a épousé Myata.

Son devient vieux, sa santé vacille et Renko voudrait partager la fin de vie du chat avec son ex-compagnon, ils l’ont récupéré et élevé ensemble, elle pense donc qu’ils peuvent s’organiser pour lui apporter les derniers soins en se répartissant les visites chez le vétérinaire et les soins à domicile. Le mari de Renko voit cet arrangement d’un mauvais œil, il pense que sa femme cherche à profiter de l’occasion pour raviver la relation qu’elle avait avec Hayakawa. Mais, progressivement, le trio s’installe dans une sorte de routine pour qu’il y ait toujours une personne à la maison pour surveiller le chat, comme si celui-ci avait réuni ce trio autour de lui dans un même objectif et dans la même affection.

Kosuke Mukai installe le chat comme régulateur des querelles qui pourraient surgir ou resurgir entre les membres du trio : Renko et Hayakawa se sont séparés sans motif tangible, un malentendu plus qu’un différend, le couple Renko - Myata s’use peu à peu, les deux hommes ne s’aiment pas beaucoup, ils se sentent un peu rivaux. Mais, l’obligation de soigner le chat et l’affection qu’ils lui portent, les obligent à trouver un modus vivendi acceptable pour chacun. La morale de ce livre serait que lorsque qu’on a un but commun et une obligation d‘atteindre un objectif collectif, il est possible de construire une cohabitation possible pour tous. Mais, le chat n’est pas éternel, malgré leurs soins attentifs, il mourra un jour prochain et les trois membres du trio se retrouveront comme avant, avec leur problème et sans le chat pour les obliger à s’entendre pour le soigner. Une invitation à la réflexion avant qu’une contrainte l’impose !

Et peut-être aussi une démonstration de l’importance d’un animal domestique pour réguler les relations entre les humains bien peu tolérants.

le chat fédérateur 8 étoiles

Lorsqu’on est un vieux chat, on se fait dorloter et soigner sans relâche, jusqu’à ce que la mort survienne, sans tenir compte des avis selon lesquels abréger les souffrances d’un être en fin de vie est aussi un acte d’amour. "Son" ne fait pas exception, lui qui est passé de l’état de chat errant à celui d’un être fétiche, amoureux exclusif de sa maîtresse Renko, cinéaste de son état. Lorsque celle-ci rompt avec son compagnon Hayakawa, scénariste, pour se marier avec Miyata, un homme très occupé par son travail, le chat va rester comme un lien invisible entre eux. Devenu vieillissant, et nécessitant des soins constants, elle va appeler à l’aide son ancien compagnon, pour qu’il subvienne à ses besoins en attendant sa fin prochaine. Comme on s’en doute, la survenue de cet ex qu’on n’attendait pas va bousculer certains équilibres dans le couple. Les souvenirs surgissent, les regrets aussi, mais chacun va apprendre à mieux se connaître au-delà des réactions de rejet immédiates. Un roman tout en finesse, imprégné d’un profond désenchantement, dans une écriture sobre allant droit à l’essentiel.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 27 février 2022