Dojoji et autres nouvelles
de Yukio Mishima

critiqué par Banco, le 10 août 2004
(Cergy - 42 ans)


La note:  étoiles
Estampes défraîchies
Le patriote et traditionaliste Yukio Mishima nous livre un échantillon d'estampes, aux couleurs passées du Japon finissant pour lequel il s'est suicidé.

En 1970, Yukio Mishima se fait seppuku en direct mettant ainsi fin à la prise d'otage du gouverneur de Tokyo et à son long discours sur la perte des valeurs japonaises et devenant par là l'écrivain japonais le plus célèbre à l'étranger. Pourtant son œuvre est loin d'être à la hauteur de sa réputation et sonne étrangement.

Mishima s'attache en effet à décrire un Japon disparu où l'honneur et l'étiquette sont plus importantes que tout et qu'il dépeint de manière étrange dans les trois nouvelles et la pièce de théâtre qui forme ce recueil. Jamais l'histoire ne parvient à toucher le lecteur. Au contraire, les nouvelles donnent plutôt un sentiment de distanciation comme si l'on observait derrière une vitre un spectacle auquel on ne comprend rien.

En revanche, ces quatre œuvres nous confortent dans l'idée d'un Japon radicalement différent de l'Occident jusqu'à en devenir incompréhensible. Les puériles questions d'étiquette des cinq femmes de la perle étonnent, les superstitions des geishas et de la jeune femme des sept ponts provoquent la curiosité, le suicide solennel de patriotisme interpelle. Mais jamais aucun de ces récits ne fait appel à autre chose qu'à la curiosité.

Que ce soit Dojoji, pièce de théâtre sur la vente d'une armoire qui a été le théâtre d'un meurtre et que la fiancée de la victime veut ravoir, les sept ponts qui conte les aventures de quatre japonaises s'en allant prier, la perle, qui décrit les réactions croisées de quatre femmes à la mystérieuse disparition d'une perle ou encore patriotisme, qui peint le suicide d'un lieutenant et de sa femme en réaction à une insurrection, aucune des œuvres ne vaut vraiment la peine que vous vous intéressiez à cet auteur passéiste et bizarre qu'était Mishima.
Une perle 9 étoiles

Dojoji et autres nouvelles est un recueil composé d'une pièce de théâtre et de 3 nouvelles.
J'ai un peu de mal après coup à trouver une thématique principale de ce recueil. La pièce de théâtre, Dojoji, commence comme une pièce comique autour de la vente aux enchères d'une vieille armoire, mais s'intéresse en fait à l'amour sous sa forme la plus passionnée, et aux dérives qui en découlent. Si l'Eros n'est pas loin du Thanatos, c'est dans "Patriotisme" que cette tension est le plus approfondie, dans l'histoire de cette femme qui suit dans la mort son militaire de mari résolu au seppuku en réponse à un dilemme moral. "Les sept ponts" nous transportent directement en plein cœur des traditions japonaises, selon lesquelles il faut prier 7 fois après avoir parcouru 7 ponts pour que son vœu se réalise. Enfin, "La perle" évoque avec beaucoup de talent les relations souvent complexes qui relient les femmes.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce petit recueil. Mishima évoque avec facilité et subtilité le pays du Japon traditionnel, et en quelques phrases nous fait voyager dans un endroit où l'on a l'impression que le temps s'écoule différemment. Il nous fait part de la fascination qu'il a pour ces traditions. J'ai par exemple trouvé que "Patriotisme", la plus longue nouvelle du recueil, se complaisait un peu trop dans une de fascination morbide pour le calvaire subi par le militaire. J’émets ceci dit une mention spéciale pour la scène d'amour tout en suggestion mais d'une beauté incroyable qui s’y trouve.
Là où Mishima m'a vraiment étonnée, c'est qu'en tant qu'homme, il a su décrire et comprendre quelque chose de profondément juste et universel au travers de ses personnages féminins, et pour cela, Dojoji, la pièce de théâtre, est mon vrai coup de cœur du recueil.

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 7 janvier 2013


2 Euros..Pas cher le bonheur 9 étoiles

Depuis des siècles dans ma pile de livres à lire, ce tout petit ouvrage à lire dans le bain... 2 Euros de culture, lost in translation en pleine tête !

C'est très difficile en tant qu'occidentale de comprendre les moeurs et cultes de ce Japon lointain. A travers ces petites nouvelles, on perçoit un soupçon de ce que veut dire "perdre la face" dans cette culture d'après guerre.

Le style est très agréable et donne envie d'en lire plus de cet auteur.

Yotoga - - - ans - 15 octobre 2012


Une redécouverte 9 étoiles

C’est en les relisant que j’ai découvert ces nouvelles, je ne me souvenais pas à quel point c’était bon. Je crois que c’est pour un travail scolaire que je les avais lu et peut-être le côté obligatoire m’avait empêché de les savourer à leur pleine capacité. En les relisant, je me suis arrêté la subtilité de l’écriture, la tournure des phrases, les descriptions, l’atmosphère, le suspense... J’ai été enchanté.

Dojoji: À la façon d’une pièce de théâtre, on assiste à la vente aux enchères d’une armoire énorme où peut-être « y a-t-il à l’intérieur un ciel étoilé, et une lune qui se lève dans un coin et se couche dans l’autre » et à l’arriver d’une femme mystérieuse.... Très mystérieux. Il y a beaucoup de non-dit, ce qui laisse place à l’imagination. 4/5

Les sept ponts: On suit les aventures de trois geishas qui veulent traverser sept ponts pour que leur souhait le plus cher se réalise. Excellente nouvelle. L’atmosphère est énigmatique et riche en descriptions. Aéré. 4.5/5

Patriotisme: Le récit du suicide d'un lieutenant et de sa femme en réaction à une insurrection de ses amis. On vit les derniers moments intime du couple: « Le lieutenant pencha la tête pour regarder le visage de sa femme. C'était le dernier visage qu'il verrait en ce monde, le dernier visage qu'il verrait de sa femme. Le lieutenant l'examina minutieusement avec les yeux du voyageur qui dit adieu aux admirables paysages qu'il ne revisitera jamais. C'était un visage qu'il ne se lassait pas de regarder - les traits réguliers sans froideur, les lèvres douces et fortes légèrement fermées. Le lieutenant baisa les lèvres sans y penser. Et soudain, bien que le visage n'eût pas été un seul instant déformé par la honte d'un sanglot, il aperçut les larmes brillantes qui sous les longs cils s'échappaient lentement des yeux fermés, ruisselaient et débordaient ». Au départ, je n’étais pas certaine que le seppuku fût le genre de sujet à m’interpeller. J’ai de la difficulté à voir le côté honorable du suicide et de mourir plutôt que de vivre dans la honte. Cependant, le récit est tellement puissant que j’ai embarqué. Je crois que c’est la nouvelle la plus forte du recueil. 5/5

La perle: Le jour de son anniversaire, une femme convit quatre amies à un dîner intime. Elle perd la perle qui orne sa bague et s’ensuit une série de quiproquos. Très vaudeville. C’est drôle, mais ce n’est pas aussi fort que les autres nouvelles. 3/5

Le thème du sexe et de l’amour (Éros) versus la mort (Thanatos) est très présent dans les trois premières nouvelles: l’armoire, pièce « de plaisir et de mort », Masako préférant mourir que ne pas être avec R., Shinji et Reiko vivant leur « dernière fois » d’une intense passion d’autant plus que la mort est proche. Ça m’a donné l’impression que la quatrième nouvelle est là pour adoucir. C’est plus léger en tout cas. J’ai lu ces nouvelles très tard dans la nuit et j’étais soulagée que ça finisse sur une bonne note pour aller dormir.

J’ai passé un bon moment de lecture.

Nance - - - ans - 24 avril 2008


Un ensemble de nouvelles à découvrir... 8 étoiles

Au sein de ces 4 nouvelles, Mishima nous transporte dans l'univers nippon. La pensée des personnages est très bien décrite et l'on a presque parfois l'impression d'y être.

J'ai ainsi beaucoup apprécié d'être transporté aussi bien dans une pièce de théâtre no, dans l'univers de trois geishas que dans celui de femmes vaniteuses. Toutefois, la troisième nouvelle "patriotisme" est très dure et fait froid dans le dos.

Oriono - Paris - 39 ans - 7 novembre 2007


Bizarreries nippones 9 étoiles

Quatre nouvelles.

Une première où il est question d’une danseuse exaltée et d’une bien étrange armoire. Une nouvelle entièrement composée de dialogues au rythme effréné, taillés au scalpel, où aucun mot n’est de trop.

Dans la seconde, ce sont trois geishas qui décident de traverser de nuit sept ponts. En priant. Une idée saugrenue pour nous, lecteurs occidentaux, mais qui nous entraînera imperceptiblement dans un suspense haletant.

La troisième nouvelle est la plus profonde. Il s’agit des derniers moments d’un couple qui décide de se suicider selon le rite traditionnel japonais. La mort, l’amour et l’honneur se mêlent en un tableau conciliant beauté et horreur.

On termine sur une touche plus légère : un goûter d’anniversaire des dames faisant partie de la société secrète « Ne Pas Avouer Son Age », au cours de laquelle l’hôtesse perd la perle de sa bague. S’en suit une histoire digne d’un vaudeville aux relents cyniques et machiavéliques.

Quatre nouvelles aux contenus et aux styles très variés qui révèlent tout le talent de Mishima.

Mieke Maaike - Bruxelles - 51 ans - 3 avril 2006