Il est des hommes qui se perdront toujours
de Rebecca Lighieri

critiqué par Ori, le 27 août 2020
(Kraainem - 89 ans)


La note:  étoiles
Quand l’enfance mal aimée détermine l’avenir
Suivant les conseils élogieux du Canard Enchaîné, j’ai entrepris la lecture de ce grand roman écrit sous pseudo par Emmanuelle Bayamack-Tam.

Maltraité par un père ignoble et violent, le héros-narrateur, l’aîné d’une fratrie de trois est également la victime d’une mère indigne. Nous assistons ici à la vie erratique de ce trio de jeunes, sujets à une maltraitance quotidienne et qui ne survivent que grâce aux liens tissés avec une communauté voisine de Roms des quartiers défavorisés de Marseille.

Désenchanté par la vie, le jeune héros se confie au lecteur en estimant que « les riches n’ont aucun mérite à être dotés d’une bonne santé mentale. C’est trop facile de n’être ni toxicomane, ni alcoolique, ni violent, quand on ne vit pas dans un taudis insalubre ou une caravane exiguë. C’est trop facile d’être gentil et généreux quand on n’a jamais manqué de rien ». L’auteure lui fait également dire « Sans être naïf au point de croire qu’un sourire signifie immanquablement le bonheur, je suis bien placé pour savoir que les familles où personne ne sourit sont immanquablement malheureuses. »

J’ai également relevé parmi les nombreuses réflexions amères qui émaillent l’ouvrage un passage cruellement vrai et que je livre également ici : « Je sais ce qu’il en est des serments, des bonnes résolutions, et de l’amour éternel. L’espérance de vie de l’amour, c’est huit ans. Pour la haine, comptez plutôt vingt. La seule chose qui dure toujours, c’est l’enfance quand elle s’est mal passée : on y reste coincé à vie. »

Les dialogues sont crus, et la plupart d’entre eux sont empruntés aux zonards. L’ouvrage livre également de nombreuses références pointues d’une pop musique savourée à l’aube des années 2000. Les personnages animant la communauté de gitans sont finement observés et la malédiction du destin se trouve quasiment présente à chacune des pages que l’on tourne avec émotion et intérêt, mais aussi avec la crainte de la catastrophe annoncée dès le début de l’ouvrage, l’assassinat du père haï …

Un grand roman, en effet !