La complication. Retour sur le communisme
de Claude Lefort

critiqué par Anonyme11, le 20 août 2020
( - - ans)


La note:  étoiles
Le totalitarisme communiste : pas une "illusion", mais une tragédie bien réelle !
Dans cet intéressant Essai rétrospectif, Claude Lefort se propose de revisiter et d’analyser le Totalitarisme Communiste à travers, entre autres, les deux grands ouvrages sur ce thème, de : Martin Malia La tragédie soviétique et de François Furet Le passé d’une illusion.
Les oeuvres de ces deux grands historiens furent éditées en 1995, 4 ans après la chute de l’U.R.S.S. en 1991.

Le postulat de départ est que bien entendu : tous sont d’accord sur l’évidente Histoire factuelle du Totalitarisme Communiste.

J’ai relevé parmi tant d’autres, quelques points clefs sur l’analyse du régime Totalitaire Communiste.

D’abord, pendant que de nombreux « intellectuels » Occidentaux du temps de l’U.R.S.S., vivaient dans l’aveuglement VOLONTAIRE de l' »illusion », l' »utopie », l' »idée » Communiste, Lénine appliquait, lui, dès le coup d’Etat Bolchevique (Communiste) du 7 novembre 1917, la répression TOTALE contre les prétendus « ennemis du peuple ». Voici ce qu’il déclarait alors, page 69 :

« La notion scientifique de la dictature s’applique à un pouvoir que rien ne limite, qu’aucune loi, aucune règle, absolument ne bride et qui se fonde sur la violence. » Et encore : « La dictature du prolétariat est un pouvoir conquis et maintenu par la violence, que le prolétariat exerce sur la bourgeoisie, pouvoir qui n’est lié par aucune loi. » Ce qui se résume dans la formule de Dominique Colas, à qui j’emprunte ces citations : « Pouvoir hors la loi, sinon celle des rapports de force entre les classes. »

Lénine et les Communistes aiment à se réclamer de la période de la Terreur Jacobine, pour mieux imposer par la violence : l’Idéologie de la « lutte des classes ».
Pourtant Claude Lefort relève malgré tout un aspect qui, pour lui, sépare Jacobinisme et Bolchevisme, celui : des Droits de l’Homme.
Après cette citation, je préciserai un « oubli » qui me semble pourtant essentiel dans son analyse, pages 72 et 73 :

« Ne devrait-on retenir qu’un critère, pour opposer le bolchevisme au jacobinisme, celui des droits de l’homme suffirait. De Février à Octobre 1917 règnent la liberté d’association et la liberté d’expression – sans parler du droit à résister à l’oppression. Il est attendu de la Constituante que soient garanties les libertés fondamentales. Une fois les bolcheviks au pouvoir, cette assemblée enfin réunie se voit aussitôt dissoute. En France, les droits de l’homme sont recouverts sous la Terreur, mais la rupture symbolique qu’ils ont établie avec l’Ancien Régime n’est pas effacée. En revanche, après avoir gagné la force d’imposer la dissolution des mencheviks, des socialistes-révolutionnaires et des anarchistes, le bolchevisme ne met pas seulement fin au pluralisme politique, il ne s’affirme pas seulement comme un parti unique, il s’arroge l’autorité de décider des principes qui régissent tant la vie économique que la famille, les moeurs, la sexualité, l’éducation, la littérature ou l’art (il faudra attendre le règne du stalinisme pour que la compétence du parti s’étende au domaine de la génétique…). Devient intolérable l’image d’une société civile – entendons : une société dans laquelle puissent, plus que coexister, se mesurer les uns aux autres, éventuellement se modifier les uns au contact des autres, des opinions, des croyances et des intérêts divergents, dans laquelle puissent se déployer des champs d’activité dont la relation se soustraie à tout point de vue de survol, et mette en échec le volontarisme et le constructivisme des dirigeants de l’Etat. »

En effet, autant je partage complètement cette réalité de la Terreur rouge Bolchevique par l’Etat Totalitaire Communiste ; en revanche, il me semble que si l’on a retrouvé après la Révolution Française, nos fondamentaux : Droits de l’Homme, ce n’est pas parce qu’ils auraient été seulement : « recouverts sous la Terreur », mais c’est surtout, à mon avis, parce qu’il y a eu le 9 Thermidor le 27 juillet 1794. C’est-à-dire la chute des Jacobins et donc après la très lente, douloureuse mais possible reprise de la célèbre : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Car si les Jacobins n’avaient pas été STOPPES ce 9 Thermidor, les Droits de l’Homme existeraient-ils encore en France aujourd’hui ?

Puis, Claude Lefort synthétise les deux seules alternatives pour le citoyen, qu’impose par la force, un régime Totalitaire, en reprenant une phrase de Hannah Arendt, page 202 :

« Les citoyens d’un pays totalitaire sont jetés et pris dans le processus de la nature ou de l’histoire en vue d’en accélérer le mouvement ; comme tels, ils ne peuvent être que les exécuteurs ou les victimes de la loi qui lui est inhérente. » Puis, Claude Lefort précise : « Finalement, l’idéologie seule permet de régler la conduite des citoyens et de fournir le principe de discrimination entre bourreaux et victimes. »

Claude Lefort décrit une autre caractéristique typique du régime Totalitaire, en l’occurrence Communiste, qui consiste dans le binôme indissociable sous forme de vases communicants, que sont les : « ennemis » supposés et les camps de concentration.
En effet, ce critère peut s’envisager dans les deux sens à la fois :
– D’une part, traquer et « ratisser » une cible la plus large possible d' »ennemis » imaginaires, afin d’alimenter les camps de concentration (Goulag Soviétique) en main-d’oeuvre très peu chère pour participer, par les travaux forcés, à l’économie du pays ;
– D’autre part, ouvrir toujours plus de camps de concentration pour satisfaire l’insatiable appétit de l’Etat Totalitaire Communiste, pour les arrestations arbitraires, aléatoires et massives.
Ce phénomène est parfaitement présenté par l’auteur page, 214 :

« S’il est sûr que les camps devinrent une réserve de travail forcé permettant de satisfaire aux besoins de l’industrie, en vain prétendrait-on chercher leur origine dans un projet qui relèverait d’une rationalité économique. La terreur qui frappait toutes les couches de la population est signe d’une incessante recherche ou, à mieux dire, d’une incessante fabrication d’ennemis du peuple : le montage des procès intentés aux industriels, aux mencheviks, aux socialistes-révolutionnaires, au début des années trente, puis aux anciens dirigeants bolcheviks et aux dirigeants de l’armée est lui-même à replacer dans le cadre de la formidable opération qui, dès le temps de Lénine, se développa sous le signe de la chasse aux « nuiseurs » et de la prophylaxie sociale. »

Ensuite, Claude Lefort démontre que dans le système Totalitaire Communiste, la notion de loi est somme toute particulièrement relative, puisque avec ou sans loi : c’est le règne de la Terreur.
En effet, même s’il existe une loi, celle-ci est « falsifiée » de telle sorte qu’elle JUSTIFIE la Terreur. Bref, dans les deux cas, au final le résultat est le même pour le malheureux citoyen qui subit l’arbitraire de l’Etat Totalitaire Communiste, page 215 :

« Dans la période qui suit la Révolution et jusqu’à la fin de la guerre civile, la Raison du parti ne fait pas place, il est vrai, au souci de la loi. La violence qui se déchaîne dans les campagnes ou les bas-fonds des villes est alors, à l’instigation de Lénine, récupérée par les bolcheviks au service de la dictature du parti, sans qu’il paraisse opportun ni souhaitable de s’embarrasser d’artifices juridiques. En revanche, un code pénal voit le jour en 1922, dont une nouvelle version est mise au point en 1926, à l’approche du procès destiné à démontrer la trahison des socialistes-révolutionnaires : un événement qui a alerté l’opinion internationale. Sous sa forme modifiée, ce code reste en vigueur jusqu’à l’avènement de Khrouchtchev. Ce n’est pas un document sommaire : il comprend cent quarante-huit articles, dont l’un d’entre eux, l’article 58, fait pleinement ressortir le nouvel esprit de la loi. Cet article, en quatorze paragraphes, permet d’effacer, par la variété des chefs d’inculpation qu’il énumère, la distinction entre politiques et droits-communs et de prendre au même filet – comme Soljenitsyne l’a minutieusement démontré – tous les citoyens que l’on se propose d’éliminer. Jamais pareille combinaison n’avait été imaginée entre la loi et l’arbitraire. »

De nos jours et surtout depuis l’ouverture des Archives de Moscou en 1992, la plupart des historiens dans le monde se rejoignent sur le déroulement historique du régime Totalitaire Communiste.

Mais hormis les courageux témoignages de survivants, peu sont les « élites » Occidentales qui ont eu la bravoure de dénoncer la BARBARIE de ce régime, avant sa chute en 1991. 74 longues années de souffrances inhumaines pour les générations successives de populations en U.R.S.S., depuis le 7 novembre 1917…, sans parler de ces autres clones Communistes CRIMINELS à travers le monde : la Chine, Cuba, le Vietnam, le Cambodge, la Corée du Nord, etc..

Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème, de :
– Michel Heller Soixante-dix ans qui ébranlèrent le monde ;
– Martin Malia La tragédie soviétique ;
– François Furet Le passé d’une illusion ;
– Hannah Arendt Le système totalitaire : Les origines du totalitarisme.