Maria Chapdelaine
de Louis Hémon, Ghislaine Legendre (Edition)

critiqué par Vigno, le 6 août 2004
( - - ans)


La note:  étoiles
Pauvre Maria !
Péribonka, Québec, au début du siècle. Avec sa famille, Maria habite aux confins du monde habité, en plein pays de colonisation. Le père, homme de frontières, fuit la civilisation comme la peste.

Maria a trois prétendants. Le beau François Paradis, coureur des bois, mauvais garçon, travaille dans les chantiers dans le grand Nord. Lorenzo Surprenant a fui ces pays de misère, comme beaucoup de Québécois de l'époque, et s'est exilé aux États-Unis. Eutrope Gagnon, un voisin plus modeste, à l'instar du père Chapdelaine, colonise un lopin de terre durement arraché à la forêt.

Maria et François s'aiment et se promettent l'un à l'autre lors de la célèbre scène de la cueillette des bleuets (myrtilles). Mais la nature cruelle ne l'entend pas ainsi.

Et il y a ces voix, celle de sa mère mais aussi celles du pays de Québec qui lui parle : "Nous sommes venus il y a trois cents ans, et nous sommes restés... ceux qui nous ont menés ici pourraient revenir parmi nous sans amertume et sans chagrin, car s'il est vrai que nous n'ayons guère appris, assurément nous n'avons rien oublié.

Nous avions apporté d'outre-mer nos prières et nos chansons : elles sont toujours les mêmes. Nous avions emporté dans nos poitrines le cœur des hommes de notre pays, vaillant et vif, aussi prompt à la pitié qu'au rire, le cœur le plus humain de tous les cœurs humains : il n'a pas changé. Nous avons marqué un pan de continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean-D'Iberville à l'Ungava, en disant : ici toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus et jusqu'à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui demeureront jusqu'à la fin.

Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares; ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout l'argent; mais au pays de Québec rien n'a changé. Rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n'avons compris clairement que ce devoir-là : persister... nous maintenir... Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore le monde se tourne et dise : ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir... Nous sommes un témoignage.

C'est pourquoi il faut rester dans la province où nos pères sont restés, et vivre comme ils ont vécu, pour obéir au commandement inexprimé qui s'est formé dans leurs cœurs, qui a passé dans les nôtres et que nous devons transmettre à notre tour à de nombreux enfants : au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer..."
Classique de la littérature canadienne 9 étoiles

Ce roman est d'une profondeur remarquable. Il dépeint avec brio la vie des agriculteurs et des bûcherons du début du XXème siècle, à travers la Belle Province. Et puis, la romance qui s'installe entre Maria Chapdelaine, fille de colonisateur, et François Paradis, un coureur des bois, semble plus crédible que ce que l'on voit dans les romans ''Harlequin'', ou à l'eau de rose. La misère et les difficultés que vivent les personnages représentent la réalité historique du développement des terres en friche. Une histoire riche en émotions. Par contre, j'aurais aimé que l'histoire soit plus longue de quelques centaine de pages.

Windigo - Amos - 42 ans - 4 août 2024


Classique canadien 6 étoiles

L'histoire de Maria Chapdelaine est relativement connue et fait partie intégrante du paysage classique de la littérature canadienne.
Il faut lire ce roman par ce prisme pour ne pas lui reprocher son classicisme.
Cette histoire n'en demeure pas moins agréable.

Vinmont - - 50 ans - 14 janvier 2020


Attachante Maria 6 étoiles

Je n'ai pas beaucoup apprécié ce roman que je trouve lent. Cependant on se laisse toucher par le dilemme de Maria à la fois attirée par les merveilles de l'Amérique et par la vie moderne et oisive qu'elle pourrait y mener, et retenue par un sentiment de fidélité vis à vis de sa famille et de sa patrie. L’écartèlement est grand entre le confort, la vie facile loin des siens et la peine, le travail exigeant auprès d'eux...
Louis Hémon signe ici une peinture touchante du Canada et de la vie rude des paysans.

Encyclopédie sur pattes - - 28 ans - 4 juillet 2013


+1 7 étoiles

Description simple et émouvante de la vie paysanne au Québec au début du XXème siècle, "Maria Chapdelaine" évoque avec justesse la rudesse de la vie à cette époque.

Plongés dans la solitude la plus extrême, les personnages semblent ne jamais évoluer tant leurs tâches quotidiennes les occupent. Dans ces contrées, il faut sans cesse lutter contre la Nature, ne rien faire c'est mourir. Parfois les personnages rêvent à un environnement propice au repos, à une Nature et un climat plus docile, afin de souffler un peu.

Cependant, il se dégage de ces personnages une certaine sérénité, en grande partie due à la religion, seule échappatoire où ils trouveront le repos éternel.

Le roman devient vraiment poignant lorsque la Mère de Maria tombe malade. "Le bois de la maison semble se resserrer comme un étau" et l'entraide semble impossible tant les premiers voisins sont loin ou inaccessibles. On prend alors connaissance de la faiblesse de la Médecine, inefficace devant le mal mystérieux qui envahit la mère de Maria.

Au cours du roman, on en arrive même à culpabiliser d'être tranquillement allongé devant ce livre tant les personnages s'y démènent.

Au final, "Maria Chapdeleine" laisse entrevoir la dure réalité de la vie paysanne au Québec dans les années 1900. Mais le roman permet aussi de réaliser à quel point le progrès a rendu plus "facile" la vie quotidienne.

Ravachol - - 41 ans - 14 décembre 2011


Un roman à l'ancienne 7 étoiles

J’ai été un peu déçue par la lecture de MARIA CHAPDELAINE
Si Louis Hémon sait particulièrement bien rendre compte des paysages du Québec aux différentes saisons, s’il sait rendre perceptibles l’impression de solitude et de travaux pénibles et répétitifs, il ne peuple ces vastes étendues que d’une seule variété de personnages : toujours pleins de bons sentiments et de qualités humaines : courage, abnégation, soumission au destin et à la religion . La vie rurale semble entraîner un comportement moral et préserver du mal. Les seuls exemples de conduite déviante : alcoolisme, bagarre, sont le fait d’hommes partis travailler sur les chantiers ou à la ville .

Louis Hémon ne réussit pas à nous faire entendre toute la saveur du parler québecois . Certes, il parsème régulièrement le discours des personnages de quelques tics : « icitte », « son père », mais on reconnaît surtout dans ce discours les propos habituels des paysans français . Les termes ou expressions spécifiques au Québec n’apparaissent pas . En fait, l'auteur donne à voir le pays mais il ne donne pas à entendre la vraie voix de ses habitants .

Deux passages m’ont particulièrement intéressée : le premier est celui où Lorenzo Surprenant conteste la notion de belle vie et de liberté des paysans et explique avec animation que cette prétendue liberté est en réalité une entière soumission aux animaux, au climat et à la terre ; le second , à la fin du roman, où Maria entend la voix du pays du Québec qui la rappelle à l’obligation d’immobilisme (passage évoqué par Vigno dans la critique principale ) .

J’ai été plus touchée par le personnage de la mère que par celui de Maria , la mère m’apparaissant moins stéréotypé, plus riche par le rappel de ses souvenirs, par l’opposition entre ce qu’elle avait espéré et ce qu’elle avait vécu .

Un roman du terroir, à l’écriture classique qui présente les caractéristiques de ce type de roman : il est à la fois, documentaire, émouvant et moralisateur

Alma - - - ans - 6 décembre 2008


Un peu mou 5 étoiles

J’ai enfin lu « Maria Chapdelaine » après avoir lu sa suite. Je l’ai lu sans problème mais j’ai trouvé le style vieillot. En fait, tout de suite après le drame qui frappe Maria, je n’avais plus qu’une hâte, c’était de finir ce livre. Il perdait en intérêt. Je ne pensais pas que ça arrivait si tôt dans le roman et qu’il se passerait plus de choses entre Maria et François.

Dans la seconde moitié du roman, il ne se passe pas grand-chose et je m’y suis franchement ennuyée.

Heureusement, il y a la couleur locale. Les « son père » au lieu de « mon père », « l’eau frette »… Cela donne un certain charme à ce livre.

Pour les fans de Maria, je conseille la suite « La fiancée du lac » de Philippe Porée-Kurer dont j’ai déjà fait la critique sur ce site.

Si je n’avais pas déjà lu la suite, la fin de « Maria Chapdelaine » m’aurait déçue.

Mademoiselle - - 37 ans - 18 avril 2005


La neige et le froid 7 étoiles

C'est un roman beaucoup plus âpre que je ne m'y attendais, se rapprochant plus du documentaire que de l'imagination. La vie de l'époque y est clairement rendue, dans toute sa difficulté mais aussi sa grande chaleur humaine. Je suis curieuse d'en voir l'adaptation cinématographique, me demandant comment peuvent passer à l'image tous les non-dits de Maria, tout ce qui se bouscule dans sa tête. L'écriture ne m'a pas séduite, mais ç'aurait été vraiment dommage de ne pas connaitre ce grand classique québécois....

Cuné - - 57 ans - 19 janvier 2005


Le Québec de jadis 9 étoiles

Louis Hémon est un Français qui a montré aux Québécois comment se servir de leur matériel pour écrire des romans. Son roman plonge dans le sol où devait à l'époque s'enraciner notre avenir promu uniquement à l'agriculture. Avant Maria Chapdeleine, les oeuvres romanesques étaient presque inexistantes du fait que le clergé interdisait à leurs zouailles d'en écrire. Louis Hémon a donné le goût aux Québécois d'articuler leurs pensées autour de l'exploitation agricole ou forestière tout en élevant le sujet au-dessus des oeuvres bêtifiantes du terroir. L'oeuvre de Hémon décrit bien les choix qui s'offraient aux Québécois de l'époque, tels que l'a démontré Vigno. Nous avons choisi de tourner le dos au modernisme, ce qui a fait de nous un peuple d'agriculteurs replié sur lui-même. Heureusement, Anne Hébert dans Kamouraska monte une autre facette des Québécois qui voulaient quitter les ornières dans lequel le Québec s'enlisait. Bref, Maria Chapdeleine témoigne avec brio de la pensée sociale des années 1900 au Québec.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 2 novembre 2004