Alerte Rouge
de Tomaž Lavrič

critiqué par Blue Boy, le 4 juillet 2020
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Punk not red
Dans cet ouvrage semi-autobiographique, l’auteur évoque son adolescence dans l’ex-Yougoslavie des années 80, alors que la folie du punk avait franchi le rideau de fer, quelques années avant la chute de mur de Berlin. Pour le régime en place, ce mouvement, qui ne méritait que la répression, n’était qu’une tare de plus engendrée par l’Occident. On assistera ainsi aux retrouvailles imprévues, quelque vingt ans plus tard, de La Taupe et son ancien pote Mike, tous deux assagis et convertis au modèle capitaliste, retrouvailles lors desquelles ils se remémoreront leurs virées entre potes dans les soirées défonce sur fond de musique punk-rock.

Auteur complet avec à son actif plusieurs ouvrages publiés depuis la fin des années 90, TBC alias Tomaž Lavrič reste pourtant assez méconnu en France. Il revient ici sur ses années de lycée en Slovénie, où il raconte ses frasques en tant que batteur du groupe de punk rock Alerte rouge. Contestataire par excellence, ce mouvement tentait en musique d’ébranler les institutions. Dans ce petit état membre de l’ex-Yougoslavie sous emprise soviétique, la cible était évidemment le régime des apparatchiks. L’originalité de cette bande dessinée est de nous faire découvrir une facette peu connue d’une société appartenant au bloc soviétique, même si le maréchal Tito avait réussi à se tenir à l’écart en optant pour un communisme plus « light ». A l’époque, l’occidental lambda croyait — bien légitimement dans la mesure où les moyens d’information n’était pas les mêmes que ceux de 2020 — que la vie sociale dans ces pays était figée dans une sorte de gangue gelée.

TBC nous raconte avec un humour parfois cynique comment à sa manière il résistait à l’endoctrinement d’un régime autoritaire qui ne souffrait aucune opposition, aucune voix dissonante, a fortiori quand elle trouvait son origine dans le camp ennemi. La narration reflète assez bien cette époque chaotique, avec la fureur et la hargne dont se nourrissait le mouvement punk, qui pensait le suicide collectif comme seule alternative à l’épouvantable condition humaine et le cirque mensonger qui en découle.

Le trait de l’auteur slovène est assuré et il est clair que l’on n’a pas affaire à un débutant. Suffisamment nerveux et dynamique pour restituer l’ambiance de cette atmosphère délétère où sourdait la révolte vis-à-vis d’un système usé trop vite, il s’accommode plutôt bien de ce noir et blanc aux accents underground. Mais très vite pourtant, le lecteur est obligé de se rendre à l’évidence. Malgré ce que ces souvenirs peuvent avoir de sympathique dans leur folklore loser, ils sont rapidement noyés par un déluge textuel, une diarrhée verbale assez indigeste, avec en moyenne quatre phylactères bien chargés par case, et pas toujours de la plus grande pertinence. Le constat est cruel : c’est une thématique rare et digne d’intérêt qui vient ici se fracasser sur une narration ratée, alourdie par un besoin— certainement compréhensible — de tout dire, de tout expliquer, à l’excès. Ce qui aurait pu être une comédie sociale enlevée et subversive s’est transformée en verbiage interminable et anodin.