Vie à vendre
de Yukio Mishima

critiqué par Septularisen, le 2 janvier 2024
( - - ans)


La note:  étoiles
ROMAN D’AVENTURES PSYCHÉDÉLIQUE?
Au début de l’histoire, nous faisons la connaissance d’un jeune homme de 27 ans, employé de bureau à la vie bien rangée, qui vit à Tôkyô: Hanio Yamada. Nous le retrouvons à l’hôpital, en effet Hanio qui «subissait» sa vie vide de sens, plus qu’il ne la vivait, vient de rater… son suicide! Après cela, cherchant toujours à mettre fin à ses jours mais n’ayant plus la force et le goût de recommencer, il a une idée de génie…

Il décide de mettre sa vie en «vente», en passant une petite annonce dans un journal local de Tôkyô, avec le texte suivant : «Je propose une vie à vendre. À utiliser à votre guise. Confidentialité garantie. Aucune complication à craindre». Il espère ainsi «décrocher» un contrat létal, qui lui fournira donc son suicide par «procuration». Le premier acheteur ne se fait pas attendre et entraîne notre héros dans une course folle au cœur d’un monde de gangsters, d’espions, de potions hallucinatoires, d’une femme-vampire, de carottes empoisonnées, de junkie désespérée et d’explosif artisanal.

Alors que les cadavres se multiplient autour de Hanio (mais toujours pas le sien…), que les propositions de contrats, - toutes plus folles les unes que les autres -, s’enchaînent, celui-ci demeure miraculeusement vivant… il se retrouve pris dans un tourbillon de conquêtes féminines, - toutes plus bizarre les unes que les autres -, et croulant sous l’argent amassé… Très vite notre héros se demande comment enrayer cette machine infernale…

Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant l’édition au format de poche d’un inédit de Yukio MISHIMA (1925 – 1970), écrit et publié en feuilleton en 1968, mais seulement traduit en français en 2020 et dont la parution en grand format m'avait échappé! Je me suis donc précipité pour lire ce pastiche de polar, qui nous révèle une facette inconnue du grand écrivain japonais. L’écriture est très belle, rien à redire là-dessus, c'est très court, composé de très court chapitres très facile à lire, c’est simple et fluide et le livre se lit en quelques heures...
C’est comme pour un livre d’Haruki MURAKAMI (*1949) (1), on est toujours entouré d’un léger "brouillard" de fantastique qui enveloppe le tout, et qui fait constamment «naviguer» le récit (et le lecteur par là-même...) sur le fil du rasoir entre le monde du réel et le monde de l'imaginaire… Tout n’est pas toujours très logique, et très plausible, mais c’est tellement bien écrit que l’on est prêt à tout accepter…

Je ne peux, dans une si courte recension, vous parler de toutes les aventures de notre japonais en quête d’un «suicide assisté», mais futurs lecteurs de ce livre, ne ratez en aucun cas l’histoire de la femme vampire, avec son érotisme fin et délicat, tout en douceur et en pudeur, je vous assure que vous vous en rappellerez pendant très longtemps…

Que dire de plus? C’est une sorte de méditation très cynique et saisissante sur la vie et la mort, et la morale qui va avec. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est en aucun cas un roman policier, c’est d’ailleurs vraiment très drôle par moment, notamment vers la fin du livre. L’auteur japonais fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle de l’écriture et de l’histoire, et d’une imagination qui ne semble avoir aucune limite… Capable en tous les cas de nous faire accepter toutes les invraisemblances. Un véritable coup de maître littéraire…

Est-ce que je recommande la lecture de ce livre? Oui! Disons toutefois que «Vie à vendre» n’est pas «Confessions d’un masque», ni un volume de la quadrilogie de «La Mer de la fertilité». En effet, si l’on découvre l’œuvre du grand écrivain japonais avec ce livre, on va passer à côté de ses analyses psychologiques de folie et de son romantisme exacerbé… On risque donc tout simplement de se faire une idée très fausse de son immense talent! Ce livre est avant tout un «divertissement», mais un divertissement signé Yukio MISHIMA! C’est dire si j’ai passé un bon moment de lecture et si j’en recommande la lecture!

(1). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/933

P.S. : Rappelons, si cela devait être nécessaire, que le nom de Yukio MISHIMA a été proposé à de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.