Salaam London
de Tarquin Hall

critiqué par Septularisen, le 21 juin 2020
( - - ans)


La note:  étoiles
UN RÉCIT DE VOYAGE A L’ENVERS!
En 1998, après avoir bourlingué dix ans autour du monde, et notamment en Asie du Sud-Est, le journaliste Tarquin HALL (*1969), décide de rentrer dans son pays natal, l'Angleterre. Avec beaucoup d’illusions, mais pas beaucoup d’argent, il échoue à Londres, sa ville natale, dans l’East End, près de la fameuse rue Brick-Lane, a seulement quelques centaines de mètres de la fameuse City…

Sans travail, sans véritablement de moyen, c’est là qu’il va réussir à louer, pour une fortune, une minuscule mansarde complètement insalubre, à un propriétaire Pakistanais M. Ali, il n’a en effet pas les moyens de louer un appartement dans les autres quartiers plus huppés de Londres.

Pendant un an, il va donc aller de surprise en surprise, de découverte en découverte, dans cette grande ville de Londres, capitale d’une Angleterre triomphante, durant les années «Blair» (1997-2007), [époque où Tony BLAIR (*1953) était premier ministre], en côtoyant juste à côté des quartiers les plus riches, la plus grande misère des populations les plus pauvres…

S’entassent en effet là des populations immigrées (indiens, bangladais, pakistanais, nigérians, jamaïquains, ukrainiens, lituaniens, birmans, sri-lankais, sénégalais, congolais …) et des réfugiés (albanais, kurdes, afghans, kosovars, somaliens, chinois, irakiens, iraniens, libériens… ). Il ne reconnaît bien sûr plus du tout la ville de son enfance, d’autant plus que les fameux prolétaires «cockneys» (les premiers habitant du quartier, d’origine anglaise) ont quasiment tous disparu…

Sur le modèle du livre «Le peuple de l’abîme» (1903, ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/22349) de Jack LONDON (1876 – 1916), il constate avec étonnement que les problèmes sont toujours les mêmes (mafias, alcoolisme, prostitution, agressions, ateliers clandestins, économie parallèle, clochards…), et que les choses n’ont pas vraiment beaucoup changé pour ce quartier (saleté, pauvreté, délabrement, bruits, crasse, pollution, odeurs…)! Si ce n’est que les populations de l’époque ont été remplacées par des populations d’origine étrangère...

Paru en 2005 en Angleterre, ce livre est toujours d’une actualité étonnante. Ce n’est pas vraiment un roman, pas vraiment un livre documentaire… Cela ressemble au livre de George ORWELL (1903 – 1950), «Dans la dèche à Paris et à Londres» (1933, ici sur CL : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5801). Si je devais le définir je parlerais plus d’une galerie de portraits très pittoresques, laquelle inclurait en plus des portraits des personnes physiques (la vieille locataire juive, le propriétaire pakistanais, les voisins afghans et kosovars, la marieuse indienne, les chauffeurs de taxis…), celles de certains endroits comme p. ex. la bibliothèque de Whitechapel, le marché aux fleurs de Columbia, ou encore la gare de Liverpool Street.

Si Tarquin HALL est beaucoup plus connu et lu pour ses romans policiers, il nous livre ici un magnifique témoignage sur la réalité de la vie de centaines de milliers de personnes dans la ville de Londres. C’est sans fard, parfois tragique, sans concessions. Malgré la gravité du sujet c’est parfois c’est très drôle, et très décalé, c’est très bien écrit, toujours avec beaucoup de bienveillance. Cela se lit facilement et les pages se tournent sans que l’on s’en aperçoive vraiment, sans doute à cause de l’intérêt et de l’empathie que l’on éprouve pour la vie des personnes et des communautés qu’il nous décrit. Certains passages sont très instructifs, même si je peux facilement concevoir que ce livre, plus construit comme un témoignage, pourra rebuter certains lecteurs.

Un portrait lucide et réaliste du Londres dont personne ne parle jamais, pour ceux qui connaissent la ville ou… Pas!