critiqué par Colen8, le 23 mai 2020
( - 83 ans)

La note: étoiles

Aperçu de la nomenklatura à la française

D’autres avant lui ont dénoncé la collusion entre pouvoir politique et haute fonction publique ouvrant la porte à la confusion des genres et aux conflits d’intérêts. La HATVP(1) s’efforce d’y mettre un frein sans l’efficacité souhaitée par les citoyens dans leur ensemble. Dans cette enquête Vincent Jauvert a épinglé plus de 80 membres de cette « noblesse d’état » dont les intérêts personnels passent avant le bien commun. Pour conserver des revenus conséquents il a vite fallu trouver des moyens de compenser les pertes dues à la loi sur le non-cumul des mandats.
Les fonctionnaires savent mieux que personne se faire mettre en détachement quand ils gagnent un mandat électif ou obtiennent un juteux pantouflage dans le privé pour revenir dans leur corps d’origine sans rien perdre de l’ancienneté ni des droits à la retraite. De même les copains de promotion n’hésitent pas à se faire la courte échelle pour gravir à toute vitesse les échelons de la carrière rêvée.
Les cabinets ministériels sont un tremplin apprécié pour se voir offrir un ou plusieurs sièges de conseil d’administration dans les groupes du CAC40 dont les jetons de présence sont appréciables pour mettre du beurre dans les épinards. Et combien d’anciens ministres quand ce n’est pas un ancien président de la République sont recrutés par les grands cabinets d’avocats pour faire valoir leurs carnets d’adresses ?
(1) HATVP : Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique créée en 2013.

Un pavé dans le marigot

Ce n'est à l'évidence pas de la littérature. le style est économe, seulement destiné à décrire les situations repérées et révélées. Il met en évidence des pratiques d'une partie de notre monde dirigeant qui consistent à monnayer les positions acquises au sommet de l'État. Il y a pour cela plusieurs moyens: 1. L'intéressé (e) quitte le monde politique et se fait embaucher par une société privée. 2. Elle (il) quitte la haute administration dans le même but. 3. Il (elle) fait des allers-retours entre le secteur privé et la haute administration. Le retour dans l'administration peut donner lieu à une rémunération très élevée. 4. Certains(es) haut fonctionnaires cumulent leur fonction administrative et celles d'élus locaux, additionnant ainsi les rémunérations diverses catégories permettant à certains(es) d'atteindre des rémunérations de plusieurs centaines de milliers d'euros, souvent abondés par le seul argent public. L'auteur, journaliste à l'Obs. cite les noms, les pratiques, la déficience quasi totale des instances de contrôle et, semble-t-il, ne fait l'objet d'aucune action judiciaire en diffamation. Il établit donc des faits. Ceux-ci sont ahurissants pour le français moyen que je suis, même si les pratiques sont anciennes et que je les supposais réelles. Sa thèse est qu'une amplification du phénomène a lieu sous nos yeux avec la présidence d'Emmanuel Macron et le gouvernement d'Édouard Philippe, la racine étant le copinage des anciens de l'ENA d'où sortent pratiquement tous les mis(es) en cause.
L'importance majeure des phénomènes eut justifié une plus grande attention de l'auteur au style employé. La lecture du livre est fastidieuse, empilement de noms, de faits, de rémunérations et de pratiques. J'aurais aimé une vue plus large des phénomènes, une comparaison internationale plus fouillée, une mise en cause des médias et des journalistes. Quelques allusions aux réactions des "Gilets Jaunes" ne suffisent pas à éclairer l'indécence ainsi étalée par nos gouvernants et son incidence sur la conduite du pays. Dommage.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 14 mars 2021