Le siège de Bruxelles
de Jacques Neirynck

critiqué par Leura, le 28 février 2001
(-- - 73 ans)


La note:  étoiles
Un scénario à la yougoslave ?
Imaginons que le gouvernement tombe, et que le roi ne trouve pas de formateur pour faire un nouveau gouvernement.
Imaginons que l’ancien premier ministre refuse de traiter les affaires courantes. Imaginons que, dans cette crise politique grave, le leider Erwin Broze, une sorte de führer local de Flandre, lance ses milices sur Bruxelles, afin d’instaurer une république d'extrême droite. C'est dans un tel contexte que Jacques Neirynck place quelques Belges modérés pour empêcher la Belgique de tomber dans un chaos à la mode yougoslave.
Ce livre est aussi un prétexte pour faire l’historique de la Belgique tel qu'on ne nous l’a pas appris à l'école. L’auteur remonte aux guerres napoléoniennes, aux traités des grandes puissances qui ont d’abord annexé l'ancien champ de bataille de l'Europe (un terrain de sport selon Neirynck) aux Pays-Bas. Ensuite, il fait l’historique de la révolution de 1830 qui, nous explique-t-il, était bourgeoise et francophone. Les révolutionnaires de l’époque demandaient le rattachement à la France, mais les alliés ne pouvant admettre de donner une telle richesse (vous savez, la sidérurgie et les charbonnages) à la France, décidèrent de créer un royaume indépendant. Ils choisirent donc un obscur prince allemand comme concierge du terrain de sport, nous raconte Neirynck. Dans ce pays né d’un vaudeville, continuent à se supporter vaille que vaille deux communautés qui ont de moins en moins à se dire.
Dans les discours du Leider flamand, certains passages particulièrement haineux vis-à-vis des francophones sont mis en italique. Lors d’une interview publiée à la sortie en librairie du livre, l'auteur a confié que ces textes étaient extraits d'authentiques discours de politiciens flamands. C’est plutôt édifiant…
froid dans le dos 7 étoiles

10 ans après, un an avant 2007 (période racontée dans le livre), ça fait peur.

Certaines descriptions font vraiment penser aux problèmes actuels belges.

J'espère que Neirynck ne sera tout de même pas trop visionnaire.

Point de vue de la lecture : un peu long à démarrer mais deuxième partie de livre très fluide!

A lire (particulièrement pour tout belge)

Manumanu55 - Bruxelles - 44 ans - 12 mai 2006


Visionnaire 7 étoiles

Quel plaisir, tout d'abord, que de contempler ce détail du Jardin des délices de Jérôme Bosch pour illustrer la couverture de cet ouvrage. Très joli choix.

L'avant-propos du roman de Jacques Neirynck donne le ton et il me semble indispensable de le lire et le relire pour bien s'imprégner du contexte politico-historique de la guéguerre Flandres-Wallonie. Tout est dit, la naissance de la barrière linguistique, les revendications et les querelles de part et d'autre, le caractère hétéroclite d'un pays bombardé capitale de l'Europe, bref la carte détaillée du paysage belge, complexe et si particulier.

"L'agglomération bruxelloise constitue donc une parabole de l'Europe : Babel et Sarajevo à la fois, le lieu de tous les dialogues possibles et de tous les mutismes éventuels ; un îlot de latinité dans le monde germanique ; une enclave où l'on parle toutes sortes de langues au milieu d'un territoire où l'on s'efforce de maintenir l'exclusivité du néerlandais." (page 13)

Dans ce roman à la fois réaliste et futuriste, nous nous trouvons face aux illusions démesurées d'un homme, qui entraîne son meilleur ami, dans sa folie pour la suprématie de la Flandre sur le reste de la Belgique. Car il est évident que la Flandre est la meilleure et doit écraser tout le reste du pays. Discours ô combien entendu lors des manifestations du TAK ! Neirynck a finalement inventé peu de choses dans ce récit, il a savamment emballé la réalité pour lui donner un côté fictionnel, mais tout est là, de l'immobilisme francophone au bellicisme néerlandophone, rien ne manque, pas même l'ambition décalée des dirigeants de Bruxelles qui veulent en faire la capitale du monde tout en se trouvant au centre de toutes les querelles. Ceci me fait penser à une phrase du président de l'Exécutif flamand, il y a quelques mois, lors d'une énième bagarre entre les deux communautés linguistiques, en séance parlementaire : "N'oubliez pas que Bruxelles se trouve et se trouvera toujours en région flamande. On pourrait la reprendre si il le fallait !". Puéril, mais conforme à certaines mentalités de politiciens du nord du pays.

Le style de Neirynck est savoureux, il mélange allègrement les différents dialectes du pays, ne craignant pas d'insister sur le parler pittoresque de ses personnages, comme Zulma et ses fameux "une fois".
Au-delà d'un roman captivant, c'est une profonde réflexion à laquelle nous sommes invités avec ce livre, histoire de dépasser cet adage qui s'applique autant à la Belgique qu'à la Suisse : "Petit pays, petit esprit". Si l'indépendance n'est pas encore prévue pour la Flandre (le sera-t-elle un jour ?), il n'en demeure pas moins que trop souvent, des bâtons sont volontairement placés dans les roues des wallons (et vice-versa) pour de simples questions idéologiques qui nuisent à une population pas toujours en accord avec les extrémismes de ses hommes politiques. La caricature de Neirynck, cette guerre des clans, illustre parfaitement la stupidité dans laquelle peuvent s'enfoncer les fanatiques et les nationalistes de tous bords.

Sahkti - Genève - 49 ans - 28 avril 2004


Un réalisme qui donne le frisson 9 étoiles

Ce qui est le plus effrayant dans cette "politique-fiction" c'est que tout ce qui y est décrit est possible ! Lorsque l'on voit la situation économico-politique de Bruxelles près de 10 ans après l'écriture de ce livre (1995-96), on frémit de voir que le scénario catastrophe de Neyrinck pourrait se réaliser ! sans doute pas en 2007 comme dans le roman, mais en 2010 ou 12 ? A lire en tout cas ...c'est riche d'informations sur la l'histoire de la Belgique et peut en apprendre beaucoup sur notre pays.

Merlin - Bruxelles - 59 ans - 3 avril 2004