Décidément, ça me le fait à chaque fois : à chaque fois que j'aborde la lecture d'une oeuvre de la période catholique de Huysmans, je me demande si je vais aller jusqu'au bout, vu le peu d'intérêt que j'ai pour la religion... et à chaque fois, je ne peux lâcher le livre avant qu'il ne soit fini, le style de Huysmans et mon grand amour littéraire pour cet écrivain fin de siècle étant tels qu'il pourrait décrire les toilettes d'une gare de province avant passage de l'équipe de nettoyage que j'aurais encore plaisir à le lire.
Avec "Sainte Lydwine De Schiedam", paru en 1901, Huysmans ne nous offre pas un roman, mais une biographie. Ou plutôt, une hagiographie, terme utilisé pour parler des biographies de personnes saintes. Car comme son nom l'indique, Sainte Lydwine est une personne sainte. Née aux Pays-Bas (patrie d'où était originaire le père de Huysmans ; Huysmans, lui, est né et mort à Paris) en 1380, dans la ville de Schiedam, elle est morte en 1433. Elle a été canonisée en 1890 par le pape Léon XIII.
Lydwine a, dans sa jeunesse (elle avait 15 ans), été victime d'un accident : elle patinait avec des amis sur un lac gelé, elle a fait une chute dont elle ne se remettra jamais. Elle a passé presque 40 ans de sa vie (les 38 ans qu'il lui restait à vivre, tout simplement) allongée sur un lit, dans sa chambre, à Schiedam. Elle a enchaîné maladies sur maladies, des tourments insensés, des douleurs monumentales, incessantes, mais elle a vécu tout ça dans la joie, le bonheur, l'extase, étant constamment visitée par des anges, des figures christiques, ayant des visions, faisant de la bilocation, ne se nourrissant plus que d'une hostie consacrée, une fois par jour.
Comme Maranatha le dit dans sa critique plus haut, on ne demande pas au lecteur de croire tout ce qui est ici dit par Huysmans (qui se base sur trois plus anciennes hagiographies de la sainte, qui ne l'était pas encore au moment de ces hagiographies, hagiographies remplies de défauts, car manquant cruellement d'ordre chronologique, de repères de dates, Huysmans a fait comme il a pu), car c'était une autre époque, et on parle de mysticisme religieux. Difficile de croire que Lydwine s'est dédoublée, à la fois dans son lit de douleur et debout, ailleurs, dans la maison d'un autre, à lui parler. Il n'y à aucune preuve, personne n'était là pour la filmer, et elle n'a laissé aucune trace écrite. C'est comme pour les écrits bibliques : Moïse a ouvert la Mer Rouge en deux, la femme de Lot s'est transformée en statue de sel, l'eau s'est changée en vin, etc, on y croit ou pas, et j'avais bien prévenu en début de critique que je n'étais pas religion-religion. Bref, à vous de croire que Lydwine a bel et bien vécu ce qui est, a posteriori, raconté sur elle. Quoi qu'il en soit, ce livre est passionnant à lire, comme toujours avec cet auteur.
Je ne peux pas donner autre chose que 5 étoiles.
Et ce, malgré des passages purement révoltants d'antisémitisme dans les deux derniers chapitres.
Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 26 juin 2021 |