Pourquoi je lis "Septentrion"de Louis Calaferte
de Ludovic Villard

critiqué par Débézed, le 19 avril 2020
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
"Une singularité littéraire"
7/ Pourquoi je lis Septentrion de Louis Calaferte

Ludovic Villard, connu aussi pour ses interventions dans le monde musical et cinématographique, il chante notamment du rapp sous le pseudonyme de Lucio Bukowski, décrit la passion dévorante pour la littérature que son frère aîné lui a inculquée dès sa plus jeune adolescence. Il a découvert très tôt les grands textes que beaucoup, comme moi, n’ont rencontrés que beaucoup plus tard. C’est ainsi que dans la librairie préférées des deux frères, il a découvert Septentrion de Louis Calaferte qu’il a dévoré avec passion.

Calaferte a écrit son premier manuscrit à dix-huit ans, Joseph Kessel a adopté le texte et l’auteur dont il est devenu le mentor. Ce texte édité fut un succès de librairie, il valut à son auteur l’attention des éditeurs mais bien vite il se sépara des contraintes qui le liaient avec eux pour garder sa liberté d’écrire ce qu’il voulait comme il le voulait. Ainsi pendant cinq ans, il a sué sang et eau pour écrire Septentrion. Un livre subversif qui a retenu bien vite l’attention et le couperet de la censure, un plaidoyer pour la liberté, une expression du besoin et de l’envie de créer.

Je n’ai pas lu ce livre, je n’ai fréquenté Calaferte qu’à travers « L’incarnation », je n’en connais que ce que j’en ai lu dans différents articles le concernant. Ce serait un récit largement autobiographique dans lequel l’auteur raconte à la première personne les errances d'un apprenti écrivain, ses premières lectures clandestines au cours de son travail d'ouvrier et ses rencontres avec les femmes dont Nora, figure de l'émancipation féminine et de la réussite sociale. Dans son propos, Ludovic Villard explore le rapport entre la mystique de Kierkegaard et celle de Calaferte, j’ai compris que ces deux grands penseurs proféraient une forme de déisme puritain qui pourrait laisser croire à une pensée sombre, marquée par la culpabilité. Mais l’auteur tient à préciser que dans Septentrion il a trouvé aussi des pointes d’humour qui pourraient évoquer Rabelais. Jugé pornographique par la censure, ce livre serait, selon Villard, plus rabelaisien que pornographique.

Avec Septentrion, Ludovic Villard a rencontré « … le livre le plus déroutant que j’ai jamais ouvert. Cela est une certitude. Ni roman. Ni vraiment autobiographie. Une singularité littéraire… ». un livre à part, un livre constitué non seulement de mots mais aussi d’un réelle matière en mouvement et en ébullition. « Septentrion doit être torrent. Hémorragie d’images. Vitesse d’exécution. Révolte enragée et coups désordonnés, audace intégrale ». Ce livre a profondément marqué Villard, il le dit avec force, le répète, l’assène, Septentrion a remis en cause tout ce qu’il pensait avant sa lecture : « … C’est ici le premier pouvoir de Septentrion. Il crève un abcès. Celui de l’auteur et le vôtre ». En lisant cet essai, j’ai eu l’impression que pour Villard, ce texte est un « livre organe », un livre qui est en lui qui participe à sa création énergétique, à sa libido, à sa conscience, à sa construction personnelle. « … Car c’est aussi cela Septentrion. Une lutte entre vous et le texte, puis entre vous et l’auteur, puis entre l’auteur et le monde, puis finalement entre vous et vous. »

« A priori on ne cherche rien dans un livre. Mais il y a quelques fois où l’on y trouve tout ».