Pourquoi je lis "Le maître des illusions"de Donna Tartt
de Chloé Saffy

critiqué par Débézed, le 10 avril 2020
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
"La beauté est la terreur"
10/ Pourquoi je lis Le Maître des illusions de Donna Tartt.

Chloé m’a mis dans sa poche dès son introduction, après avoir lu ces quelques mots, j’ai su que je comprendrais très vite son argumentaire, nous sommes du même peuple même si nos goûts peuvent diverger. « Le lecteur vorace sait que l’acte de lire exige une implication et un investissement, que ne demandent pas toujours celui de regarder un film ou écouter un disque ». Voilà au moins une chose que je partage avec elle, même si je ne peux pas partager la lecture de Dona Tartt que je n’ai jamais lue, je l’ai inscrite sur mes listes mais je n’ai jamais croisé ses œuvres.

« Je suis de cette école de la lenteur et de la patience, qui croit plus que tout à la supériorité du tank. Voilà peut-être le plan de départ de mon amour et mon envoûtement pour le livre de Donna Tartt. Il ne correspond à aucune recette, aucune attente, il est intemporel ». La lenteur n’est pas un mythe chez Donna Tartt, elle n’a écrit que trois livres en vingt-trois ans. Le premier a eu un énorme succès et lui a donné les moyens de s’offrir le temps pour écrire les deux autres. Ce qui m’étonne le plus à la lecture de cet essai c’est d’apprendre que Donna Tartt a été, depuis l’université, une amie proche der Bret Easton Ellis que j’ai lui j’ai lu, c’est plus facile et plus affriolant même si je m’en suis vite lassé. J’ai le sentiment que tout sépare ses deux auteurs mais Chloé Saffy explique avec précision tout ce qui a rapproché ses deux êtres si différents dans leurs écrits.

Elle assimile Le Maître des illusions à une tragédie grecque, une histoire d’une bande d’étudiants fêtards qui organisent des bacchanales dont l’une provoque un accident mortel. La bande se croit sans l’obligation d’éliminer l’un des leurs, le plus faible, celui qui pourrait parler et ainsi faire exploser la bande. Cette évocation des origines de la tragédie grecque me rappelle qu’à l’université, un professeur, grand maître de l’histoire grecque, martelait sans cesse : « la tragédie grecque est née quand un personnage est sorti du tutti pour donner la réplique au chœur » lors des Dyonisades notamment. Encore un point qui nous rapproche.

Dans cet essai les artifices chargés de pallier les plaisir naturels de la vie, de lui donner une autre couleur, une autre intensité prennent une place prépondérante qu’ils soient utilisés sous forme de drogues ou du raffinement de la domination de la douleur dans des jeux BDSM. Faisant suite à la Beat Generation, Tartt, Ellis, McInerney en connaissaient suffisamment les effets et méfaits pour les utiliser jusques dans leurs écrits. Chloé vit tellement ce livre, jusques dans l’intimité de sa chair, qu’on vibre avec elle au point d’avoir envie de le lire mais, je ne sais si j’aurais le courage d’affronter un tel pavé après avoir lu les Kerouac, Burroughs, Selby Jr et autres encore…