Protagoras
de Platon

critiqué par Veneziano, le 9 avril 2020
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
De l'art de gouverner, parler et convaincre
Le jeune Hippocrate arrive chamboulé chez Socrate, en pleine nuit : Protagoras vient d'arriver en ville, et aussi souhaite-t-il le rencontrer, afin qu'il devienne son disciple. Socrate lui permet de préparer son entretien en cherchant à justifier sa venue vers le grand philosophe sophiste. Peu séduit par les enseignements d'Hippias, Socrate l'amène à la prudence. Aussi l'accompagne-t-il le rencontrer.
Aussi Protagoras arrive-t-il à le convaincre, en présentant le savoir qu'il est à même de dispenser, au moins autant méthodologique que disciplinaire. L'accumulation des savoirs spécifiques risque de perdre la jeunesse, ce qui constitue une critique envers Hippias, pourtant puits de sciences mais peu pédagogue. Protagoras divulgue l'art de gouverner, par là même la rhétorique, celui de bien s'exprimer, et la morale, principalement. Cette maquette de formation étant déroulée, la suite de la discussion traite de la méthode et de ses illustrations, avec des discussions sur le moyen de parvenir à la connaissance des manières de bien gouverner, une forme de science politique. Socrate finit par approuver pleinement ce programme et paraît enthousiaste à l'idée d'échanger avec cet esprit qui ne semble pas dérober sa réputation de savant.

Clair et limpide, ce dialogue permet de réfléchir tant sur la pédagogie que sur le pouvoir, l'autorité et l'analyse du discours. Cette oeuvre s'avère particulièrement accessible à qui que ce soit souhaite accroître sa découverte de la sagesse et des connaissances nécessaires pour ce faire. Elle démontre que Platon représente un auteur beaucoup plus adapté au grand public que l'image de complexité attachée à la philosophie. Il est sûr que la confrontation avec la discipline rend un tantinet ardu cette lecture, de surcroît que le cadre contraint de la préparation au baccalauréat, mais une prise de recul paraît fort utile pour en tirer usage.
Le déroulement du développement permet de se laisser guider, d'autant que l'objectif de logique et de conviction reste consubstantiel à ce type d'écrits.
Le maïeuticien contre le sophiste 8 étoiles

Protagoras n'est pas l'oeuvre de Platon que je conseillerais à un débutant en philosophie : il vaut mieux commencer par l'Apologie et le Phédon.
Mais cette oeuvre présente l'avantage de montrer un cadre original - les joutes philosophiques qui se déroulaient dans les écoles d'Athènes.

Face à face, Socrate et Protagoras s'interrogent sur l'unicité ou la multiplicité des vertus.
Socrate est un maïeuticien (l'homme qui fait accoucher son interlocuteur de son idée). Il pose des questions, trouble son adversaire par son entêtement à décortiquer chaque détail de sa démonstration.
Protagoras est un sophiste. Cela ne signifie pas qu'il soit malhonnête mais qu'il fait payer ses enseignements et surtout qu'il a l'air de considérer l'éthique comme le but premier de la philosophie et non la vérité. A l'égard de cette vérité, les sophistes ont ce défaut d'adopter une attitude parfois relativiste : on ne sait pas ce qui est vrai puisque toutes les opinions peuvent se défendre (crime suprême pour un platonicien !)
Curieusement, Socrate n'est pas exempt de reproche dans ce dialogue où il interrompt immodérément son interlocuteur sur un détail de la démonstration (unicité ou multiplicité des vertus) qui n'avait pas forcément de rapport évident avec le fond du raisonnement de Protagoras (qui démontrait la nécessité d'enseigner la vertu), ou lorsqu'il détourne ironiquement l'attention sur un vieux poème de Simonide sans grand intérêt.
Tout cela rend parfois agaçantes les interruptions incessantes dont il grève les démonstrations de Protagoras. Quitte à humilier cet homme, autant que ce soit pour déboucher sur une conclusion claire, mais bon. Ce qui est clair pour Socrate ne l'est pas toujours pour moi.

Martin1 - Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans - 9 avril 2020