« Un fou noir au pays des Blancs », c'est d'abord une pièce de théâtre, racontée avec beaucoup de verve par l'auteur en personne, que des conflits d'agenda m'ont toujours empêchée de voir. Je me suis alors rabattue sur son livre. J'y ai retrouvé avec beaucoup de bonheur cette verve, cette finesse et cette intelligence dont les spectateurs de la pièce m'ont parlé.
L'histoire commence par l'atterrissage de Pie Tshibanda à Bruxelles et sa confrontation immédiate avec des fonctionnaires mal lunés et une administration kafkaïenne, assimilant tout demandeur d'asile africain à un menteur en puissance. Au fil de son parcours, il nous présente, avec parfois un humour très grinçant, les aberrations procédurales qui jalonnent sa vie d'exilé. Mais plus encore que ses embuches administratives, c'est son immense solitude qui lui mine le moral et brise peu à peu toute sa volonté. La méfiance des personnes avec lesquelles il tente d'établir un contact, la froideur de son pays d'accueil autant que de ses habitants, mode de vie occidental où les gens préfèrent la télévision confinés chez eux aux longues palabres sous un arbre avec leurs voisins. Mais l'homme, psychologue de formation, décide d'aller de l'avant et de concevoir ces réactions négatives non pas comme une agression à son égard, mais comme l'indice d'une autre culture qu'il va entreprendre d'explorer et d'assimiler, jusqu'à totalement s'intégrer dans son nouvel environnement.
Toute la force de ce livre, écrit dans un langage très accessible, réside justement dans l'analyse fine à la fois de la culture belge et de la situation de demandeurs d'asile. Loin de dresser un tableau simpliste reléguant les Africains à d'éternels victimes des Blancs forcément racistes, il décrit tout en nuances les relations et les comportements des personnages qu'il est amené à rencontrer. S'il a effectivement été confronté à du racisme, il démontre qu'il n'est pas le fait uniquement de « belges de souche » mais également de personnes de diverses origines, tout en évoquant avec beaucoup d'émotion les amis dont il s'est peu à peu entourés.
Ce livre est avant tout un message d'amour et d'espoir, qui nous fait passer du rire aux larmes, et, surtout, qui nous permet d'aller à la rencontre d'un homme exceptionnel, en attendant de pouvoir enfin le voir sur scène.
Mieke Maaike - Bruxelles - 52 ans - 2 janvier 2010 |