I.A. La plus grande mutation de l'histoire
de Kai-Fu Lee

critiqué par Colen8, le 27 mars 2020
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Pour un contrat social assisté par IA
Partis tard dans l’économie numérique les chinois se font fort de tailler des croupières aux GAFAM américains d’ici peu en devenant les champions du monde de l’O2O(1). N’ayant pas eu les infrastructures du téléphone fixe, ni l’usage des cartes bancaires, non plus que les moyens de s’équiper de PC, ils ont plongé directement dans l’Internet mobile qu’ils ont su habilement transformer en « couteau suisse » pour leurs 750 millions(2) et plus d’utilisateurs. Façon de dire qu’avec un seul environnement chapeau WeChat équivalent au départ de la messagerie WhatsApp et vite devenu le réseau social du tout en un ils ont intégré une infinité des applications qui jaillissent dans la tête des startups, multiplié les offres de services correspondantes et mieux encore fait quasiment disparaître les espèces dans tous leurs achats. En fait ils ont compris que l’ergonomie des applications standardisées américaines ne correspondait pas aux habitudes chinoises et que la maîtrise des flux de données des consommateurs faisait qu’un seul gagnant raflait la mise.
Une prise de conscience nationale a eu lieu en 2013 quand l’intelligence artificielle de DeepMind(3) a battu le champion du monde chinois du jeu d’AlphaGo. Impulsé par le pouvoir central tout le pays s’est mis en branle pour transformer son écosystème non sans succès : concurrence féroce entre startups aux dents longues, expertises scientifiques, technologies disponibles, plus de big data que partout ailleurs, financements inépuisables ont changé la donne en un temps record. Des géants chinois moins connus que leurs précurseurs Alibaba, Baidu, Tencent ont peu à peu éliminé les concurrents américains du marché intérieur, allant jusqu’à les dépasser à l’international. En témoignent la disparition de Yahoo en Chine, les victoires de Didi Chuxing sur Uber, de Meituan devenu Meituan-Dianping face à Groupon.
La transformation du monde par le deep learning initialisée avec l’IA en ligne connue des internautes va se poursuivre. D’abord avec l’IA professionnelle où les Etats-Unis règnent encore en maîtres, celle qui robotise les process et méthodes de production, alimente les outils de diagnostic, optimise les calculs de risques. Cette IA continue à s’immiscer dans les tâches qualifiées dévolues aux cols blancs les plus diplômés, en particulier celles de l’aide à la décision sur les données numériques. L’étape suivante correspond à l’IA perceptive fondée sur la reconnaissance de forme qualitative des sons et images, sur l’accès direct et la maîtrise du monde physique dans un environnement intégré désigné OMO(4). Quant à l’IA profonde ou générale elle serait attendue d’ici 20 à 30 ans seulement, mais porteuse de ces menaces sur la déqualification du plus grand nombre au profit de quelques multi-multi milliardaires, à moins que …
… Originaire de Taïwan, Kai-Fu Lee est titulaire d’un doctorat en informatique de l’université Carnegie Mellon aux Etats-Unis. Sa passion pour l’IA, précisément pour la reconnaissance vocale l’a conduit successivement à collaborer avec Apple, Microsoft Resarch Asia et Yahoo, à diriger Google China avant de créer en 2009 sa société de capital-risque Sinovation Ventures en Chine continentale. Une maladie grave en 2013 lui a fait prendre du recul sur l’impact économique assez terrifiant en matière d’emploi et revoir sa vision de l’IA dans un sens plus optimiste. Dorénavant il prône sans relâche les voies d’une transformation du monde et de la société en vue du bien commun. Sur la base d’une allocation d’investissement social valorisant l’altruisme au même rang que l’utilité économique il invite humblement ses contemporains à plus d’équité, d’amour du prochain et d’harmonie. Il propose de réfléchir ensemble, Etats, privé/public, individus/collectivités à un meilleur partage des fabuleuses richesses créées par l’IA.
(1) O2O : « online to offline » est l’e-commerce généralisé pour toutes les activités du quotidien offrant des milliers de prestations personnalisées de la commande au paiement et à la livraison sans changer d’application
(2) Soit plus à fin 2017 qu’Etats-Unis et Europe réunis, un réservoir inégalable de données !
(3) Le « deep learning », technologie différente des systèmes experts des années 1980 est structuré comme des réseaux de neurones sur silicium alimentés de masses de données qui les rendent auto-appremant. Celui qui a gagné à l’AlphaGo était développé par la start-up britannique DeepMind rachetée depuis par Google
(4) OMO : « online-merge-offline » merge signifiant fusionner comme par exemple d’accepter un paiement par simple reconnaissance faciale.