Un combat et autres récits
de Patrick Süskind

critiqué par Septularisen, le 11 mars 2020
( - - ans)


La note:  étoiles
DU DÉSENCHANTEMENT DE LA VIE!
Patrick SÜSKIND (*1949) nous propose dans ce tout petit livre (même pas cent pages), quatre très courtes nouvelles écrites dans son style inimitable.

Il y a tout d’abord : «L’exigence de profondeur».
Une jeune artiste peintre, pleine de talent et d'avenir, voit après sa première grande exposition un critique lui reprocher son «manque de profondeur». Cette petite phrase , somme toute banale, va changer définitivement la vie de l’artiste, puisqu’elle va partir à la recherche de «la profondeur ». Mais qu'est-ce que la profondeur d’une œuvre? Et qu'est-ce que « manquer de profondeur»? Voilà une question qui va désormais l’obséder...

Cette nouvelle ressemble un peu (mais en plus tragique je dois dire) au livre «Le pigeon» du même SÜSKIND. (Ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5588), dans le sens que l'auteur nous démontre qu'un tout petit détail, - ici une phrase -, peut faire basculer toute une vie! Ma note 5/5. Sans doute la meilleure nouvelle du recueil, malgré sa brièveté et son écriture très directe.

Vient ensuite : «Un combat» la nouvelle qui donne son titre au recueil.
Lorsque commence l’histoire, nous sommes au jardin du Luxembourg, nous assistons à une partie d'échecs entre Jean, petit bonhomme d’environ soixante-dix ans et champion en titre incontesté, et un jeune inconnu des spectateurs. Sûr de lui et très arrogant, celui-ci déplace ses pièces sans beaucoup réfléchir avec une certaine nonchalance et beaucoup de culot ! Le vieux joueur méthodique, prudent, expérimenté et qui ne commet jamais d’erreurs, voit les spectateurs prendre fait et cause pour son adversaire. Sa carrière est-elle finie?..

Une très belle nouvelle, qui n’a pas été sans me rappeler celle d’Arrigo BOITO «Le Fou noir» (Ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/36947), notamment dans l’évocation du rôle central joué par le fou noir dans la partie. Attention, comme pour le texte de BOITO, il faut un minimum de connaissance des règles et du jeu d’échec pour bien comprendre le récit. Ma note 3/5.

Le troisième texte s’intitule : «Le testament de Maître Mussard».
Jean-Jacques Mussard, maître orfèvre du XVIII° siècle à la retraite, retiré dans une grande maison à Passy, prend un jour, par hasard, conscience du nombre et de l'importance des coquillages dans le monde. Très vite cela devient une obsession pour lui, et il va passer le reste de sa vie à étudier ce phénomène qu’il appelle «la conchylisation». Il lui impute même la cause de sa mort prochaine…
La nouvelle la moins intéressante de ce recueil d'après moi, un peu trop «capillotractée» pour pouvoir vraiment y croire! Ma note 2/5.

Et pour finir : «Amnésie littéraire».
Un homme prend soudain conscience que la mémoire vient à lui manquer. Il se révèle incapable de se rappeler les livres qu’il a lus, même ceux qu’il a lus il y a moins d’un an, même ceux qu’il a étudiés et commentés pendant des lustres… De toutes ses années de lectures, il ne lui reste… Rien!
Sans doute la nouvelle la plus intéressante par le sujet mais pas par le style, très saccadé, de son écriture. Ma note 4/5.

En règle générale, je dirais que c’est très bien écrit, dans le style unique et grinçant qui caractérise l’écriture de l’allemand. Par contre les histoires racontées sont d’un intérêt très inégal. Comme toujours, l’auteur n’a pas son pareil pour angoisser le lecteur et l’amener à se poser beaucoup de questions, notamment sur le fait que, finalement, une vie et toutes les croyances de celle-ci peuvent basculer et être détruites en quelques secondes, en un détail, une constatation ou une phrase…

Ok. Pour finir avouons-le, ça ne vaut certes pas «Le Parfum», qui je pense restera jusqu’à la fin de sa vie, le chef-d’œuvre absolu de Patrick SÜSKIND, mais pour ceux qui veulent aller plus loin que «L’arbre qui cache la forêt», et découvrir son écriture, alors, ceci est sans doute la lecture qu’ils leur faut!