Le terrain de jeu du diable
de Nan Goldin

critiqué par Sahkti, le 22 juillet 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le cheminement de Nan Goldin
Belle sélection de photographies prises par Nan Goldin. Des photos crues, réalistes, aux lumières franches et aux sujets sans détour. De l'image brute qui peut heurter ou dérouter. Notamment par la sélection opérée des clichés. Ceux-ci peuvent être tour à tour intimes, familiaux, paysagers ou érotiques, sans détour, sans avertissement. L'image est là, parle d'elle-même, avec une certaine recherche de la beauté et de l'émotion qui atténue le caractère vif du cliché.
Extraites de séries déjà publiées, une partie des images est connue mais l'ouvrage en présente également d'autres, inédites et toujours aussi surprenantes.
Cela ressemble à un journal intime, à un portrait de notre époque, à des instantanés qui veulent tout et rien dire à la fois, ouvrant grandes les portes de nos imaginations respectives.
A côté des images, on trouve des textes, des chansons, de la poésie, rédigés par des auteurs tels que Leonard Cohen, Nick Cave ou Richard Price.

Ce album photographique est beau, comme les précédents recueils de Nan Goldin. Avec cette fois, peut-être n'est-ce qu'une impression mais... une once de sérénité, de douceur supplémentaire. Comme si Nan Goldin avait trouvé ce qu'elle cherchait, en partie en tout cas. Comme si elle donnait un visage à ses errances afin de les sédentariser.
oui, apaisée, sans doute... 10 étoiles

La belle critique de Sahkti m'incite fortement à voir cet ouvrage.
Mais je veux prolonger ce qu'elle dit à partir de l'expo très émouvante que j'ai vue à Paris en mai (Galerie Yvon Lambert) et qui était complétée par une très belle vidéo-interview de Nan Goldin.
Cette femme est vraiment étonnante !
Elle m'a surpris par son look vieillot... Elle a toujours eu du mal à s'accepter dit-elle... trenforcé par le décalage avec les images qu'on lui connait.
J'aime beaucoup ses images. esthétiquement et poétiquement... ce qu'elles disent de la condition humaine, de nos difficultés à être tels que nous sommes, mais aussi de la beauté de cette lutte menée souvent jusqu'à la mort (elle a perdu beaucoup de ses amis morts du Sida, notamment dans le milieu des drag-queens).
A 51 ans, elle vit une grande histoire d'amour avec un jeune égyptien d'à peine 30 ans. Le corps de cet homme la fascine. Ses images (une salle presqu'entière) en révèlent la beauté autant que l'amour qu'elle lui porte. Mais on dirait qu'elle aime en lui l'Homme et l'humanité toute entière. Il n'en est que le symbole éphémère... dans nos yeux, dans les siens ? Le symbole de l'énergie de la vie triomphante.
Une autre photo montre ses parents en train de faire l'amour. Ils ont 90 ans.

"My desire is to preserve the sense of people's lives, to endow them with the strength and beauty I see in them. I want the people in my pictures to stare back." Nan Goldin

A mon avis elle est vraiment l'un des plus grands photographes de notre époque. Alors je vous incite à dépasser les premières impressions... et le titre du livre... derrière ces images crues il y a un trésor.

Camerawork - - 63 ans - 29 août 2004