La première phrase - 599 incipit ou façons d'ouvrir un livre
de Elsa Delachair

critiqué par Septularisen, le 22 février 2020
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
IMAGINEZ UNE PREMIÈRE PHRASE…
Si je vous dit: «Aujourd’hui maman est morte», vous aurez tous reconnu la première phrase de «L’étranger» d’Albert CAMUS, idem si je vous dit: «Ça a débuté comme ça», vous aurez tout de suite reconnu la première phrase du «Voyage au bout de la nuit», de Louis-Ferdinand CÉLINE…

Mais, si je vous dit : «Nous voici encore seuls» (1) et: «Au-dessus de la carriole qui roulait sur une route caillouteuse, de gros et épais nuages filaient vers l’est dans le crépuscule » (2). Avez-vous reconnu de quels livres, des mêmes auteurs, ces deux phrases sont le début ?

Dans ce livre, - qui n’est pas vraiment un essai -, Elsa DELACHAIR (*1985), nous donne le «la» ! En effet, les premiers mots, la première phrase d’un livre, donne souvent le «ton», la mesure de ce qui va suivre.

On la reconnaît car elle est devenue célèbre: «Longtemps, je me suis couché de bonne heure.» incipit de «À la recherche du temps perdu» de Marcel PROUST, ou bien, «Je hais les voyages et les explorateurs», incipit de «Tristes tropiques» de Claude LÉVY-STRAUSS… Mais parfois, elle fait juste le point sur… La météo: «C’était une journée d’avril froide et claire», banal et presque insignifiant non ? Et pourtant c’est l’incipit de… «1984» de George ORWELL.!

Parfois, elle raconte ce qui va suivre: «Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine», est le début de… «La Métamorphose», de Franz KAFKA et « Le pavillon des cancéreux portait… le numéro treize.» est bien sûr le début de «Le pavillon des cancéreux», d’Alexandre SOLJENITSYNE.

Certains parlent de famille : «J’appartiens à l’une des plus vieilles familles d’Orsenna » est le début de «Le Rivage des syrtes » de Julien GRACQ. Certaines sont très précises: «Trois heures du matin», incipit de «De l’inconvénient d’être né» de Emile CIORAN, d’autres encore nous font entrer à grande vitesse, et de plain-pied dans l’action : «À travers la barrière, entre les vrilles des plantes, je pouvais les voir frapper.», incipit de «Le Bruit et la Fureur» de William FAULKNER.

Voilà, vous avez compris le principe du livre! Réparties en 19 catégories différentes, l’auteur a regroupé la première phrase de livres de toutes les époques, de tous les pays, de toutes les langues, connus ou non… Je ne résiste donc pas à vous en citer encore quelques-unes, pour vous mettre l’eau à la bouche et vous donner envie de lire ce livre…

«Il était sept heures, par un soir très chaud, sur les collines des Seeonne», Rudyard KIPLING «Le livre de la jungle».

«Que fais-tu ici, mon garçon?», Elias CANETTI «Autodafé».

«Je suis dans la chambre de ma mère», Samuel BECKETT «Molloy».

«Voici l’histoire de Danny, des amis de Danny et de la maison de Danny. » John STEINBECK «Tortilla Flat».

(…)

Et pourquoi 599 incipit et non pas 600? Mystère! Sans doute que l’auteur a-t-il voulu nous laisser la liberté de choisir le 600… Alors, personnellement, j’ai choisi la première phrase du livre «Lait noir» de l’écrivaine turque Elif SHAFAK : «Tous les livres répondent au désir de rester en mémoire, de laisser une trace sur terre. Sauf celui-là. Ce livre a été écrit pour être oublié sitôt lu. Tels des signes tracés à la surface de l’eau…».

Et vous quelle serait la vôtre?

Un très beau livre, une traversée littéraire à travers les siècles...

Il s’agit de : «Mort à crédit » de Louis-Ferdinand CÉLINE en (1) et du «Le Premier Homme», d’Albert CAMUS en (2).