Les corps abstinents
de Emmanuelle Richard

critiqué par Maranatha, le 15 février 2020
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Amour ! amour !
Jamais ne n'aurais pensé lire un livre traitant de l'abstinence.

De surcroît je ne connaissais absolument pas cet auteur.

C'est un article fort bien fait, lu dans la presse qui m'a convaincu de le lire.

D'entrée de jeu l'auteur, qui est relativement jeune, mentionne sur la couverture de son livre qu'elle a interrogé des personnes qui comme elle ne font plus l'amour.

Ça interpelle à l'heure de l'érotisation à tout va de la société, époque où la réussite passe par le prisme du sexe et de l'argent.

Qu'est-ce qui peut bien motiver les gens à être abstinents ?

Abstinents et non chastes, cela est différent.

L'auteur a interrogé une vingtaine de personnes, hommes et femmes, hétéro et homo et un non-genré fluide !

Des étudiants assez jeunes, des trentenaires, des sexagénaires, hétérosexuels pour la majorité mis à part une lesbienne et le genré fluide.

Il faut savoir que 15 à 20 % de la population serait abstinente.

Dans ce livre les raisons morales, philosophiques ou religieuses sont absentes.

Il s'agit de personne qui ont des soucis avec leur corps, leur sexualité, certaines sont traumatisées par une agression, ne se sentent pas prêtes, ne veulent pas se donner au premier venu.

C'est un livre très ancré dans notre époque numérique. Certains ont essayé les applications de rencontre, on ressent beaucoup d'amertume chez les utilisateurs de celles-ci.

Il y a ceux qui sont séparés de leur partenaire, ceux qui n'arrivent pas à s'inscrire dans une relation classique.

C'est un livre où l'ont ressent une grande détresse, il y a un climat Houellebecquien qui plane.

C'est la radiographie d'une époque où certaines choses clochent un peu.

L'auteur commence chaque chapitre par le récit de son expérience.

C'est courageux de sa part de se livrer ainsi. C'est assez glaçant.

Les chapitres évoquent et font justement remarquer que la sexualité vantée par les médias est phallo centrée, hétérosexuelle, non racisée. Qu'il est difficile pour quelqu'un de différent de trouver sa place au sein de ce modèle.

Tout ces témoignages sont touchants, assez orientés vers une vision végano-écolo-féministe-lgtbq et que sais-je encore.

L'utilisation de l'écriture inclusive est significative de l'orientation de l'auteur.

C'est un livre qui mérite d'être lu, qui est perturbant, qui ouvre une voie pour donner la voix à ceux qu'en somme dont nous n'entendons pas parler, un peu comme la sexualité des handicapés.

Evidemment les choses bougent et c'est souhaitable, mais il faut prendre garde de ne pas faire trembler les murs.

C'est un livre que je conseille à tous ceux qui veulent ouvrir leur esprit et écouter des individus qui ont quelque chose à dire de différent, il ne s'agit pas d'un livre creux, d'un déballage de tranches de vie compilées en chapitres.

L'auteur a réalisé un vrai travail de "montage" des correspondances qu'elle a eues avec les témoins.

Certains témoignages m'ont touché plus que d'autres. Cette veuve maghrébine qui s'est donnée à beaucoup d'hommes après avoir subi la pression religieuse de son groupe ethnique. Ce sexagénaire qui ne fait plus l'amour depuis plus de 35 ans en dépit d'être marié. Ces jeunes filles et jeunes hommes qui n'éprouvent pas d'envie particulière sans pour autant être asexuels.

Ce qui revient souvent c'est le terme de sexualité non partagée dans le sens où la masturbation est considérée, à juste titre, comme une sexualité personnelle, d'où certainement le mot abstinent et non chaste.

Un livre courageux qui lève le voile sur une partie de nos concitoyens au sens bien aiguisés et aux désirs contrariés ou contrôlés.

A lire.
Recueil de témoignages 7 étoiles

Emmanuelle Richard, qui fut elle-même abstinente, s’est engagée à interroger une série de personnes qui n’ont plus de rapports sexuels avec un partenaire. En effet, l’abstinence doit-elle être définie comme l’absence de sexualité ou l’absence de partenaire ?

L’auteur estime que l’exercice exclusif de la masturbation comme activité à caractère sexuel, ne suffit pas à classer les personnes dans la catégorie des actifs sexuels. Ainsi, tant l’homme que la femme qui a remplacé sa sexualité partagée par des plaisirs solitaires sont à placer dans la catégorie des abstinents ; pas sûr que cela soit correct.

Pourquoi toutes ces personnes ont-elles mis fin à leur sexualité, disons de manière prématurée, car tôt ou tard, la fin de la petite mort précède celle de la vraie ? Il existe une série de motifs qui sont soit de nature physiques, psychologiques, voire une combinaison des deux, et l’abstinent n’est pas toujours celui qui souffre seul dans son coin ; le partenaire est généralement désœuvré, et impuissant face à ce manque ou cette disparition du désir, ou ce blocage physiologique. Il assume, il accepte parfois, trouve des palliatifs, mais souffre aussi. Dans les meilleurs des cas, on en parle mais souvent, c’est comme cela et on n’y fait rien, on n’y peut rien.

Ces témoignages sont parfois touchants et abordent un thème encore plus tabou que la sexualité elle-même, puisqu’elle concerne une absence finalement rarement voulue ou assumée qui trouve peu de solutions.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 21 mai 2021


'La chair est triste, hélas !' 1 étoiles

Si nous savions depuis Stéphane Mallarmé que 'La chair est triste, hélas !' nous savons maintenant, grâce au livre d'Emmanuelle Richard, que l'abstinence sexuelle l'est tout autant. Triste, veux-je dire.

L'auteure s'étonne du fait que ce thème soit fort rarement débattu dans les médias et que les écrivains ne s'en saisissent pas. Alors, en effet, pourquoi cela n'intéresse-t-il personne ? Et bien, lisez ce livre et vous comprendrez...

E. Richard déroule 37 témoignages (oui, 37, c'est énorme) de personnes volontairement abstinentes. Aucun de ses témoignages d'abstinence sexuelle ne relève de raisons spirituelles, philosophiques, religieuses ou psychiatriques. Ou plus prosaïquement n'émane de personnes lourdement handicapées, souffrant d'une maladie invalidante grave ou bien d'un isolement social dramatique. Dommage, très dommage.

Côté abstinents masculins, nous avons, entre autres :

- L'homme marié qui, après 40 ans d'union, découvre qu'en fait sa femme n'a jamais aimé 'ça'. C'est ce que l'on appelle la fameuse 'intuition masculine' sans doute... Du coup, lui non plus ne veut plus, et toc.

- L'homme obèse qui réalise qu'au delà de 150 Kgs, il semble difficile de trouver une partenaire sexuelle. Il devient aussi bien difficile de lacer ses chaussures, mais bon, c'est un autre problème.

- L'éjaculateur précoce très précoce, bien embêté de ne pas parvenir à fidéliser une partenaire. Toutes des hyènes, on vous dit !

Côté abstinentes féminines, en autres :

- La sexagénaire célibataire qui se dit très soulagée d'avoir mis fin à sa vie sexuelle. Euh… pas sûre que ce soit un vrai choix, là.

- Un cortège d'étudiantes, jeunes et jolies, dans les 18-25 ans, qui décident de pratiquer l'abstinence durant, disons, un semestre. Devant l'épouvantable cruauté d'une telle décision, on craint le pire. Vont-elles s'exiler pour faire retraite 3 ans, 3 mois, 3 jours dans une grotte Népalaise ? Que nenni . Elles s'achètent un sex toy et en sont trop, mais alors trop contentes ! Il y a toujours de l'espoir quand on est jeune.

- L'auteure elle-même, dont la propension à s'amouracher de parfaits salauds qui ne la désirent pas est tout de même inquiétante. On se demande si elle n'est pas tout simplement maso. Et pourquoi pas ? Mais qu'elle assume.

- Et dans une catégorie un peu floue, transgenre LGBTLVMH (j'en oublie sans doute), nous avons une personne qui ne sait pas trop ce qu'elle veut faire, avec qui, quoi, comment et pourquoi. Oui surtout pourquoi, vu qu'elle n'a pas envie du tout. Enfin, je n'ai pas tout compris, là….

Ne ricanez pas amis lecteurs, il n'y a pas de hiérarchie dans le malheur. En revanche, il y en a une dans l'ennui et là, j'ai atteint mon sommet indépassable.

Comme disait un comique français  : - 'Ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire, qu'il faut fermer sa gueule !' Ben si, justement...

Blue Cat - - 59 ans - 28 juin 2020