Assis!
de Jo Hubert, Robert Varlez (Dessin)

critiqué par Débézed, le 6 février 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Ecrire assis un texte qui tient debout
Dans l’avant-propos on dit « Elle n’est plus toute jeune … Elle est même franchement vieille, depuis, … ». Bien que ne connaissant pas personnellement cette auteure, je doute un peu de cette affirmation pour la simple et bonne raison que, si mes information sont justes, elle est encore plus jeune que moi, de peu mais tout même plus jeune encore. Je comprends bien, on peut être vieille ou vieux à tout âge. Je ne sais si c’est en raison de son âge qu’elle écrit assise mais force est de constater que parmi les écrivains que nous connaissons, peu écrivent debout comme d’aucun joue du piano. Tout le monde n’est pas Philip Roth. La position assise est le fil rouge que l’auteure a choisi de suivre pour construire ce recueil de nouvelles, des nouvelles de quelques pages entrecoupées de très courtes nouvelles de quelques lignes, qui pourrait être l’ébauche d’un roman autobiographique. On peut suivre le fil rouge reliant les différents textes décrivant les événements de sa vie semblant l’avoir particulièrement marquée. Assis ! c’est aussi le premier commandement qu’on apprend à son chien et la première injonction que reçoit le prévenu invité par la police.

Le risque d’erreur d’interprétation des intentions et choix de l’auteure est très mince car dans sa dernière nouvelle elle explique comment et pourquoi elle a choisi ses textes et même pourquoi elle n’en a pas retenu certains : « Le sexe, bien sûr, toujours porteur, la mort beaucoup moins. Toute allusion aux infortunes du vieillissement rend le récit indigeste et rebutant (…). Souvenirs de jeunesse prioritaires alors, mais ça va dater ». « Elle a fait en sorte de produire un melting-pot de ce qu’elle a vécu, de ce qu’elle aurait pu, aurait voulu vivre ou ne pas vivre ». C’est la première fois où je lis à la fin d’un livre ce que j’avais envie d’écrire moi-même à propos du texte.

Au-delà des aventures, surtout des mésaventures, qu’elle raconte, il y a le style, la façon de narrer, l’art de la formule, le texte comporte quelques passages qui pourraient figurer dans un recueil d’aphorismes et des raccourcis fulgurants. Jo Hubert n’encombre pas son texte de circonvolutions littéraires inutiles, n’emprunte pas des chemins détournés pour dire ce qu’il lui est arrivé, ce qu’elle pense, ce qu’elle ressent, ce qu’elle aime, ce qu’elle beaucoup moins, elle va droit au but, pour elle un cul est un cul un point c’est tout. Mais malgré tout ce que je viens de dire, son texte est plein d’empathie, j’ai eu l’impression d’avoir vécu moi aussi un certain nombre d’avatars qui ont, ou aurait, pu agrémenter ou polluer son existence. Ces textes sont charnels, on les sent jusqu’au fond des tripes même s’ils comportent aussi une certaine dose de mysticisme. Elle conclut son propos en se posant à elle-même cette question dont la réponse est bien difficile à formuler : « N’était-ce que cela, sa vie ? »

Et surtout ne pas oublier que ce recueil est un travail familial, son conjoint, l’artiste Robert Varlez, y a activement participé avec un ensemble de collages qui agrémente joliment ce recueil qui trouvera sa place auprès des excellents opus déjà publiés dans la belle collection « Nouvelles » créée par Le Cactus inébranlable éditions.