Les belles ténébreuses
de Maryse Condé

critiqué par Jfp, le 22 janvier 2020
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
sortilège
Sortilège ou fascination ? Les mots sont faibles pour décrire l’étrange emprise qu’exerce sur les gens un certain "docteur" Ramzi An-Nawawi, soi-disant diplômé de la faculté de médecine de Leeds, en Angleterre, et héritier d’une des plus anciennes familles de Samssara, lieu imaginaire au nord d’un pays d’Afrique tout autant imaginaire. Grand connaisseur de la botanique tropicale, il a trouvé par là un moyen de s’enrichir, considérablement, et s’attirer les faveurs des puissants, au mépris de la morale la plus ordinaire. Ce moyen, il serait dommage de la dévoiler car il constitue le moteur essentiel du récit et le lecteur sagace le découvrira, ou le devinera, au fil de sa lecture. Cette emprise sur les êtres, acquise grâce à sa faconde, son physique séduisant et sa science de la manipulation, il va également l’exercer sur un pauvre hère, habile de ses mains mais doté d’une innocence au-delà du commun, dont il fera son assistant dans cette activité lucrative qu’il nomme "parage". Kassem Mayoumbe, fraîchement débarqué de sa France natale, métis d’un père d’origine guadeloupéenne et d’une mère d’origine roumaine, va rapidement tomber sous la coupe de cet étrange personnage, qui va le couper de toutes les attaches qu’il arrive à grand-peine à tisser dans ce pays dont il ignore les us et les coutumes. Un roman étrange, flirtant avec le surréalisme, magnifié par une écriture somptueuse. Derrière la fable se dissimule à peine une critique du monde dans lequel nous vivons, où les apparences comptent plus que la réalité, où les mensonges les plus grossiers sont plus crédibles que le simple bon sens…