In Waves
de AJ Dungo

critiqué par Blue Boy, le 23 février 2020
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une vague d’amour bouleversante
Juste avant d’être emportée par la maladie, Kristen avait demandé à son petit ami de la faire continuer à exister par son dessin. Aj a tenu sa promesse et délivre aujourd’hui ce magnifique chant d’amour à celle qui avait la passion du surf, un chant apaisant inspiré par le va-et-vient des vagues …

Si le surf lui sert de fil rouge, « In Waves » est d’abord le livre d’un deuil. Comme le précise l’auteur en postface, il n’est pas « expert en matière de surf », se définissant plutôt comme « amateur enthousiaste, que les grandes figures du surf inspirent ». Et d’évoquer cette obsession en commun « de chevaucher les vagues, ce profond respect pour l’océan, et le cœur brisé ». Un cœur brisé par la mort de sa petite amie.

Il n’est donc nullement nécessaire de s’intéresser au surf pour apprécier ce très beau roman (autobio-)graphique, qui du coup nous fait voir cette discipline sous un jour nouveau, loin des clichés faciles sur les beaux gosses un peu benêts passant leur journée à se faire admirer par des meutes de filles éperdues. Nous sommes ici dans un registre très différent, beaucoup plus grave, plus mélancolique aussi. Aj Dungo évoque ici la maladie de sa petite amie Kristen, disparue bien trop tôt après des années de lutte pour rester en vie.

Quel rapport entre le surf et la maladie me direz-vous ? On le comprend dès le début du livre, où tous les amis de Kristen se sont réunis sur la côte à l’occasion de son anniversaire pour la voir surfer, alors que celle-ci apparaît déjà passablement affaiblie. L’auteur, qui ne l’avait jamais vue sur une planche, connaissait sa passion pour ce sport qu’elle ne pratiquait presque plus depuis que son cancer avait été diagnostiqué. Aj Dungo va ainsi utiliser la passion de la jeune fille pour construire un récit alternant l’histoire du surf et la descente aux enfers de Kristen. Et contre toute attente, ce parti pris fonctionne formidablement bien, avec un code couleur bichromique pour chaque versant du récit, bleu-vert pour raconter l’intimiste, sépia pour évoquer le sport et ses figures. Et les deux narrations, en s’entrecoupant de la sorte, finissent par produire une alchimie inattendue, un rythme harmonieux, régulier et apaisant comme peuvent l’être le bruit des vagues… ce qui contribue sans nul doute à alléger un récit au thème pas forcément très joyeux. L’auteur nous épargne tout pathos inutile, se contentant de nous livrer sa propre expérience, celle d’un amour pur, avec pudeur et sensibilité.

Très graphique, le dessin est d’une sobriété exemplaire, avec une ligne épurée où chaque trait est à sa place, sans surcharge, comme une évidence. Un peu comme si la mer avait guidé le crayon d’Aj Dungo, d’une fluidité et d’une douceur infinie, même si l’on peut imaginer la tempête qui a précédé… Et quand arrivent les dernières pages, on se dit que l’auteur n’a pu concevoir cette œuvre tout seul, et que la personne qui l’a aidé vit forcément en lui… comme une évidence.

« In Waves » parvient ainsi à nous toucher au plus profond de nous-mêmes. L’histoire de Kristen, cette jeune fille profondément amoureuse de la vie, frappée injustement par une maladie qui « se jouait d’elle », nous brise le cœur à nous aussi. Elle constitue un exemple admirable de courage pour chacun et une leçon pour tous les bien-portants grognons centrés sur leur petite personne. Loin d’être une vague bluette, ce bel ouvrage nous submerge telle une vague émotionnelle puissante, nous rendant à la fois plus humble et plus fort, plus proche de l’essentiel.