Âme brisée
de Akira Mizubayashi

critiqué par Alma, le 21 décembre 2019
( - - ans)


La note:  étoiles
La musique : un message d'universalité
Un violon sauvagement brisé par un soldat en 1938 à Tokyo dont les morceaux ont été pieusement conservés par l'enfant de l'interprète, qui, longtemps après, l'a patiemment reconstruit puis confié plus tard à une violoniste japonaise renommée .

Jouant constamment sur le double sens du mot âme, l'auteur fait de ce violon non seulement le fil directeur du roman passant de 1938 à aux années 2005, du Japon en Europe, mais aussi l'un des deux personnages principaux de l'oeuvre . En réparant l'âme brisée du violon de son père, cette petite pièce de bois qui assure la qualité des vibrations des cordes, le fils devenu luthier redonne vie à l'instrument . En ressuscitant les sons de cet instrument qui sait si bien « rendre les sons de l'âme, de la vie intérieure » le fils rétablit les liens avec l'âme de son père mort, cette ombre chère qui n'a cessé de l'accompagner .

Comment traduire tout ce qui a fait de ce roman une belle découverte et un vrai coup de cœur ?
C'est peut-être d'abord l'atmosphère de sérénité qui s'en dégage le plus souvent . Tout est espoir, douceur, lenteur, patience comme si le temps n'avait pas de prise sur les êtres .
C'est sûrement aussi son intérêt didactique. Il m'a fait pénétrer dans les lieux où se fabrique le violon, dans les salles où on le pratique. J'ai ressenti l'atmosphère concentrée des répétitions, vécu les moments suspendus des concerts .
Le roman m'a fait saisir également combien la musique est partage, message d'universalité, véritable patrimoine qui transcende les nationalités et « fait fondre toute l'épaisseur du temps ».
Mais je me suis surtout sentie emportée, happée par les passages où l'auteur analyse avec finesse et sensibilité les morceaux interprétés, les sonorités des différents instruments et les modulations de la phrase musicale. J'ai pris soin de relire ces passages en écoutant les œuvres auxquelles ils faisaient référence.
Akira Mizubayashi sait parler avec grâce de le magie de la musique !

AME BRISEE: un roman qui a su faire vibrer mon cœur .
Ah ! les souvenirs ! 2 étoiles

Tout part d’un très mauvais souvenir, d’un violon cassé par un soldat, quelque part à Tokyo, en 1938, un dimanche après midi, dans une salle municipale. Les musiciens qui jouaient ce fameux jour ont été séparés et ils vont aller à la recherche l’un de l’autre pendant toute leur vie. Quand ils se retrouvent, ils se racontent ce fameux jour avec ce violon cassé et ça nous vaut des redites à n’en plus finir. Mais on verse une larme à tous les coups.

Je suis désolé pour les bons critiqueurs de CL qui ont porté ce livre aux nues mais, je l’ai trouvé gnan-gnan. Bien écrit, et même très bien écrit, mais gnan-gnan au possible.

On ne vit pas de souvenirs, surtout, on ne vit pas de mauvais souvenirs ! Il faut tourner la page ! Et tout ce roman ne vit que d’un mauvais souvenir. Mais j’ai été jusqu’au bout sans m’ennuyer parce que ça se lit très facilement. J’y ai même vu quelques très belles pages, quand l’auteur exprime son ressenti à l’écoute des morceaux de musique.

C’est un roman qui, dans le genre doux, gentil, émouvant, est certainement un sommet du genre.
Mais à chacun ses goûts. On doit mettre des étoiles en proportion du plaisir que le livre vous a procuré ; alors je n’en mets qu’une, mais je suis conscient, qu’en son genre, ce livre est excellent.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 11 janvier 2024


Musique vs la Force imbécile 9 étoiles

En préalable je voudrais souligner le tour de force que représente à mes yeux l’écriture en français d’un tel roman d’une telle sensibilité, par un auteur japonais. J’avoue en rester pantois ! Oui, Ame brisée, comme d’autres romans du même auteur, a été écrit en français.

Âme, susbt. fém. Musique. Âme d’un instrument à cordes. Petite pièce de bois interposée, dans le corps de l’instrument, entre la table et le fond, les maintenant à la bonne distance et assurant la qualité, la propagation comme l’uniformité des vibrations.
Trésor de la langue française


Tout démarre en 1938, à Tokyo, par un acte d’une violence imbécile vis-à-vis d’une situation - une répétition d’un quatuor de musiciens - tournée vers la paix et l’universalité. Rei, le jeune fils de onze ans de Yu, a accompagné celui-ci à une répétition, celui de « Rosamunde ». Yu est violoniste et Japonais et ses trois autres compagnons sont des étudiants chinois.
Dire qu’en 1938 les Chinois ne sont pas les bienvenus dans l’Empire du Levant n’est pas faux ! De fait, la répétition va être interrompue par la soldatesque nippone. Plus qu’interrompue, la séance se termine par l’enlèvement des quatre musiciens par les soldats et le violon de Yu brisé.
Un officier, le lieutenant Kuromaki a tenté tant bien que mal de calmer l’ardeur du Caporal Tanaka et de minimiser les dégâts. Hélas …
Plus tard, on retrouvera Rei en France, il a été exfiltré par un ami français de Yu, et pris en charge par ledit ami et éduqué par lui. Rei est devenu Jacques Maillard. Il est devenu également luthier après formation à Mirecourt et Crémone, de hauts lieux du violon en Europe.
La suite ? Elle sera d’une extrême sensibilité et d’une grande beauté. Pour le coup l’âme brisée est soignée, réparée autant que faire se peut.
Comment des actes odieux engagés dans le passé peuvent générer des réparations inespérées dans un futur lointain ? C’est un peu ce que nous conte tout en finesse cette Ame brisée.

Tistou - - 67 ans - 30 octobre 2023


Histoire d'une ressuscitation! 8 étoiles

Je suis de ceux qui peuvent lire et écouter de la musique en même temps, à condition que ce soit de la musique instrumentale, classique tout particulièrement. Ce n’est probablement pas le cas de tous les lecteurs mais, pour ce qui concerne Âme brisée, un roman qu’on pourrait dire gorgée de musique du début à la fin, c’est presque une nécessité. Comment lire ce roman sans être pris du désir irrépressible d’écouter les œuvres dont il y est question et dont l’auteur nous parle avec une passion pour ainsi dire contagieuse ? Ces œuvres sont au nombre de trois : le quatuor n° 13 en la mineur D. 804 « Rosamunde » de Schubert, le concerto pour violon « À la mémoire d’un ange » d’Alban Berg et la Gavotte en rondeau de la Troisième partita pour violon seul de Bach. Nul besoin de préciser que ces pièces musicales sont des chefs d’œuvre, en particulier le bouleversant quatuor de Schubert.
Or le roman de Akira Mizubayashi non seulement débute avec l’évocation de cette œuvre mais il est construit tout entier sur elle, adoptant, pour les quatre chapitres qui le composent, les indications de tempo de chacun de ses mouvements : I. Allegro ma non troppo. II. Andante. III. Menuetto : Allegretto. IV. Allegro moderato. L’écriture en est simple et limpide, épousant parfaitement les infinies nuances de la musique.
Tout commence par le souvenir douloureux d’un événement s’étant déroulé dans le Tokyo de 1938, alors que le Japon, en proie à ses démons nationalistes, faisait la guerre à la Chine. Or un Japonais du nom de Yu Mizusawa, ne tenant aucun compte des obsessions bellicistes de son pays, répète, avec trois musiciens chinois (deux hommes et une femme), le quatuor de Schubert. Mais le pire survient le jour où les musiciens sont interrompus par l’irruption de soldats japonais. Le fils de Yu, un garçon de onze ans prénommé Rei, n’a que le temps de se cacher dans une armoire. Un militaire arrache alors des mains de Yu son violon et le jette à terre pour le briser. Survient ensuite un autre militaire, un lieutenant du nom de Kurokami qui, désapprouvant la destruction du violon de Yu, lui demande de jouer sur un autre instrument une œuvre de son choix. Ce sera la Gavotte de Bach. Malheureusement, malgré cette intervention, les quatre musiciens sont emmenés, Yu étant soupçonné de comploter contre son pays. Resté seul sur le lieu, le lieutenant Kurokami découvre Rei dans sa cachette et lui confie le violon brisé avant de s’en aller.
Telle est la terrible blessure initiale qui, bien sûr, restera vive en Rei pour le restant de ses jours. L’âme brisée, qui donne son titre au roman, c’est à la fois celle de Rei et celle du violon. Or, toute la suite du roman, les trois chapitres suivants auxquels se rajoute un épilogue, ne nous parle que de la réparation de ce qui fut foulé aux pieds un triste jour de 1938. L’itinéraire de Rei le conduit du Japon à la France et à l’Italie. Adopté par un couple de Français au lendemain de la guerre, Rei, devenu Jacques Maillard, se passionne bientôt pour la lutherie au point d’en faire à la fois sa passion et son métier. Pour appendre et parfaire ce métier-là, il faut aller à Crémone, la célèbre ville italienne où s’illustrèrent Stradivari, Amati et Guarneri, mais on peut aussi séjourner dans la petite ville lorraine de Mirecourt qui fut le berceau de deux luthiers de renom, Jean-Baptiste et Nicolas François Vuillaume, et reste une cité de luthiers, même si leur nombre s’est considérablement réduit. Or le violon qui fut brisé en 1938 est précisément un Vuillaume.
Akira Mizubayashi imagine alors les rencontres de personnes aptes à réparer ce qui fut détruit par le militaire obtus de 1938, celle, en particulier, de Rei Mizusawa (Jacques Maillard de son nom français) avec Midori Yamazaki, une jeune violoniste de renom dont le grand-père n’est autre que Kurokami, le lieutenant qui avait surpris le jeune Rei dans sa cachette et lui avait remis le violon cassé. Au moyen de sa langue si épurée, si belle, si musicale, Akira Mizubayashi nous emporte dans l’élan de ce qu’il ne craint pas d’appeler une résurrection (il emploie même le mot inventé de ressuscitation) : celle d’un violon que Jacques Maillard a, bien sûr, emporté avec lui pour patiemment non seulement le réparer mais le magnifier. L’auteur a beau préciser que son personnage n’est pas croyant, en rendant son âme au violon, en le confiant à Midori, en lui faisant jouer le concerto « À la mémoire d’un ange », on a le sentiment que, malgré les laideurs du monde, c’est la beauté, et la beauté seule, qui reste pour l’éternité.

Poet75 - Paris - 67 ans - 22 septembre 2023


violon d'amour 10 étoiles

Un beau, très beau roman, sur la musique, l’amour, la mort, le souvenir et le hasard. Roman aux résonances multiples, nous transportant des sombres années d’un Japon militarisé et fanatisé, préfigurant ce qui va devenir la plus terrible guerre de tous les temps, jusqu’en France où un luthier, maintenant âgé, va retrouver la trace de ce père trop tôt disparu et de ceux qui l’ont aimé. On ne doit pas déflorer le récit, plein de surprises et de rebondissements inattendus, le lecteur poussant des Oh ! et des Ah ! à chacune des pages que l’on a hâte de tourner jusqu’au moment, la fin se rapprochant, où l’on souhaite au contraire ralentir le rythme de la lecture. Merveilleusement bien écrit, cet hymne à l’amour, amour de la musique, du métier, des êtres chers, nous transporte dans un monde, certes imaginaire et parfois teinté de merveilleux, mais qui fait réfléchir et fait énormément de bien…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans - 20 juillet 2023


Une double résurrection 10 étoiles

Un livre, pour le coup inoubliable, sur les pouvoirs de la mémoire et la résilience que, là encore, la critique si élogieuse d'Alma, m'a incitée à lire.

L’histoire commence à Tokyo en 1938 au cours de la guerre sino-japonaise : Rei, un petit garçon de 11 ans est témoin de l’arrestation brutale de Yu, son père, par des soldats qui ont soudain fait irruption au cours de la répétition d’un concert de musique classique qu’il avait organisé avec trois étudiants chinois. Un caporal dont il perçoit les propos violents au travers de l’armoire dans laquelle il s’est caché, brise jusqu’à l’âme le violon de grande valeur de Yu. Il ne reverra jamais son père…

Mais un lieutenant beaucoup plus humain que son collègue, non seulement, ne dévoilera pas la présence de l’enfant, mais encore lui remettra subrepticement les débris du violon assassiné.

Ce petit orphelin, adopté par un couple de Français et devenu luthier passera une grande partie de sa vie à restaurer ce Nicolas François Vuillaume de 1857 et à ressusciter l’âme de son père au travers de la musique et de la rencontre providentielle avec des témoins du passé de ce dernier selon un déroulement que je vous laisse découvrir.

Un vrai coup de cœur pour cet ouvrage très émouvant et qui – cerise sur le gâteau – a été écrit par l’auteur directement en français, langue qu’il maîtrise parfaitement. D’où l’opportunité pour lui d’avoir pu restituer dans le titre avec le seul substantif « âme » ce double sens et double drame, à la fois humain et matériel.

Isis - Chaville - 79 ans - 15 janvier 2022


"A la mémoire d'un ange" (Alban Berg) 10 étoiles

Akira Mizubayashi (1951- ) est un écrivain japonais d'expression japonaise et française.
"Âme brisée" parait en 2019 et reçoit le Prix des libraires 2020 et le Prix de L'Algue d'Or 2020.

Tokyo 1938.Yu - professeur de violon japonais- et ses 3 étudiants chinois répètent le "Rosamunde" de Schubert quand des militaires japonais soupçonneux et violents envahissent les lieux. Yu a juste le temps de cacher son fils Rei dans une armoire avant d'être molesté et embarqué avec ses 3 amis.
La Guerre de 15 ans, le nationalisme exacerbé japonais, auront peu de considération pour ce quatuor rebelle.
C'est terré dans cette armoire que Rei va observer la destruction du violon de son père et les évènements traumatiques qui le hanteront toute sa vie.
Quelques années plus tard, Jacques Maillard, brillant apprenti luthier va rencontrer son âme soeur, Hélène, en voie de devenir archetière.
2 histoires qui vont rapidement s'entremêler pour n'en faire qu'une, troublante, passionnante et émouvante.

Un incroyable roman, hommage à la Musique (Schubert, Bach, Berg, ....) et à la littérature.
Une oeuvre sur la reconstruction (celle d'un petit garçon et de son violon détruit)
Un voyage musical entre le Japon et la France.
Mais avant tout l'indispensable "élévation de l'Âme" nécessaire pour faire face aux monstruosités de l'Histoire (La Guerre de 15 ans et la bombe à Hiroshima auront fait plus de 20 millions de morts... )
J'ai aimé cette petite phrase glissée par l'auteur lors d'une interview :
"On perd de l'Harmonie quand l'âme est déréglée.... "
(Je vous renvoie au dictionnaire pour bien en comprendre les 2 sens)
Précipitez vous sur cette pépite littéraire et n'hésitez pas à écouter (et écouter encore) les partitions essaimées au fil des pages .
Un moment de lecture unique ! (Grand merci à Alma et à Marvic pour le conseil de lecture)

Frunny - PARIS - 58 ans - 6 avril 2021


Âmes sensibles 10 étoiles

1938 à Tokyo, Rei Mizusawa, jeune garçon de 11 ans, assiste distraitement, plongé dans sa lecture, à la répétition d’un quatuor à cordes dont son père est le premier violon. Quand des bruits de bottes se font entendre, Yu a juste le temps de cacher son fils dans une grande armoire avant d’être emmené brutalement, son violon brisé.
Ce violon brisé accompagnera toute la vie de Rei. Il deviendra luthier "la meilleure manière de demeurer dans le jeu des infinies combinaisons des sons musicaux et dans le vaste monde des émotions foisonnantes et profondes qui en émanaient".
Il attendra l’âge de 76 ans avant de léguer ce violon qu’il aura mis des années à reconstruire à une jeune japonaise prodige Midori Yamazaki qui l’aidera à combler les lacunes de ce passé douloureux.
"Ce violon est son père. Mais en même temps son enfant. Aujourd’hui, c’est le jour du mariage de son fils ou de sa fille… Il se sépare définitivement de lui ou d’elle... en vous le confiant. Je crois que c’est un événement heureux pour lui."
Rei, artiste luthier, compagnon d’Hélène elle même artiste archetière, est un personnage admirable, attachant, touchant, loyal.
Moi qui ne suis pas mélomane, le récit du concert et du discours qui a suivi, m’ont bouleversé.
Les termes techniques n’altèrent en rien l’émotion, la sérénité et la délicatesse de ce coup de coeur partagé avec Alma.

Marvic - Normandie - 65 ans - 2 avril 2021