Valois Tome 2: Si deus pro nobis, quis contra nos ?
de Thierry Gloris (Scénario), Jaime Calderón (Dessin)

critiqué par Shelton, le 4 décembre 2019
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Le mirage italien de la Renaissance et la guerre moderne...
Il y a plusieurs façons de raconter l’histoire même si certaines sont moins académiques que d’autres… Thierry Gloris, passionné d’histoire et scénariste de bandes dessinées, en explore régulièrement une ou l’autre et à chaque fois avec un certain talent de narrateur… Parfois, il s’est intéressé à de la fiction sur fond historique comme ce fut le cas avec Le codex angélique, tandis que l’on a pu le voir à l’œuvre avec des biographies plus classiques comme ce fut le cas pour Isabelle, la Louve de France.

Il y a quelques années, il a cherché à explorer le domaine militaire et a scénarisé une très belle série consacrée à cinq grandes batailles, Champs d’honneur. Il s’agissait de faire revivre ces batailles illustres (Valmy, Castillon, La Bérézina, Camerone et Dunkerque), à chaque fois en un seul album, et ce fut une réussite.

Cette fois-ci, il s’attaque à du plus lourd : une campagne menée en Italie par plusieurs rois Valois, une guerre d’Italie pendant laquelle la France ne s’illustra pas par ses bons comportements, sa loyauté, sa fidélité… et qui pourtant durant de longues années fut ancrée dans la mémoire populaire par une date, 1515, un nom de bataille, Marignan, un homme de guerre Bayard, un jeune roi, François 1er !

Avec la série Valois dont deux tomes sont déjà parus, le scénariste Thierry Gloris et le dessinateur Jaime Calderon, le duo qui avait réalisé Isabelle, la Louve de France, cherchent à nous raconter non pas un homme, non pas une bataille, mais bien une guerre entière. On commencera donc par accompagner Charles VIII en Italie et le tome 2 se terminera par sa rencontre avec un homme bien présent dans la bande dessinée depuis longtemps, le pape Alexandre VI Borgia !

On ne peut pas résumer avec finesse et précision une histoire aussi complexe, mais on peut donner quelques éléments pour que ceux qui ne sont pas habitués à cette période s’y retrouvent un peu… Charles VIII est le fils de Louis XI, un roi qui est resté dans l’ombre de sa sœur, Anne de Beaujeu, très longtemps. Enfin, pas si longtemps non plus car Charles VIII qui avait épousé Anne de Bretagne est mort accidentellement à l’âge de 27 ans…

Alexandre VI Borgia, le pape de tous les excès ou presque, a régné entre 1492 et 1503. On ne va pas lister toutes ses actions car cela serait trop long et on pourra se reporter avantageusement aux nombreuses publications qui le racontent sous toutes les coutures… On peut lire, en particulier, le très bon ouvrage d’Ivan Cloulas, Les Borgia. En bande dessinée, on peut aussi consulter Borgia, de Manara et Jodorowsky, ou Alexandre VI de Simona Mogavino et Alessio Lapo.

Les réalisateurs de cette série ont choisi de faire de la bande dessinée et non un récit « simplement » historique. Ils ont donc créé deux personnages de fiction, Henri Guivre de Tersac, le Français, et Blasco de Vilallonga, l’espagnol. Il faut dire que d’une part l’Italie n’existe pas encore en tant qu’entité politique, et que d’autre part cette campagne est bien une affaire qui au départ oppose un pape espagnol et un roi français…

La narration graphique est efficace et de qualité même s’il semblerait que pour certains il n’ait pas été évident de s’y retrouver dans les différents changements de lieux, les nombreux personnages, les actions multiples (diplomatiques, politiques, religieuses, militaires, intimes…) mais cela m’a au contraire paru donner un rythme à l’histoire que l’on dévore sans pause et que j’ai même été heureux de relire à l’occasion de cette chronique…

Ceux qui me suivent dans mes conférences ne seront pas surpris d’apprendre qu’il est question, à un moment, des lectures romanesques de Charles VIII…

Une très bonne série à découvrir !
Révolution militaire et place des femmes 7 étoiles

Le second tome de la série Valois est moins abouti du point de vue scénaristique me semble-t-il: Les deux héros du récit sont incorporés dans la troupe d'un condottiere du nord de l'Italie qui s'est placé au service de Charles VIII bien décidé à recouvrer l'héritage du Duché de Naples. Le Roi de France emporte tout sur son passage grâce à son artillerie révolutionnaire. Aucune place forte ne résiste aux boulets qui se déversent sur les murs encore inadaptés. Sur son passage, l'ost français sème destruction et désolation.
Gloris met en avant le rôle des femmes du temps, notamment Lucrèce Borgia dans les intrigues politico-mondaines. L'environnement de l'époque en Italie ayant la fâcheuse réputation d'être assez vénéneux notamment par l'usage extensif du poison et de l'arme de la séduction. Ce tome pèche un peu selon moi par la plus grande place accordé par le scénariste aux deux personnages fictifs et donc à la petite histoire dans cette épopée italienne... la pseudo-rivalité qui les oppose est un peu cousue de fil blanc et je me suis un peu lassé de leur passes d'armes au fil de ma lecture. Malgré ce bémol, l'album est intéressant et offre le plaisir de contempler le travail admirable de Calderon qui fignole ses dessins à l'image d'un maître artisan joailler.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 21 mars 2023