L'apparition du chevreuil
de Élise Turcotte

critiqué par Libris québécis, le 11 novembre 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Être une femme libérée, c'est pas si facile
« Être une femme libérée, c’est pas si facile », chante Cookie Dingler. Avec son dernier roman, Élise Turcotte apporte de l'eau au moulin. Le machisme a encore pignon sur rue. Les hommes voient la femme comme un être fragile, contrairement à ce que prouve la réalité. Sylvie Payette, gouverneure générale du Canada, est une astronaute qui a dirigé une mission à la base spatiale ; Jennie Carignan, générale dans l’armée canadienne, dirige nos troupes en Irak et Joëlle Boutin, candidate à une élection partielle, est pilote d’avion. Et toutes sont des mères de famille.

L’auteure du roman s’est choisi une écrivaine comme protagoniste pour illustrer la situation féminine encore défavorable en Occident. Cette dernière dénonce le fait sur les réseaux sociaux. Mais son combat l’oblige à abandonner la partie quand les menaces mettent sa vie en péril. Elle se réfugie alors dans un bled perdu en pleine forêt, où elle espère voir des chevreuils (terme inapproprié au Québec pour désigner un cerf). Mince consolation quand on broie du noir. Tout de même, comme ces cervidés, elle espère trouver le ravage qui assurera sa liberté et sa sécurité.

Élise Turcotte a l’art de la mise en abîme. Elle laisse entendre comment se forge un esprit antagoniste face à la gent masculine. C’est la sœur de l’écrivaine, mère d’un enfant, qui lui sert d’exemple pour illustrer le ressentiment qu’elle éprouve à l’égard de l’homme. Le beau-frère est loin de représenter un parangon. C’est l’incarnation de la testostérone toxique. Pour lui, la femme ne vit que pour satisfaire sa libido. Et quand on l’éconduit, il se venge en kidnappant son enfant. La violence est l’arme favorite pour imposer son pouvoir. Même si le beau-frère est un monstre, la sœur de l’héroïne ne perd pas tout à fait la considération qu’elle porte à son mari.

Ce canevas sert à peindre le tableau des récriminations à l’encontre des hommes. Élise Turcotte tourne le dos aux pinceaux bon marché. Sa plume est riche et originale. C’est du jamais vu en littérature. Et c’est d’autant plus louable que cette auteure féministe a évité la prédication, laissant le soin à ses lecteurs d’en tirer les conclusions ad hoc. .