Cris
de Laurent Gaudé

critiqué par Zébulon, le 6 juillet 2004
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Un petit livre pour la mémoire.
Marius, Boris, Jules, Renier, Ripoll ... se battent dans les tranchées de Verdun.

Bénéficiaire d'une permission, Jules a pris le train de Paris. Il traîne avec lui son obsession du front.
Pendant ce temps, les compagnons restés en première ligne risquent leurs vies au rythme des assauts.
Leurs voix décrivent la relève, l'attente, les corps à corps et les pluies d'obus. Elles racontent aussi le frère d'armes qui abat un prisonnier et se sacrifiera plus tard pour ses amis.
Ou encore cette chasse à " l'homme - cochon ", ce soldat devenu fou qui hurle régulièrement entre les lignes ennemies.
Au-delà des faits, ces poilus, qu'ils soient soldats, officier ou médecin, expriment leur peur et leur fraternité, entre révolte et résignation.
Puis c'est la grande attaque programmée par le commandement. Beaucoup périront, d'autres ont déjà basculé dans la folie.

Pas de mise en chapitres mais des monologues précédés du nom de chaque narrateur.
Le style est très évocateur:
- parfois des phrases très courtes, sans verbe (voire un seul mot): essoufflement.
- parfois des répétitions de mots: martèlement.

Les images que l'auteur imprime dans l' esprit du lecteur sont très fortes et violentes.
Une dure et bouleversante évocation de la guerre des tranchées. Un petit livre pour la mémoire.
Des statues qui fixent le monde 10 étoiles

« Cris »
roman de Laurent Gaudé
126 pages
mars 2001
Editions Acte Sud

Des statues qui fixent le monde

Jean-Paul Sartre non cité dans ce livre a écrit :
Ce que c'est con, la guerre. Je ne connais rien de plus [...]

Ce livre est une polyphonie dramatique qui nous touche, nous secoue, nous prend par les tripes et ne nous laisse pas indemnes quel que soit le positionnement « théorique » que l'on peut avoir de cette grande guerre qui a plus que décimé toute une génération.
Des « poilus » qui se côtoient dans les tranchées, à différents moments racontent ce qu'ils voient et ce qu'ils vivent.
Ils sont tous différents et tous pareils : ils n'ont aucun enthousiasme, ni aucun refus, puisqu'il faut y aller, ils y vont, ils y meurent, ils deviennent infirmes ou fous.
Qui sont-ils ?
Messard qui regarde Castellac, nous l'explique :
« C'est un jeune homme que la guerre est allée chercher dans son champ. Il a posé la bêche. Il a pris le fusil. »
Ils n'ont rien contre les allemands d'en face, Castellac à son tour, quelques pages plus loin, nous ouvre la vue :

« ….Je n'ai jamais eu autant envie de vivre. Et s'il le faut, je le sais, le n'hésiterai pas à me servir du couteau pour percer le ventre d'un ennemi. Je n'hésiterai pas. Mais je les hais tous pour ce qu'ils me forcent de faire. »

Ce livre est fini.
Il est court, avec peu de pages mais immense, je suis content de l'avoir lui mais il me hante.
Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 29 avril 2022


A lire en apnée 10 étoiles

"Cris" de Laurent Gaudé (185p)
Ed. Le Livre de Poche

Bonjour les fous de lectures....
C'est toujours avec un réel plaisir que je me plonge dans un livre de Laurent Gaudé.
Voici un roman polyphonique dont l'histoire se déroule pendant la première guerre mondiale.
Il y a Jules et ses compagnons d'infortune.
Ils sont treize.
Chacun nous raconte l'absurdité, ce qu'il vit, ce qu'il ressent.
Il n'y a que les voix de ces 13 soldats envoyés à la boucherie, paumés, effrayés, devenus inhumains presque fous.
On vit à côté de ces hommes à la bestialité acérée le temps d'une attaque.
Ces hommes enterrés au fond des tranchées, isolés, obéissant aux ordres.
Ces hommes blasés qui ne sortiront pas vivants de cette boucherie ou alors chamboulés à jamais.
Voici un rendez-vous avec la mort, la folie, la peur
Ce livre est poignant et se lit en apnée comme on pousse un cri, un hurlement de désespoir.
Les mots choisis sont simples, les paragraphes aérés mais que la lecture est dense et puissante !!!!!
Il ne fallait pas une page de plus, j'en suis sortie à bout de souffle.
Du tout grand Gaudé.

Faby de Caparica - - 62 ans - 13 septembre 2020


En direct du front de 14 9 étoiles

Ils se nomment Marius, Boris, Jules, Ripoli, Rénier, Barboni, M’Bossolo, ... Un médecin ou l’homme-cochon, ce soldat devenu fou avant les autres et qui gueule dans le no man’s land. Ils sont enterrés dans les boyaux de tranchées attendant la prochaine offensive et au bout la mort, peut-être, sur le front ouest de la première guerre mondiale.
Un sujet en or pour l’excellent Laurent Gaudé qui possède la plume parfaitement affutée pour nous décrire la tout grande détresse humaine, ces cris …


Extraits :


- Le premier obus, dans le hasard infini de cette nuit sans yeux, a explosé en plein milieu de la colonne silencieuse qui venait de nous dépasser pour monter au front. J’ai couru avec mes hommes pour aider. Il y avait des corps partout, sur la route et sur les bas-côtés. Certains commençaient lentement à se relever. D’autres ne bougeaient plus. D’autres encore hurlaient à la mort.



- Je remplis mes poumons. Il faut y aller. Je crie « à l’attaque ! «. J’enjambe le parapet. Tous les hommes me suivent. Je cours maintenant. Ils sont derrière moi. J’entends le cliquetis de leur équipement. J’entends les pas de notre course. Plus vite qu’un guépard. Tout droit. Sans faiblir. Je ne pense à rien. Je me concentre sur ma course. Les lignes ennemies approchent. Je les vois maintenant. Je discerne des silhouettes qui dépassent des tranchées. C’est vers eux que je vais. Ce sont eux les ennemis. Eux qu’il faut tuer. Ils sont près. Je cours encore. Je ne sens aucune fatigue. Je me sens rapide comme un fauve. Je vais …

- Je ne peux pas dire combien de temps cela dura. Plusieurs heures peut-être. Je n’ai vécu que de cinq secondes en cinq secondes. L’explosion, le soulagement, l’attente et l’explosion à nouveau. Chacune de ces cinq secondes m’a fait vieillir plus sûrement qu’une vie.

- Les voilà. Nous avons entendu un grand cri sourd monter de l’horizon. Et je vois maintenant, aussi loin que porte mon regard, une vaste ligne d’hommes se détacher et se ruer vers nous. Ils sont des milliers. Une vague immense de petits points noirs qui ne cessent de s’approcher. Sur des kilomètres de front. Comme un seul grand corps, ils sont sortis de leurs tranchées et courent vers nous.

Catinus - Liège - 73 ans - 18 mars 2014


TOUJOURS PERDANT A LA GUERRE 10 étoiles

« Cris » le titre de l’ouvrage de Laurent Gaudé peut de prime abord faire penser au tableau presque éponyme du peintre norvégien Edvard Munch, « Le Cri ». Car ce sont bien des cris d’hommes pris dans la tourmente et l’horreur du conflit de la première guerre mondiale à l’écoute desquels nous convie Laurent Gaudé.

Il y a le Gazé, dont l’agonie, les retours vers l’état de conscience oscillent vers le désespoir absolu. Le lieutenant Rénier, jeune officier frais émoulu de l’école de guerre, qui trouvera la mort au premier assaut décisif.
Il y a aussi Jules, qui part en permission au début du récit. Ses compagnons de tranchée, Marius, Ripoll, Barboni, M’Bossolo l’Africain, tous affrontent ce déchaînement, ce déluge de feu, ce prélude à l’effondrement d’une certaine conception du monde.
On pense à Henri Barbusse, à Roland Dorgelès, à Erich-Maria Remarque, auteurs majeurs dans la restitution du traumatisme de la première guerre mondiale. Laurent Gaudé est né en 1972, et n’a donc pas connu cette période. Il l’évoque pourtant avec une force de vérité impressionnante, avec une capacité de restituer toutes les caractéristiques de cette guerre : sa barbarie, la saignée qu’elle fut pour la nation, le bouleversement du sort de millions d’individus, tant au front qu’a l’arrière.
Ainsi, une réflexion conduite par un médecin, l’un des personnages de ce roman résume la vision possible de cette épreuve par des soldats partis à la poursuite d’un des leurs devenu fou :
« J’ai pensé à Marius et à Boris qui étaient partis à sa poursuite. Et je n’ai pu repartir que lorsque les cris ont cessé. Je crois que c’est la terre qui hurle par cet homme. Je crois qu’il est la bouche hurlante du front qui gémit de toutes les plaies profondes que l’homme lui fait. ( …) Je crois que lorsque le fou cessera de gueuler, c’est que la terre sera morte. Et l’homme pourra s’en remettre à Dieu car commencera alors un enfer auquel rien ne nous a préparés. »

La forme du roman, suite de monologues intérieurs conduits par les différents protagonistes, fait penser, aussi, à la configuration d’une pièce de théâtre. Cet ouvrage pourrait être aisément adapté à la scène. C’est émouvant, évocateur. Cet ouvrage peut rejoindre cette catégorie d’œuvres, dont la fréquentation nous rappelle que, toujours, les peuples sont perdants, s’ils prennent part à cette catastrophe : la guerre.

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 6 juillet 2012


Dans le bruit et la fureur des tranchées 8 étoiles

Beau récit non seulement sur la folie de la guerre , mais sur la folie que la guerre provoque chez les hommes , une folie qui passe autant par les mots que par les cris . Hommes-animaux, parfois, comme cet homme-cochon qui hante les nuits des poilus , qui fait basculer le récit dans une tonalité fantastique et que le médecin définit ainsi « Il est possible que cette terre éventrée et meurtrie ait donné naissance , dans une nuit de sueur et de contractions, à cet être . Mais je crois plutôt qu’il est l’ogre sauvage, le père de ce paysage de mort »

Récit poignant, qui nous plonge au cœur même de l’enfer de la guerre , dans le bruit et la fureur des armes , et qui, par l’alternance de récitatifs où chaque personnage vient nous faire partager sa peur et ses espoirs , nous fait entendre la voix collective qui s’élève des tranchées

Alma - - - ans - 2 décembre 2010


Cris, cris d'angoisse, d'effroi... Plus jamais la guerre ! 9 étoiles

Cris au pluriel : cris des soldats dans les tranchées de la première guerre mondiale ; cris d’angoisse, hurlements de folie, de cette folie meurtrière qu’engendre la guerre.
Laurent Gaudé connaît la notoriété avec son livre Le soleil des Scorta qui obtint en 2004 le prix Goncourt. Cris est son premier roman ; on y découvre les prémices d’un grand romancier par l’originalité de son écriture et du découpage même du roman. De plus, ce romancier utilise une langue pure, teintée de poésie.
Laurent Gaudé nous fait côtoyer les poilus de la Grande Guerre dans leur vie ou leur mort de tous les jours. Il fait ressortir toute la souffrance de ces soldats, du sans grade au lieutenant en passant par le sous-officier, le médecin et l’infirmier africain. Au paroxysme de cette souffrance, le soldat perd tous ses repères humains pour sombrer dans la folie.
Le découpage du livre est à nul autre pareil et cela fait son originalité. Dans chaque chapitre apparaissent en titre des noms de soldats et ils réagissent en fonction de leur entourage, ils suivent leur destin. De chapitre en chapitre, le lecteur suit leur cheminement avec, à chaque fois, un rebondissement dans la progression dramatique. Le récit est haletant et il suit la respiration saccadée du soldat qui court. Autant de phrases courtes.
Ce roman est construit comme une suite de poèmes portant comme titre les noms des soldats dont on suit leur vie, leur comportement. Ces tranches de vie magnifient l’héroïsme de ces soldats, malgré eux, car ce qu’ils recherchent, c’est de survivre à ce cauchemar qu’est la guerre ou de le fuir en se sacrifiant par désespoir.

Ddh - Mouscron - 83 ans - 3 décembre 2006


Mémoires 3 étoiles

Livre court et simple. Toutes les pensées des personnages sont évoquées dans ce court récit. Jules part en permission pendant que ses frères d'armes mettent leurs vies en danger sur le front. Sans oublier l'homme cochon qui pousse des cris dignes d'un être mi-humain mi-animal ! Ces cris sont affreux et hantent les soldats.
Malgré les libres de pensée des protagonistes le livre ne nous touche pas assez.
Il nous montre une seule face de la guerre.
On s'attache très difficilement aux personnages. Mis à part Jules peut-être!
Peut-être un livre plus littéraire aurait été plus touchant et émouvant ...

Polimnye - - 35 ans - 4 décembre 2004